Une « union sacrée » entre les maires rétais pour que la vie permanente ne soit pas hypothéquée
Il semblerait qu’à force de vouloir se faire entendre depuis 2 ans dans le cadre de la concertation du SCoT, quelques environnementalistes en aient fait un peu trop et aient mis le feu aux poudres. Non seulement le Président de la Communauté de Communes est monté au créneau en les qualifiant d’ « irresponsables », mais aussi les professionnels et certains habitants permanents ont réagi dans cette dernière ligne droite du SCoT, auprès des commissaires enquêteurs et au travers de réunions publiques et pétitions.
La relance de la guerre entre résidents permanents et secondaires
Il est reproché notamment à Patrick Salez, Jean-Pierre Goumard et Pierre Bot d’allumer le feu en fin de période d’élaboration du SCoT et de « relancer la guerre entre résidents permanents et résidents secondaires », alors qu’ils ont participé largement à la concertation publique, et même – au travers des AIR et de son président Pierre Bot – au Comité de suivi. Plus encore, Lionel Quillet leur a communiqué depuis plusieurs mois les projets de cartes d’aléas dans le cadre du PPRN (plan de prévention des risques naturels), qui en l’état rendraient une bonne partie du territoire inconstructible, restreignant drastiquement le résiduel constructible et entraînant des risques de spoliation majeurs. Il estime donc que c’est totalement irresponsable de la part des associations environnementales regroupées au sein du collectif EPIR, ayant eu connaissance de ces contraintes, d’avoir maintenu leurs revendications.
L’arbitrage du résiduel constructible par la détermination des aléas, fantasme ou réalité ?
D’autres, particuliers, professionnels ou élus, vont plus loin et pensent que le Préfet Béatrice Abollivier et les services de l’État accordent une écoute beaucoup trop importante aux environnementalistes qui ont mis une pression importante pour que le résiduel constructible redevienne une prescription et non une « simple » préconisation du SCoT, avec détail chiffré du résiduel commune par commune. Le Préfet a ainsi émis un avis favorable au projet de SCoT sous « la réserve expresse » que les préconisations redeviennent des prescriptions. Mais n’ayant pas de latitude supplémentaire au niveau du SCoT, la Préfecture se servirait désormais du futur PPRN, des risques de submersion post Xynthia et liés au réchauffement climatique pour restreindre de facto la constructibilité sur l’île de Ré. Une élue a ainsi déclaré lors du dernier conseil communautaire : « Aux Portes en Ré “on” a arbitré le résiduel constructible par l’intermédiaire de Xynthia et du risque ».
Une première victoire en justice face à l’État
Deux communes sont ainsi montées au créneau, de façon différente. Le Maire des Portes en Ré a accordé un permis de construire malgré l’avis négatif des services de l’État, qui a attaqué au Tribunal. La 1ère manche a été gagnée en référé par la Commune des Portes et la propriétaire concernée, qui a lancé des travaux d’agrandissement de sa maison située à La Patache. L’Appel auprès de la Cour de Bordeaux ne suspend pas les travaux qui seront donc terminés au moment où le jugement tombera dans quelques semaines. Le Tribunal Administratif de Poitiers a notamment estimé que l’État et ses services ne démontraient pas « que la possible submersion du terrain d’assiette du projet envisagé est de nature à créer un risque ». La Commune des Portes et la propriétaire ayant en partie fondé leur argumentation sur le fait que les travaux de réfection de la digue (qui était auparavant une levée et non une digue) ont sensiblement réduit le risque de submersion marine à cet endroit.
Le Maire de La Couarde, Patrick Rayton, se trouve dans une situation plus complexe encore à gérer, liée au nombre important d’avis négatifs de l’État. Si un problème de submersion apparaissait dans 10, 20 ou 30 ans, sa responsabilité serait lourdement engagée. Il a donc saisi les services de l’État, prenant acte de ses avis négatifs, mais demandant quelle argumentation juridique il peut produire pour refuser à ses administrés ces permis (lire encadré).
Une union sacrée pour éviter des drames humains et financiers
Lors du dernier conseil communautaire, Lionel Quillet et plusieurs Maires ont appelé à l’ « Union Sacrée » entre les 10 Maires et communes rétaises, appel à laquelle se sont ralliés tous les maires présents, y compris Léon Gendre. Car l’enjeu est de taille à trois niveaux. Pour l’île de Ré dans son ensemble, il s’agit de sauvegarder son avenir, sa vie permanente. Pour les Maires, quoi qu’ils fassent ils s’exposent à des risques juridiques importants. S’ils refusent les permis, en l’absence d’argumentation étayée de la part des services de l’État à l’heure actuelle, ils subiront recours sur recours. S’ils les acceptent, ils seront responsables de la sécurité des administrés en cas de nouvelle submersion marine. Pour les propriétaires, enfin, dont certains risquent d’être spoliés et de voir s’effondrer le projet d’une vie…
L’avenir de l’île de Ré se joue avec la labellisation du PAPI et sa prise en compte ou non dans les cartes d’aléas, fin 2012
On comprend donc que la labellisation ou non du PAPI de l’île de Ré le 12 juillet prochain (45 millions d’€ pour des travaux de protection du littoral) impactera très fortement notre territoire. Car les digues amenuisent sensiblement les risques et la prise en compte du PAPI par l’État devrait ramener les niveaux de submersion retenus par l’État en deçà des 4,50 mètres GMF + 20 cm concernant l’aléa climatique. Appliqués à l’île de Ré les niveaux actuels condamnent quasiment les 5 communes du canton nord, ainsi qu’une partie de Ste Marie (Montamer), St Martin et la Flotte (ports) et de Rivedoux. Les nouvelles constructions dans un premier temps, mais aussi l’ensemble des aménagements, annonçant ainsi la mort programmée de centaines de maisons. Patrick Rayton estime lui entre 600 et 1000 les maisons de La Couarde qui seraient à terme condamnées faute de pouvoir y apporter des aménagements.
