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- Interview de Paul Personne - L'Homme à la Gibson
« Une flamme en moi continue à espérer un monde meilleur »
Celui que l’on surnomme le « guitar hero français » se produira à La Rochelle le 3 mars prochain. Entre vision acerbe du monde, souvenirs de Francofolies et funambulisme, Paul Personne s’est confié à LR à la Hune.
LR à la Hune : Vous avez commencé par jouer de la batterie avant de vous consacrer à la guitare. Pourquoi avoir finalement choisi cet instrument ?
Paul Personne : J’ai toujours voulu être guitariste. Mon premier flash musical a été de voir Johnny Hallyday jouer avec sa guitare en se roulant par terre. J’avais 11 ans et c’était l’une de ses premières apparitions à la télévision. C’était comme si une porte s’ouvrait sur la musique, cela n’avait rien à voir avec ce que j’entendais à la radio. J’avais le sens du rythme et j’ai commencé par la batterie. Puis un jour, un copain a oublié une guitare à la maison. À ce moment-là la vague musicale anglaise arrivait en France, avec toutes ces guitares qui servaient le rock ‘n roll. Je me suis alors consacré à la guitare, instrument avec lequel j’ai finalement toujours joué, en parallèle de la batterie.
Qui étaient vos « guitar héros » à l’époque ?
De tous les groupes de rock anglais, rien ne ressortait vraiment en termes d’instrument, rien ne m’a vraiment marqué. Que ce soit chez les Beatles, les Shadows ou les Rolling Stones, la guitare faisait partie du son général du groupe. Puis en 1966, j’ai découvert Eric Clapton. Jamais je n’avais entendu un tel son… un son plein, un peu saturé. Juste après j’ai reçu ma deuxième claque avec Jimi Hendrix. S’en sont suivis tous les guitaristes de blues noirs américains …
Dans les années 1970, vous avez monté plusieurs groupes (L’origine, La folle entreprise, Bracos Band, Backstage) avant de vous lancer en solo dans les années 1980. Comment analysez- vous l’échec de ces groupes et quels conseils donneriez-vous aux jeunes musiciens d’aujourd’hui ?
Je regrette qu’un groupe comme L’origine n’ai pas eu le succès qu’il aurait pu connaître. Nous étions plein de fougue, plein d’énergie. Il se passait beaucoup de choses à cette époque, nous espérions une vie meilleure que celle de nos parents. J’avais 17 ans et seule la variété française passait à la radio. Avec La folle entreprise, nous vivions en communauté en quelque sorte, c’était beaucoup trop rock pour la France de l’époque ! Ensuite avec Backstage, nous avons enregistré deux albums en anglais. Mon idée était de jouer à l’étranger dans les pays européens. A cette période nous tournions beaucoup, mais seulement en France. Je chantais donc en anglais, devant un public français, et je trouvais cela un peu ridicule. Je me suis alors replongé dans la langue française, en relisant du Rimbaud ou du Baudelaire, en écoutant des artistes comme Laurent Voulzy. Les mots sont si importants… En ce qui concerne des conseils que je pourrais donner aux jeunes musiciens, c’est difficile à dire, l’époque est tellement différente. Aujourd’hui il y a Internet, les maisons de disques n’existent presque plus ou du moins ne jouent plus le même rôle. Je ne sais pas si j’aurais envie d’être jeune aujourd’hui ! Ceci dit, en quelques clics désormais on peut se faire connaître, certains ont émergé grâce à Internet. Le seul conseil que je pourrais donner, et qui reste valable à n’importe quelle époque, c’est d’essayer d’être vrai, de rester sincère et de beaucoup travailler. Cela paye toujours, sur le long terme. Il ne faut pas vouloir être une star, il faut vouloir être musicien.
En 1993, vous étiez sur la scène des Francofolies de La Rochelle pour une « Fête à Paul Personne ». Quel souvenir gardez-vous de ce concert ?
J’en garde un super souvenir ! Je passe toujours des bons moments à La Rochelle. J’ai souvent fait les Francofolies, j’aime beaucoup la grande scène de Saint-Jean d’Acre et j’ai aussi très apprécié de me produire à la Coursive.
La ville de La Rochelle pourrait- elle constituer une source d’inspiration artistique ?
Oui, pourquoi pas, il suffit de regarder la mer et se laisser aller à rêver. Les rencontres que l’on peut y faire aussi peuvent être source d’inspiration.
