- Politique
- Territoire Île de Ré
- Révision du PPRL
Une modélisation des cartes d’aléas perfectible et évolutive
Compte tenu du contexte tendu dans lequel se poursuit l’élaboration du PPRL de l’île de Ré, la Préfète Béatrice Abollivier, accompagnée du Directeur de la Direction Territoriale Terre et Mer, Raynald Vallée, a tenu un point presse immédiatement après la fin du 4ème Comité de pilotage du PPRL de l’île de Ré, qui s’est déroulé le 10 octobre dernier.
Ré à la Hune : Vous parlez de Comité de Pilotage, pourtant les élus rétais soutiennent qu’il n’y en avait jamais vraiment eu avant, qu’en est-il exactement ?
Béatrice Abollivier : Le premier s’est tenu le 24 septembre 2012 lors du lancement pour valider les hypothèses et préciser que seraient pris en compte les ouvrages existants, et que serait intégré l’état des digues tel que décrit dans le PAPI. Nous avons ensuite eu des échanges bi-latéraux sur le terrain, avec la CdC et certains Maires, pour vérifier d’éventuelles erreurs matérielles, de cotation, etc
En avril 2013, nous avons reçu un courrier de la CdC actant la liste des ouvrages et de leur état. Ensuite, en juin 2013 une carte de niveaux d’eau, simple document préparatoire, a été présentée aux élus et nous leur avons demandé de réagir. Les élus ont donné plus de valeur à ce document que sa valeur intrinsèque.
Entre les comités de pilotage, il y a eu aussi des réunions entre services techniques.
Le Comité de pilotage de ce 10 octobre avait pour vocation de répondre – après expertise – au courrier que la CdC nous a transmis le 19 juillet dernier, avec deux volets : la circulaire de juillet 2011 et les arguments techniques étayant les hypothèses des cartes de niveaux d’eau. C’est le premier Comité auquel participait aussi le Député île de Ré-La Rochelle, Olivier Falorni, qui s’est emparé du sujet au niveau des ministères, ceci afin qu’il se fasse sa propre idée s’il doit jouer un rôle de médiateur ou répondre à des questions au niveau national, ce qui est raconté est parfois déformé.
Concernant les comités de pilotage, ils ont donc bien eu lieu, même si le dossier très technique se prête difficilement à des concertations en comité de pilotage, chacun devant prendre connaissance et expertiser les documents et hypothèses communiqués avant de pouvoir réagir.
Quels ont été les points traités lors de ce comité de pilotage du 10 octobre ?
Il y a eu une actualité riche depuis juin, avec au-delà des réunions publiques de l’été la réunion au Ministère du 13 septembre et avec la Direction générale de la prévention des risques (DGPR). La réunion au ministère a clairement précisé le calendrier et confirmé que la circulaire est bel et bien en vigueur, applicable et il n’a pas été question de la retirer. Elle a aussi fait ressortir la nécessité de tenir une réunion d’expertise la 1ère quinzaine d’octobre, ce qui a été fait ce jour, afin de faire une restitution aux élus rétais par rapport aux arguments qu’ils ont opposés. Et a prévu une autre réunion en décembre pour présenter les cartes des aléas à court et long terme. Celles-ci auront un effet facilitateur d’instruction des actes d’urbanisme, avant le porter à connaissance. Les cartes d’aléas se feront à l’échelle cadastrale. La DGPR nous a confirmé le 25 juillet dernier et à plusieurs reprises que notre analyse de la circulaire est la bonne.
Concernant les arguments sur la valeur juridique de la circulaire, elle concerne les services de l’Etat et le Préfet, mais elle n’est pas opposable aux tiers. Elle s’inscrit dans la continuité des circulaires PPRN du 24 janvier 1994, du 26 avril 1996 et du 30 avril 2002, la ligne rouge est que les ouvrages ne peuvent être pris en compte qu’une fois réalisés. La circulaire de 2011 marque une avancée importante, puisqu’elle introduit la notion de brèches moins impactantes, alors que jusque là on prenait en compte l’effacement systématique des ouvrages. Ceci dit, une « carte pédagogique » sera jointe à titre informatif, intégrant les ouvrages.
Concernant les quatre principaux points techniques soulevés pas la CdC de l’île de Ré, quelles réponses y avez-vous apportées ?
Concernant le coefficient de rugosité (ou encore effet strickler), leurs arguments sont recevables et nous avons corrigé les paramètres du modèle, car cela a un impact sur la carte des niveaux d’eau. Pour la prise en compte du nombre des brèches, nous avons aussi admis que l’impact local de la houle n’est pas partout le même, nous avons revu le modèle en différenciant la côte est de la côte ouest, nous avons intégré des tronçons de digues plus longs, et réduit d’1/3 le nombre de brèches. Là aussi, cela a un impact sur les niveaux d’eau. Nous allons donc élaborer de nouvelles cartes de niveaux d’eau, dans les jours à venir et faire une nouvelle saisine officielle avec ces nouveaux éléments. L’impact de ces modifications est malgré tout marginal et je pense que les élus rétais l’ont surestimé.
Les deux autres arguments avancés par les élus sont de nature différente. Le scénario construit sur l’hypothèse d’une rupture des ouvrages une heure avant la marée haute pris en compte dans la modélisation nous paraît raisonnable, ni maximaliste, ni minimaliste et reste dans l’esprit de la circulaire. S’il y a remise en cause technique, il faut que les élus nous prouvent par une étude de danger que cette hypothèse n’est pas viable. Il faut rentrer dans des études très spécifiques pour le démontrer. La balle est dans leur camp, le Cepnef quant à lui a validé notre hypothèse.