Autant dire que les cartes d’aléas de l’État prévues pour fin 2012, pour une mise en application à partir de 2013, seront déterminantes pour l’avenir du territoire. Lionel Quillet, et les élus rétais à ses côtés, entendent donc se battre pour que ne soit pas imposée une vision « purement mathématique » comme lors du « traitement par l’État du zonage post-Xynthia ». « Si l’État instruit à + 60 cm, ce n’est pas raisonnable, surtout avec l’effort de financement des digues » a martelé Lionel Quillet. Pour lui le débat du résiduel constructible et du droit inaliénable à construire dans le cadre du SCoT et du PPRN est un vrai débat de fond, ni politique, ni environnemental, car face au problème du risque de submersion, il s’agit de ne pas hypothéquer la vie permanente. Il entend aller au combat, face à l’État, encore, et face au lobbying et à la pression des associations environnementales. L’heure est grave.
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Un porter à connaissance de l’Etat qui soulève de nombreuses craintes
La Direction Départementale des Territoires et de la Mer a adressé le 28 mars dernier à la CdC de l’île de Ré et aux Communes membres un « Porter à Connaissance » complémentaire dans le cadre du SCoT et des PLU relatif à la détermination des cotes de submersion marine.
L’application des critères de ce document soulève de nombreuses craintes des Maires au niveau de la délivrance des permis de construire pour les habitations en zones submersibles. La situation est bancale au plan juridique et sujette à de nombreux contentieux, car au vu du règlement d’urbanisme en vigueur, le Maire ne peut refuser la délivrance d’un permis de construire même en zone submersible. Alors que de son côté la Préfecture, en période de révision du PPRN, argumente ses refus sur la base de l’article R 111-2 du code de l’urbanisme et d’une étude d’aléas qui n’a pas été communiquée.
Deux cartes des aléas doivent ainsi être définies pour ensuite évaluer les règles d’urbanisation à prendre en compte sur l’île de Ré, vis à vis du risque de submersion. Ces cartes considèrent des élévations différenciées du niveau marin liées au réchauffement climatique : – court terme : événement de référence (Xynthia dans la plupart des cas, sauf si événement plus défavorable) + 20 cm – 100 ans : événement de référence + 60 cm (lié au réchauffement climatique).
Patrick Rayton, maire de La Couarde-sur-Mer, commune qui a été particulièrement impactée par Xynthia a déjà reçu depuis le mois d’avril les avis négatifs de la Préfecture pour l’instruction de 7 permis de construire et 4 certificats d’urbanisme. S’il outrepasse ces avis – à l’instar de ce qu’a fait le Maire des Portes pour le permis de construire à La Patache – le Maire sera confronté à un vrai problème de responsabilité pénale du fait de la quantité. Il a écrit à deux reprises au Préfet, pour obtenir communication des « éventuelles études » justifiant l’application des aléas à 100 ans, afin qu’il puisse justifier lui-même ses refus de délivrance des permis de construire. Il précise « ne pouvant argumenter notre décision de refus de permis de construire sur la base d’une étude d’aléas qui ne nous a pas été communiquée, déjà 5 pétitionnaires envisagent d’engager un recours contre notre collectivité ». Aucune réponse ne lui a été faite. Il a aussi sensibilisé en mai dernier le Député Maxime Bono et le 1er Ministre Jean-Marc Ayrault, lors de sa visite à La Rochelle.
Lors de la réunion publique qu’il a organisée à la fin juin, près de 300 personnes présentes ont mesuré l’impact que la détermination des aléas pouvait avoir à court terme sur des situations individuelles, mais aussi à moyen terme sur l’urbanisation du village et l’entretien du bâti, de nature à « remettre en cause la morphologie urbaine » de La Couarde. Patrick Rayton estime entre 600 et 1000 le nombre de maisons menacées à plus ou moins long terme, l’augmentation des cotes de plancher de 20 à 80 cm rendant impossible la réhabilitation et la restauration des maisons concernées. Autant dire, La Couarde deviendrait un village fantôme, sans oublier l’impact sur l’école et sur l’économie locale.
Une pétition a été lancée au lendemain de cette réunion, déjà signée par 150 personnes en 48 heures, demandant d’une part que des solutions techniques propres à assurer la sécurité des habitants tout en préservant le droit à construire acquis soient mises en place, et d’autre part que les travaux de construction des ouvrages de défense des côtes soient lancés dans les plus brefs délais, afin qu’ils soient pris en compte dans la détermination des aléas du futur PPRN.
Patrick Rayton, comme les autres Maires rétais, n’entend pas « être le fossoyeur d’une vie de village » et regrette que la guerre entre résidents permanents et secondaires ait été ravivée dans un tel contexte extrêmement délicat. Alors que les uns ont besoin des autres et que les avis ne sont pas si divergents que cela. Il s’agit plus selon lui d’un problème de communication.
Voir les autres articles du dossier sur le SCoT et l’avenir de l’île de Ré :
Réunion publique de l’association Ré Agir
Réunion d’information ScoT aux Portes en Ré
Les principales réaction à l’enquête publique sur le SCoT
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