- Social
- Sensibilisation aux violences intre-familiales
VIF : où placer le curseur du signalement ?
Dans le cadre du déploiement et du renforcement des dispositifs de prévention des violences intra-familiales (VIF) en Charente-Maritime, la Maison de Protection des Familles est venue, le 26 septembre dernier, sensibiliser les élus rétais, afin de leur permettre de mieux détecter les situations à risque et y répondre.
Cette intervention, organisée par Marie-Pierre Lamour, sous-Préfète de Saint-Jean-d’Angély et référente départementale pour la lutte contre les violences sexistes, sexuelles et conjugales*, avec les services de gendarmerie, a permis de secouer les consciences mais a aussi soulevé les problématiques sous-jacentes à tout signalement.
Car comme l’a concédé d’emblée le président de la Communauté de Communes de l’île de Ré, Lionel Quillet, « Les élus sont assez démunis, après trente ans de mandat on s’étonne toujours et on ne comprend pas. Contrairement aux idées reçues, l’île est tout autant concernée. Dans les villages on sait beaucoup de choses. Mais à partir de quand doit-on intervenir, sans être intrusif ? »
Un processus évolutif pour mieux asseoir son emprise
« Une violence intra-familiale est définie comme un processus évolutif au cours duquel un membre de la famille exerce, au sein de la cellule familiale, une domination qui s’exprime par des comportements agressifs, violents et destructeurs. », a expliqué la référente départementale.
« Le sujet des VIF était tabou pour les générations plus âgées, on connaît tous quelqu’un qui en a été victime, une personne sur dix est concernée, toutes catégories socio-professionnelles confondues. Il n’existe pas que les VIF avec la bouteille d’alcool, celles-ci remontent assez facilement. Dans les situations où on est sur des CSP plus aisées, c’est souvent plus difficile de les révéler, car cela conduit à faire exploser toute la famille. La famille devrait être le lieu où l’on est le plus protégé. Dans le terme de VIF on appréhende la famille au sens large et cela recouvre une multitude de schémas : On a tous en tête les violences verbales, physiques et sexuelles, mais les violences psychologiques, religieuses, administratives, économiques et médicales sont autant d’autres formes inacceptables. »
Ainsi, depuis une dizaine d’années, les gendarmes disposent ils d’un canevas leur permettant de voir à quel niveau les violences se situent, la parole des victimes est entendue, les gendarmes sont désormais formés à l’écoute, idem pour les magistrats. « J’ai été juge de la liberté et de la détention, au début quand j’ai commencé les magistrats du Parquet estimaient un dossier crédible quand la victime ne changeait pas ses déclarations, cela bétonnait un dossier. Aujourd’hui, des hésitations, des versions différentes sont entendues, car c’est l’emprise de l’agresseur sur la victime qui crée ces déclarations fluctuantes, on a assisté à une évolution de la part des magistrats et de toute la chaîne pénale. », a expliqué Marie-Pierre Lamour. « Les auteurs de violences sont hyper alertés et font tout pour dissimuler les signaux qui pourraient être repérés. »
Nathalie Carett, adjudante cheffe de gendarmerie et responsable de la Maison de Protection des Familles a expliqué l’aspect évolutif du processus : « Les auteurs de faits de violence y vont progressivement, ce qui leur permet d’asseoir leur autorité, cette emprise empêche la parole. Souvent c’est par les enfants qu’on arrive à repérer les différentes formes de violence, souvent les violences psychologiques sont révélées après que les violences physiques aient été repérées. Une victime excusera toujours l’auteur. »
Un panel de mesures judiciaires
Beaucoup de mesures judiciaires et sociales découlent du Grenelle des VIF, la qualification pénale des VIF est soit un délit, soit un crime en cas de viol, les faits sont aggravés s’ils sont commis en présence des enfants et/ou commis par le conjoint, ex-conjoint, sous l’empire d’un état alcoolique et/ou de stupéfiants. Contrairement à certaines idées reçues, l’état alcoolique ne constitue en rien une circonstance atténuante…
Parmi les progrès importants, figure le droit au bail : désormais le logement commun revient à la victime et ses enfants, même si son nom ne figure pas sur le bail, alors qu’auparavant c’était eux qui devaient quitter le domicile. Les gendarmes peuvent mener une procédure et une enquête même sans dépôt de plainte. Des cellules CLAP (cellules de lutte contre les atteintes aux personnes, traitant plus particulièrement des VIF), des intervenants sociaux en gendarmerie, puis différentes associations, accompagnent les victimes.