Le point le plus fondamental concerne l’état des ouvrages et les nombreux effacements des digues contestés par les élus rétais. Nous nous sommes basés sur l’état des digues tel que présenté dans le dossier PAPI de l’île de Ré, lui même émanant des élus rétais ! Je veux bien entendre que l’état des digues n’est pas réellement celui décrit dans le dossier PAPI, et que notre modèle d’effacement des digues est abusif, mais il va falloir me le prouver là encore par des études de danger sur effacement. Car le gros de l’impact sur les cartes d’aléas réside effectivement dans la prise en compte des effacements des digues. Les élus avaient validé l’état des digues en avril dernier, je pense qu’ils n’avaient pas mesuré l’impact que cela aurait sur les cartes.
Pour les relevés topographiques satellitaires réalisés par Litto 3 D et là aussi contestés, il se peut qu’il y ait des erreurs à certaines endroits, cela sera vérifié au cas par cas par des relevés de géomètres et corrigé si nécessaire. La Préfecture s’est tournée vers l’IGN pour ce point spécifique.
Quelle est donc la suite du calendrier de l’élaboration du PPRL ?
La CdC doit justifier ses hypothèses par des études de danger, qui sont des études techniques lourdes qui vont prendre 6 à 9 mois. Je pense que, dans l’intérêt de tout le monde, nous devons maintenir le délai de décembre 2013 pour finaliser les cartes d’aléas, sachant que celles-ci sont très facilement modifiables par la suite, si les hypothèses des élus sont confirmées. Autrement dit si l’étude de diagnostic et l’étude de danger vont dans le sens des objections des élus rétais, les cartes seront modifiées.
Par ailleurs, une fois la carte globale d’aléas ajustée, nous allons examiner les enjeux sur chaque commune et croiser aléas et enjeux, avant d’élaborer des règlements d’urbanisme découlant du PPRN dans chaque commune. Ces discussions bi-latérales Préfecture-Communes se dérouleront jusqu’en février puis après les élections municipales, avec pour objectif d’établir des cartes d’aléas à la parcelle.
Les « arrangements » que j’avais évoqués concernent l’examen des projets commune par commune, au cas par cas, afin de trouver des solutions pour les équipements collectifs notamment. Par exemple, deux projets collectifs peuvent être intervertis, si l’un n’abrite que des activités de jour et l’autre concerne des logements, en fonction du classement des terrains, etc…
En matière de communication et de « service après-vente » les associations ont été reçues par moi-même – et je leur ai donné toutes les informations contrairement à ce qu’elles ont pu dire – et au Ministère, et nous recevrons de nouveau dans les prochains jours les six associations afin de les informer de ce qu’il s’est dit en comité de pilotage. Nous le ferons après chaque comité de pilotage.
Toutefois, concernant les permis de construire, j’ai mis en place une surveillance, et contrairement aux chiffres avancés par Ré-veille notamment, alors que sur l’ensemble du département de Charente-Maritime on constate une baisse de – 15 % des permis de construire depuis avril 2012, liée à la conjoncture (les zones littorales sont plus touchées) sur l’île de Ré il y a eu une augmentation de + 7 % des permis de construire accordés : c’est le seul endroit où ce chiffre est en progression…
Nous attendrons le mois d’avril 2014 – période électorale oblige – pour tenir une ou plusieurs réunions publiques et continuer les réunions bi-latérales. Les règlements issus du PPRL s’imposent aux PLU communaux, nous descendrons à la parcelle comme nous l’avons fait pour le précédent PPRN. Ainsi entre l’été et décembre 2014, ce travail sera fait sur l’ensemble des projets réglementaires. Le cabinet du Ministère voudrait aller plus vite, mais c’est un énorme travail, il faut rentrer dans la dentelle…
Ce Comité de Pilotage a-t-il fait avancer positivement les choses ?
Oui c’est très constructif, avec un comité de pilotage de concertation et pas de simple co-production, où on peut dialoguer sur certaines hypothèses. La principale difficulté étant que si les élus remettent en cause la règle d’effacement forfaitaire des digues, hypothèse de travail prévue dans la circulaire, il faut apporter à l’Etat la preuve de l’état des digues. Il s’agit là de la vraie divergence entre la CdC de l’île de Ré et l’Etat, très impactante sur les cartes modélisées, alors que la DGPR et le Cepnef ont validé notre analyse et notre application de la circulaire. Ce sont des études très pointues à réaliser. Je ne changerai pas le calendrier, mais nous prendrons en compte tous nouveaux éléments par la suite.
Lire aussi notre article : En janvier 2014, la CdC sortira des cartes d’aléas basées sur un vrai diagnostic des digues
Voir la réaction des associations rétaises
Voir notre précédent article consacré au PPRL et aux risques littoraux
L’ensemble de nos publications figure dans la rubrique Politique/Territoire de Realahune.fr
Lire aussi
-
Politique
Signalétique des voies cyclables, où en est-on ?
On en entend parler depuis un moment mais la situation a-t-elle changé ?
-
Politique
Département : « Tout ce qui a été voté sera fait »
Alors que la dernière séance pleinière du Conseil départemental a confirmé l’état très préoccupant des finances du Département de la Charente-Maritime, les conseillers départementaux de l’île de Ré ont tenté de rassurer, relativisant quelque peu le discours de la présidente.
-
Politique
Séance municipale animée au Bois-Plage
La pugnacité des débats n’est pas chose extraordinaire au Bois-Plage, mais il aura fallu quand même près de trois heures pour mener à terme l’ordre du jour du 25 septembre.
Je souhaite réagir à cet article