Vers une politique de préemption des baux commerciaux
Depuis décembre 2007, un décret autorise les communes à mettre en place un droit de préemption sur les baux commerciaux et sur les fonds de commerces artisanaux. En quoi consiste cette disposition ?
À Ars-en-Ré, depuis plusieurs années et plus particulièrement ces derniers temps, une profonde mutation des commerces et du marché ont posé bien des questionnements : fermeture d’une boucherie, d’une boulangerie et de deux coiffeurs, la poissonnerie transformée en galerie d’art, la pharmacie déplacée du centre du village vers les extérieurs, l’épicerie qui a failli devenir une énième boutique de vêtements, pour ne citer que ceux-là. Un diagnostic a été mené conjointement par la commune et par la CCI (Chambre de Commerce et d’Industrie) de La Rochelle. Il s’est, entre autres, basé sur une enquête sur la vie économique du village menée à l’automne dernier auprès des résidents à l’année et des résidents secondaires. 23 % ont répondu au questionnaire. Ce chiffre est éloquent, et prouve l’intérêt porté par les habitants au sujet. 90 % sont attachés aux commerces traditionnels du centre bourg, 70 % à la zone U-Express et 60 % au marché. Toutefois, en amont, dès fin mars 2012, le conseil municipal d’Ars avait pris la décision de mettre en place une politique de préemption des baux commerciaux. Le 28 novembre, elle a été entérinée. « C’est un outil d’intervention qui permet de sauvegarder le commerce et de préserver la diversité commerciale, là où ils sont menacés. Il nous a fallu huit mois pour aboutir » a précisé le Maire Jean-Louis Olivier.
Une politique de préemption à Ars
Et concrètement que se passera-t-il désormais ? « Jusqu’à présent nous n’étions pas toujours informés lorsqu’un commerçant décidait de céder son fonds. Nous nous sommes parfois retrouvés devant le fait accompli » affirme le maire. Le décret dit que toute vente de commerces, inclus dans un périmètre de sauvegarde pré-défini, doit faire l’objet, à la commune, d’une déclaration de cession préalable. Elle indique le prix et les conditions. Désormais la commune aura deux mois pour se manifester à compter de la réception de la déclaration, sur la base du prix fixé par le commerçant, sous réserve d’une estimation parallèle faite par France Domaine. C’est ainsi qu’un périmètre a été défini à Ars, soumis à la CCI et à la Chambre des Métiers et de l’Artisanat. En centre bourg, il englobe le haut de la rue Thiers, la place de l’église jusqu’à la place de la Chapelle en passant par la rue Gambetta.
Prenons l’exemple d’un commerce de bouche ou de proximité, les cas les plus ardus sur l’île. Si le commerçant trouve un repreneur qui a la même activité, il ne devrait pas y avoir de problème. Pour le cas où un tout autre commerce envisagerait de s’installer là, la commune peut préempter le bail. Mais cela implique des contraintes pour celle-ci. « Derrière, il faut un projet. En plus, il faut aller vite, d’autant qu’une entreprise qui s’arrête ce n’est jamais bon. À nous de trouver quelqu’un qui soit intéressé » poursuit le Maire. En effet, selon les textes en vigueur, l’acte de cession doit intervenir sous trois mois. Et si la commune préempte et qu’elle n’a pas trouvé immédiatement de repreneur c’est à elle qu’incombe le règlement du prix du bail commercial et la location mensuelle du fonds. « On ne peut pas se permettre de gaspiller l’argent public » poursuit-il. La commune peut se faire aider par la CCI et la Chambre des métiers qui ont ponctuellement, sous le coude, des souhaits de reprise de commerces. La cession du bail commercial est alors bloquée par la commune en attendant la finalisation du dossier du repreneur. Celui-ci peut lui aussi se faire assister dans le montage par l’un des deux organismes. La commune a devant elle un an maximum pour rétrocéder le fonds de commerce ou le bail commercial à une entreprise déjà immatriculée.
N’est-ce déjà pas trop tard pour le village d’Ars ? « C’est une solution qui peut éviter ce que nous avons connu. Mais c’est loin d’être gagné, on voit bien les contraintes » reconnaît le Maire. Toutefois, ces dispositions ne concernent que le bail commercial, et pas l’achat des murs, qui sont une toute autre histoire.
Et dans les autres communes du canton nord de l’île ?
Aux Portes, une telle décision a été votée il y a cinq ans. Par deux fois, le Maire, Christian Bourgne a fait valoir le droit de préemption pour une boucherie et une épicerie. Pour un troisième commerce, cela n’a pas abouti. « De toutes façons, dans le village tout le monde sait que nous avons la main là-dessus » constate-t-il. Loix n’a pas ce type de questionnement. La commune est propriétaire des locaux commerciaux et donne à bail commercial spécialisé, à l’exception de la supérette et des commerces du village artisanal, et dans cet espace il n’y a pas de commerces de bouche. À Saint-Clément des Baleines, la décision a été votée, mais le Maire Gilles Duval n’a encore jamais eu l’occasion de l’appliquer.
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