Uniré : des défis de taille à relever
Si Uniré a enregistré au 31 juillet 2022 un résultat net en forte hausse, les perturbations économiques et dérèglement climatique impactent nettement ses activités viticoles et maraîchères. La mise en conformité aux nouvelles normes européennes en matière de qualité des eaux retraitées utilisées pour la pomme de terre représente un investissement que ne peuvent assumer les maraîchers du Nord de l’île.
Très impactées par le gel – survenu après une période de grande douceur – les premières plantations et principalement l’Alcmaria ont cruellement manqué en début de saison dernière. Par ailleurs, si les ventes des vins charentais « Île de Ré », tout comme celles de Pineau « Ilrhéa » sont restées stables, le marché du Cognac, jusqu’ici très dynamique, a commencé à marquer le pas, notamment auprès des consommateurs américains et chinois.
Le président d’Uniré, Jean-Jacques Enet, a présenté le rapport d’activité très complet, tandis que le directeur général, Christophe Barthère, a commenté les comptes de résultat, favorables.
Des vendanges très précoces
Les vendanges 2021 avaient commencé le 13 septembre, celles de 2022 ont débuté le 29 août et se sont achevées le 29 septembre. Ce sont les vendanges les plus précoces et les plus courtes jamais réalisées. Ce millésime a encore été marqué par les aléas climatiques : gel de début avril, sécheresse et coups de chaleur durant l’été. Si le gel a eu un impact sur les rendements, surtout en blanc, la sécheresse et la chaleur ont généré des phénomènes de concentration et des blocages de maturité. Les précipitations du 20 août sont arrivées juste à temps et – en permettant d’attendre 10 jours de plus – ont induit l’amélioration des rendements et une maturité rapide, imposant un temps de vendanges court.
En termes de besoins commerciaux, si la production et les stocks de rouge et rosé couvrent largement les ventes, il n’en est pas de même avec l’IGP blanc, qui connaît une situation de tension, le cépage Chardonnay venant à manquer.
Côté distillation, la campagne s’est déroulée du 14 novembre au 19 décembre 2022. L’évolution climatique amène la coopérative à atteindre quasiment la limite maximale autorisée en degré (12 % vol) pour les vins de distillation, ce qui va imposer une nouvelle stratégie de ramassage aux vendanges.
Investissements
A la fin de l’exercice clos au 31 juillet 2022, les aires de lavage étaient opérationnelles, à l’exception de celle du Bois-Plage, livrée début 2023. Elles représentent au total un investissement de 729 K€, dont 523 K€ sur cet exercice (206 K€ l’an passé). Un permis de construire a été déposé pour une extension du bâtiment de conditionnement des produits primeurs réfrigérés. Par ailleurs, la SCA Sagiterres, détenue à 99 % par la SCA Uniré, a fait sa première récolte lors des vendanges 2022 et a décidé d’investir dans un tracteur d’occasion et un pulvérisateur confiné, ce qui permettra de proposer une prestation de services aux adhérents d’Uniré qui ne peuvent pas s’équiper. Une étude est menée pour la construction d’un hangar agricole sur le site de la coopérative.
Environnement
La politique de protection du vignoble contre les tordeuses par confusion sexuelle va continuer sur une surface équivalente, mais avec de nouveaux diffuseurs qui se posent à seulement 250 diffuseurs/ha. Un nouveau plan de pose sera donné, avec de nouvelles consignes. Concernant les CEPP (certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques) ils s’obtiennent en privilégiant par exemple l’utilisation de produits de biocontrôle (1/3 de cet objectif est atteint avec la confusion sexuelle) ou l’investissement dans des pulvérisateurs à panneaux récupérateurs. « Nous sommes largement dans les clous », a insisté Jean-Jacques Enet. De fait, l’IFT (indice de fréquence de traitement) moyen des viticulteurs d’Uniré était à 8,55 contre une moyenne de 18,2 pour la région Cognac. Quant à l’IFT pomme de terre, il était à 2,99 contre 18,27 en moyenne en France.
Ce qui a fait dire aux dirigeants d’Uniré, ainsi qu’aux élus présents, notamment Patrice Raffarin et Gisèle Vergnon, que l’étude Solagro et sa « médiatisation » sans discernement ont causé beaucoup de tort aux vignerons de l’île de Ré, non justifié.
La pomme de terre peine
Deux variétés ont été plantées : Alcmaria et Charlotte. Le gel jusqu’à – 5°C dans la nuit au 3 au 4 avril a causé des dégâts sur la variété la plus précoce, l’Alcmaria. Manque de vigueur des plants d’Alcmaria, manque d’eau et canicule au moment des arrachages de fin de saison ont impacté le volume récolté et la qualité du produit. Début de campagne le 5 avril, passage en AOP le 13 avril, les faibles volumes récoltés ne permettent pas de satisfaire complètement les commandes, mais l’Union Coop Noirmoutier-Ré fournit le complément en pommes de terre Primeur. Puis le contexte de consommation est difficile et une baisse de prix est nécessaire. Au final, la production vendue a diminué de 16 % par rapport à celle de 2021, le prix moyen de vente passant de 1,98 €/kg en 2021 à 1,71 €/kg en 2022, le chiffre d’affaires baisse de 27 %.