« On s’occupe aussi davantage des auteurs, leur prise en charge est nécessaire pour éviter la récidive, les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) assurent le suivi et le contrôle des personnes placées sous main de justice, que ce soit en milieu fermé comme en milieu ouvert. Parmi les mesures intéressantes, figurent le retrait d’autorité parentale, l’ordonnance de protection, le bracelet antirapprochement et le téléphone « Grave danger », qui peut être attribué sans que l’auteur soit condamné. De même l’ordonnance de protection peut être décidée en amont, sans que l’auteur des violences n’ait été forcément jugé. », a précisé la référente VIF de Charente-Maritime.
Un sujet extrêmement sensible pour les élus
Lionel Quillet a relevé cet effort, permettant une vraie réponse, avec plus de moyens. Il a toutefois expliqué le dilemme de tout maire ou élu municipal : « Si je signale, quel sera le plus et quel sera le moins, parfois les conséquences seront plus terribles que si je n’y avais pas été. Que fait-on quand on est confronté à des cas « borderline », comme par exemple la violence faite aux aidants ? Un autre souci est l’état de la psychiatrie en France, les réponses médicale et de la justice sont-elles à la même hauteur ? »
Danièle Pétiniaud-Gros, maire d’Arsen- Ré, s’est aussi interrogée : « A partir de quand remonte-t-on l’information ? », tout en annonçant qu’elle allait faire le point dans son village suite à cette réunion de sensibilisation.
« Le signalement d’information préoccupante doit être fait dès qu’il y a doute, il peut y avoir en face des mesures sociales et éducatives, sans forcément toujours une réponse judiciaire. » ont répondu les deux intervenantes. « Mieux vaut s’alarmer pour rien que de fermer les yeux sur des cas de violences. La gendarmerie ne reprochera jamais un signalement qui s’avère non fondé, par contre il est du devoir de chaque élu et de chaque citoyen de signaler tout cas qui lui paraît suspect. »
« Mémo de vie », un outil précieux
Nathalie Carett a présenté deux outils fort utiles. Le violentomètre gradue du vert au rouge foncé en passant par l’orange clair puis foncé les comportements relevant d’une relation saine, devant susciter la vigilance ou relevant du danger, on voit que la couleur orange arrive très vite avec par exemple : « Il y a violence quand… il se moque de toi en public…. fouille tes mails et textos, contrôle tes sorties, habits, maquillage… ». Le rouge va de « l’humiliation au chantage au suicide, en passant par les menaces, les contraintes de relations sexuelles… et menaces avec armes. »
Autre outil méconnu et qui peut se révéler précieux, la plateforme « Mémo de vie », accessible avec code et mot de passe, permettant de rentrer documents, vidéos, audios, mais aussi ses papiers d’identité, des certificats médicaux, des témoignages, etc. Avec sa fonction « Vite je quitte » qui bascule immédiatement sur la météo et qui n’apparaît pas dans l’historique du navigateur. Cet outil permet de garder accès à ces documents et faire communiquer des personnes entre elles, en toute discrétion, il s’agit d’une sorte de coffre-fort.
Enfants et adolescents : sensibiliser et repérer
Il a été aussi beaucoup question des enfants et adolescents, « il ne faut pas juger trop vite un enfant turbulent, violent verbalement et/ ou physiquement, cela peut être évocateur. L’hypersexualisation des jeunes, particulièrement des jeunes filles, doit attirer notre attention, tout comme un changement soudain de comportement. » La gendarmerie est formée pour intervenir dans les écoles, collèges, lycées et établissements post-Bac sur demande des chefs d’établissement, tant au sujet des addictions, des dangers des réseaux sociaux que des violences intrafamiliales et sexuelles. « Cela devrait être obligatoire dans le cursus », a émis un participant, mais l’Education Nationale est longue à faire bouger… Les équipes de gendarmerie intervenant auprès des jeunes en milieu scolaire sont formées pour repérer certaines attitudes d’élèves dénotant un malaise. Ainsi au-delà de la simple sensibilisation, ces interventions permettent aussi de repérer des jeunes en difficulté.
*La conférence sur la lutte contre les VIF qui s’est tenue à Jonzac le 9 février 2024, sur l’initiative du préfet de Charente-Maritime, a défini trois axes de travail, parmi lesquels la prévention.
Un tél : le 39 19
Arrêtons les violences
Mémo de Vie : memo-de-vie.org
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