Le 31 mai dernier sortait votre nouvel album « Funambule ». Est-ce ainsi que vous vous considérez ?
Tout à fait, c’est ce que je ressens depuis la cour de récré. C’est dans la cour de récréation que les personnalités de chacun commencent à émerger. On peut y déceler par exemple les meneurs et les menés. On prend conscience que la vie ne va pas être facile. Heureusement que la musique et le rêve nous permettent de sortir de cette vie réelle. Le but étant de rester, dignement, sur le fil de la vie, de la traverser la tête haute avec ses espoirs et ses convictions.
Vous portez un regard plutôt acerbe sur le monde d’aujourd’hui, entre soif de pouvoir de nos politiciens et difficulté à vivre ensemble. L’album a d’ailleurs pour soustitre « Tentative de survie en milieu hostile ». La tentative estelle réussie ?
Non, pas du tout ! La tentative est en cours, et c’est loin d’être gagné… Quand on voit tout ce qui se passe dans ce monde, je pense notamment au réchauffement climatique et à certains nazes que l’on appelle climato- sceptiques, je me dis que certaines claques devraient être distribuées.
La musique peut-elle rendre ce monde meilleur ?
Naïvement, c’est ce que j’ai toujours pensé. La musique et le rock’n roll peuvent contribuer à changer le monde ! Les grands artistes que j’ai pu lire ou écouter ont été des guides, cela a vraiment changé des choses dans ma vie. Des discours différents qui permettent de chercher d’autres chemins, de ne pas suivre la voie que l’on nous impose. La musique peut soulager les gens, ne dit-on pas que les musiciens sont les médecins de l’âme ? Quand on sort d’un bon concert, on va un peu mieux, on est rempli de chaleur humaine.
Vous avez été sacré « Guitariste le plus sexy du monde » par les lecteurs du magazine Glam’mag en novembre 2019 pour la deuxième année consécutive. Quel regard portez-vous sur ce classement ?
(Rires). Vous me l’apprenez… et cela me fait bien rigoler ! C’est comme ce surnom de « guitar hero », j’ai toujours trouvé cela un peu futile. Il n’y a rien d’héroïque à jouer de la guitare ! Ce terme de guitariste sexy me fait rire en tout cas, car je n’ai pas du tout une image sexy de moi-même.
Autre consécration, musicale cette fois : votre chanson Barjoland, sortie en 1984, a été élue plus belle chanson de tous les temps, selon une enquête internationale menée au mois d’octobre dernier dans quatrevingts pays et publiée par le célèbre magazine « Watch and Listen ». Cela vous touche ?
Mais où vont-ils chercher tout ça (rires) ? Il n’y a pas vraiment de mélodie dans cette chanson, surtout des riffs de guitare ! Je me souviens l’avoir écrite après avoir vu des images de guerre à la télévision qui m’avaient vraiment abattu. C’est une chanson toujours très attendue en concert, et bien que je ne comprenne pas vraiment ce classement, cela me fait plaisir.
Et selon vous, quelle est la plus belle chanson de tous les temps ?
Question extrêmement difficile, il y en tellement qui me donnent la chair de poule … Je dirais, spontanément, « Wonderful world » de Louis Amstrong.
Quels sont vos projets du moment ?
La tournée que je viens juste d’entamer va se renforcer en mars, avril et mai. Il y aura ensuite des concerts au moment des festivals cet été. En attendant, il est possible que j’écrive de nouvelles chansons avec les musiciens qui m’accompagnent pour cette tournée…
Vous fêtez bientôt vos 70 ans, quel est votre élixir de jeunesse, la musique ?
Certainement que la musique y participe, grâce à elle je suis toujours en mouvement, j’ai toujours envie de créer quelque chose, j’ai envie de me sentir vivant. Un nouvel album c’est le début d’une histoire, un peu comme une nouvelle rencontre amicale ou amoureuse. C’est vrai que j’ai vécu une époque un peu bouleversée, beaucoup en sont morts en allant au bout de certaines addictions… De mon côté j’ai su arrêter certaines choses comme l’alcool ou la cigarette quand il le fallait. L’addiction ne correspond de toute façon pas à mon envie de tenir les rennes, d’avoir ce sentiment de liberté. Je ne fais pas particulièrement de sport mais je vis à la campagne, je coupe du bois, je marche, je suis végétarien… À cela s’ajoutent la musique bien sûr, les copains et une flamme en moi qui continue à espérer un monde meilleur.
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