Pour la prochaine campagne, les variétés plantées seront Alcmaria, Primabelle et Charlotte.
De bons résultats, liés à la vente de vieilles eaux de vie
Le chiffre d’affaires est passé de 15,78 M€ en 2021, à 16,09 M€ en 2022, l’exercice allant du 1er août au 31 juillet. Résultats d’exploitation (+ 804 K€ contre 67 K€ l’année d’avant) et net (+ 922 K€ contre + 159 K€) sont excédentaires et en forte progression sur cet exercice. On l’aura compris, l’activité vignerons a progressé, alors que l’activité maraîchère a régressé. Ainsi le chiffre d’affaires vignerons est passé de 10,72 M€ à 12,09 M€ grâce à la vente d’eaux de vie, à un bon prix, pour 1,5 M€. Il s’agit d’un « one shot ». le résultat net vignerons est ainsi passé de 181 K€ à 1,05 M€ ! Les stocks ont évidemment fondu d’autant.
Les ventes se font à 75 % sur l’île, 25 % sur La Rochelle et au-delà. La construction du nouveau cellier, il y a trois ans, a permis une forte progression de ses ventes, qui représentent 34 % des ventes vignerons d’Uniré, soit quasiment autant que les ventes des commerçants et de la grande distribution réunies. Avec évidemment des marges nettement plus intéressantes pour Uniré, puisqu’il n’y a pas d’intermédiaires. Les ventes de l’activité maraîchère ont chuté de 4,17 M€ l’an passé à 3,03 M€ cette année (- 27 %), le résultat net est devenu déficitaire à – 94 K€, alors qu’il était bénéficiaire à + 82 K€ l’an passé. Ce déficit est lié tant à la baisse des volumes de ventes et à celle des prix qu’à l’augmentation des charges.
L’activité Approvisionnement, qui représente un CA de 920 K€ (+ 12 %) et un résultat net de – 30 K€ (contre – 104 K€ l’an passé) devrait être juste à l’équilibre, à la différence près que les frais de la confusion sexuelle (environ 50 K€) sont pris en charge en intégralité par la coopérative.
L’irrigation va devenir un problème majeur
Le nouvel œnologue Benoît va élaborer pour 2023 un planning de vendanges différent, afin de tenir compte notamment de l’impact des évolutions climatiques : « On va vendanger plus tôt, dès le mois d’août. On vinifiera aussi de nuit, le calendrier de ramassage sera aussi marqué que cette année. Pour 2024, il faudra accroître la capacité de la cuverie. » Si le gel a été l’élément le plus perturbateur de 2022, pour des pommes de terre de plus en plus précoces, l’inquiétude, palpable, est ailleurs pour les maraîchers du Nord de l’île qui irriguent avec les eaux de la station d’épuration d’Ars-en-Ré. En effet, la nouvelle norme européenne concernant la qualité des eaux retraitées utilisées en agriculture, comme d’ailleurs pour les espaces verts et les golfs, « pas loin de la qualité de l’eau potable », va nécessiter un investissement de 250 à 300 K€ pour les sept irrigants d’Ars et Saint-Clément, avec un traitement UV obligatoire. « Si La Flotte reste juste aux normes, ce n’est pas le cas de la station d’Ars. Nous ne pouvons assumer cet investissement, sans compter les frais de fonctionnement et d’entretien d’une nouvelle installation. Or nous représentons 45 % du volume de pommes de terre de l’île de Ré, si nous disparaissons, c’est toute l’activité maraîchère de la coopérative qui disparaîtra, elle n’aura plus la taille nécessaire pour exister. En juin 2023 on devra être aux normes, c’està- dire pour la campagne 2024 », a expliqué Julien Dorin. « On va manquer d’eau en été, la réutilisation des eaux usées est un vrai sujet d’avenir ».
Le directeur adjoint de la DDTM, Christophe Manson, a dit avoir rendez-vous avec le président de la CdC la semaine suivant cette AG et que ce sujet aura toute son attention, d’autant qu’un fonds vert est en train de se mettre en place. Le conseiller departemental, Patrice Raffarin, a suggéré qu’il soit abordé plus globalement dans son aspect environnemental, ce qui permettrait d’y intéresser l’écotaxe. Eau 17 est aussi concerné, d’autant que le syndicat doit gérer en période d’été des rejets massifs d’eau. « Pour vos inquiétudes autour de l’irrigation, nous pouvons prévoir une table ronde entre la DDTM, la CdC, Eau 17 et le Conseil départemental », a proposé Patrice Raffarin.
Gisèle Vergnon, qui représentait le président Lionel Quillet, a aussi assuré la cave Uniré du soutien de la CdC, sur ce sujet-là et plus globalement. « Vous contribuez à l’image de marque de l’île de Ré, nous sommes très fiers de vous tous et de la qualité de votre travail, la démarche HVE 3 est essentielle, les attaques liées à l’étude Solagro sont très injustes, tout parle en votre faveur. », ont conclu en choeur les élus présents.
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