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Nous voulons des coquelicots pour l’arrêt total des pesticides
Le journaliste Fabrice Nicolino, en charge des questions environnementales à l’hebdomadaire Charlie Hebdo, et l’écologiste François Veillerette* lançaient en novembre dernier le mouvement Nous voulons des coquelicots, un cri d’alarme contre les pesticides.
Largement utilisé après la deuxième guerre mondiale pour lutter contre les maladies et les insectes, le DDT, désormais interdit, a marqué le départ d’une large gamme de pesticides au service de l’agriculture moderne mais aussi des particuliers.
Pesticide est un terme générique qui regroupe plusieurs catégories ; on distingue les biocides (qui tuent), les herbicides, les fongicides, les anti-parasites, les molluscicides (contre les limaces), les acaricides, les insecticides, les rodenticides (contre les rats), les bactéricides, les désinfectants, etc. Beaucoup sont destinés à l’usage domestique mais, bien qu’en vente libre, leur usage est loin d’être anodin.
La rémanence dans l’environnement de produits interdits depuis plusieurs décennies en dit long sur leur durée de vie. Aujourd’hui, les pesticides sont disséminés partout, dans l’air, les rivières, la mer, la terre, les aliments, la flore, la faune et les êtres humains. Leur haute toxicité pour l’ensemble du vivant est pleinement reconnue et a suscité bien des débats parlementaires ou scientifiques, toutefois leur utilisation reste massive et approuvée par les gouvernements.
Des alertes restées vaines
En 2013 l’InVS, l’institut de veille sanitaire, alertait sur la dangerosité des perturbateurs endocriniens que sont les pesticides, causes de nombreuses maladies chez l’homme et les animaux. Bien que dans les analyses, les anciennes molécules soient en diminution, les Français sont plus fortement contaminés par les nouvelles molécules que les autres pays européens.
Au printemps 2018 le Muséum National d’Histoire Naturelle et le CNRS révélaient le déclin d’un tiers des espèces d’oiseaux en France depuis 1980 ( Pipit farlouse : – 68%, Tarier des prés : – 59%, Bruant jaune : – 57%, Vanneau huppé : – 42%, etc.).
En cause, l’abattage massif des bosquets et des haies dans nos campagnes, la pratique de la monoculture, l’utilisation abusive de pesticides et, dans une moindre mesure, la chasse.
L’effondrement des colonies de pollinisateurs (abeilles, papillons, bourdons) constaté depuis 1920, voire l’extinction d’espèces, mettent en danger tout le cycle de la reproduction végétale et donc du vivant.
Suite aux résultats de ces études, Fabrice Nicolino soumettait au printemps 2018 toute l’équipe de Charlie Hebdo à une analyse de cheveux. Les résultats furent terrifiants : sur cent-quarante substances toxiques potentiellement recherchées, trentequatre à cinquante substances étaient présentes chez tous les sujets.
Nous voulons des coquelicots, chaque premier vendredi du mois
Cette constatation, que nous sommes tous contaminés, a été la prise de conscience pour Fabrice Nicolino que « Cela ne peut plus durer ! ». En compagnie de François Veillerette, ils lancent un appel national le 12 septembre 2018, lors de la sortie d’un numéro spécial de Charlie Hebdo, pour que cessent ces pratiques dites « d’agriculture conventionnelle » (un terme anodin et rassurant, bien commode pour nous faire avaler la pilule) qui nous empoisonnent, nous, nos enfants, la faune, la flore et la planète toute entière.
Leur appel : Nous voulons des coquelicots a pour objectif d’alerter le Gouvernement sur ce sujet , il réclame l’arrêt total des pesticides de synthèse au moyen d’une pétition en ligne qui vise les cinq millions de signatures en deux ans (ce n’est qu’un treizième de notre population, on devrait y arriver !).
Chaque premier vendredi du mois, l’association Nous voulons des coquelicots nous invite à nous rassembler devant la mairie de notre village. Le 7 décembre, huit-cents rassemblements étaient ainsi constatés sur le territoire français.
Une catastrophe sanitaire
Les perturbateurs endocriniens sont cause de malformations génitales, de troubles du développement psychologique et de troubles de la croissance ; ils touchent des organes pendant la vie foetale ce qui engendre des maladies au stade adulte (cancers), de plus ils sont facteur d’obésité. Ils ont aussi leur responsabilité dans la baisse du taux de spermatozoïdes qui touche les hommes (source inVs).
Usage agricole
Le glyphosate, le soufre et le fosetyl-aluminium sont les pesticides les plus utilisés sur nos sols. Sur le seul département de la Charente- Maritime, 1 477 077 kg ont été épandus en 2017, ce qui représente 3.43 kg à l’hectare (source Générations Futures). Suite au Grenelle Environnement de septembre et décembre 2017, le ministère chargé de l’agriculture a mis en place le plan Écophyto dès 2018, qui vise à réduire de 50 % (en dangerosité et en volume) les produits phytosanitaires en agriculture.
Pour leur part, Fabrice Nicolino et François Veillerette estiment ces mesures insuffisantes et réclament l’arrêt total des pesticides de synthèse et l’avènement d’une agriculture biologique durable.
Quid de la vigne et de la patate de l’île ?
Les agriculteurs rétais et les ingénieurs constatent depuis trente ans une évolution des pratiques. L’interculture, la rotation, le couvert végétal, l’introduction de blé, d’orge et de plantes fourragères, l’engrais d’algues ou la confusion sexuelle fait qu’un petit noyau de producteurs, dans une approche collective, expérimente des méthodes alternatives satisfaisantes. Dans l’ensemble, les jeunes producteurs de l’île ont une éthique plus respectueuse de l’environnement que les générations précédentes. C’est devenu vital quand on sait que bien des terres de l’île sont aujourd’hui stériles, car gavées de cuivre.
Les Rétais aussi se mobilisent
À l’initiative de Julien Branca, très impliqué dans la cause environnementale, le mouvement Nous voulons des coquelicots est bien relayé sur l’île de Ré. Depuis octobre dernier, Julien organise des réunions amicales et des goûters pour échanger sur le thème. Avec les enfants et leurs parents, ils ont fabriqué des cocardes « Stop aux pesticides » en forme et aux couleurs du coquelicot pour diffuser le message. Julien a également édité une page Facebook, une mine de renseignements sur le mouvement, pour coordonner les rassemblements des premiers vendredis du mois, avec l’accord préalable de la police municipale, bien entendu ! Le 7 décembre, ils étaient déjà plus d’une vingtaine devant la mairie de Saint-Martin de Ré. Les futurs rassemblements sont prévus, chaque premier vendredi à 18h30 dans différents villages de l’île. Qu’on se le dise !
Véronique Hugerot
* Fondateur du mouvement Générations Futures, président du réseau européen Pesticide Action Network, auteur de plusieurs ouvrages sur les pesticides
Plus de renseignements sur : Pétition : https://nousvoulonsdescoquelicots.org/facebook : nous voulons des coquelicots île de Ré – PAN International.org : Pesticide Action Network
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