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- Portrait Laurence Andreini Allione
Une découvreuse à la rencontre de ses publics
Comédienne, metteur en scène, Laurence Andreini Allione évoque pour se décrire les mots du poète Fernando Pessoa : « Je ne suis rien et je porte en moi tous les rêves du monde. » Elle a raison, cette phrase la représente fidèlement.
Laurence Andreini Allione avait une maman institutrice qui consacrait la majeure partie de ses loisirs au théâtre. Elle jouait en amateur et lorsqu’elle rentrait chez elle, une fois la prestation terminée, la petite fille d’environ cinq ans était stupéfaite de voir sa maman aussi heureuse. Intriguée, Laurence demandera à assister à une représentation. A partir du moment où elle aura rencontré l’univers du théâtre, il ne la quittera plus, en tant que comédienne d’abord, et elle glanera au cours de son adolescence un certain nombre de prix d’interprétation, puis en tant que metteur en scène.
Une extrême sensibilité, la rendant perméable à toute l’inquiétude de ce monde, caractérise Laurence. Ce qu’elle vit, ce qu’elle ressent est à l’origine de son fonctionnement, du choix des textes et des pièces qu’elle présente. De même, elle s’est toujours nourrie des nombreuses et passionnantes rencontres qu’elle fit et qui furent souvent à l’origine de ses projets. Le théâtre se présentera toujours à elle sans qu’elle le cherche, au moment où elle s’y attendait le moins et il est impossible de démêler sa vie de celle du théâtre.
La gestation d’un metteur en scène
Le 1er juillet 2023, le théâtre Amazone a fêté son 30e anniversaire. 1993 a été une année majeure dans la vie de Laurence sur le plan de la création : elle a donné à la fois naissance à son fils et créé le Théâtre Amazone.
La rencontre avec le père de son fils a été déterminante, car avec lui ont débuté les voyages au long cours qui ont tissé la trame de ses activités actuelles. Elle va le suivre dans un premier temps à La Réunion où il accomplit son service technique en tant que professeur de mathématiques. C’est dans cette île qu’elle entamera à la faculté de Lettres un cursus la conduisant à ce qui s’appelait encore à l’époque une licence de Lettres Modernes.
Retour à Paris. Deux ans plus tard, Laurence est en maîtrise à la Sorbonne quand son époux est nommé en Guyane. Elle le suit et décroche un emploi de professeur de lettres à mi-temps, au lycée Félix Eboué, à Cayenne où ils vivent, puis au collège à Rémire-Montjoly. Le mi-temps vacant est bien sûr consacré au théâtre. L’accueil qui lui a été réservé en 1986 comme comédienne a été plutôt frais : la Guyane n’avait pas besoin d’acteur en provenance de la métropole. Elle va donc créer : l’atelier-théâtre du Lys, sa propre compagnie, la première, où sera joué entre autres Le roman de la Momie. Le séjour en Guyane sera l’occasion d’une ouverture vers l’Amérique du Sud et en particulier le Brésil où elle se rendra à plusieurs reprises dans le courant de sa vie.
Dans les années quatre-vingt-dix, de retour à Paris, totalement absorbée par ses activités théâtrales, elle oublie de se présenter à l’une des épreuves de l’agrégation. Elle remuera ciel et terre pour essayer de remédier à cet acte manqué, mais sans résultat. Un peu plus tard, alors qu’elle vient de décrocher un poste au lycée Albert Camus, à Bois-Colombes, Pierre Debauche, le fondateur du théâtre des Amandiers à Nanterre, ouvre une école de metteurs en scène. Elle se présente et elle est retenue. Du coup, elle n’est plus intéressée par le poste de Bois-Colombes. Son père tempête, sans réussir à la faire changer d’avis. Pour obtenir une disponibilité de l’Éducation Nationale, il lui aurait fallu trois ans d’ancienneté ; il lui manque trois semaines. Elle démissionne, fait un emprunt et s’offre le luxe d’une année d’études de mise en scène, prélude à la création de la compagnie le Théâtre Amazone en 1993.
L’installation en Charente-Maritime
En 1995, le Théâtre Amazon arrive en Charente-Maritime où il va progressivement trouver sa place dans le paysage culturel. Il reçoit le soutien de la Ville de La Rochelle et sera ensuite conventionné par le Conseil régional du Poitou-Charentes (2002), le Conseil général de la Charente- Maritime (2004) et le Ministère de la Culture via la DRAC Poitou-Charentes (2009).
Parmi ses souvenir impérissables Sappho, pièce qu’elle monte en 1996 après avoir été demander, à Sommières dans le Gard, les droits à Ghislaine de Boysson épouse de Lawrence Durrell. En 1998 encore, elle est choisie par Jacky Marchand, directeur de la Coursive, pour monter pour la première fois en France A Julia de Magarita Garpe.
Deux désirs permanents taraudent Laurence : transmettre et donner l’envie de venir écouter ces moments magiques et éphémères que procure le théâtre. Elle déploie sans cesse une énergie insoupçonnable dans ces deux directions. Elle l’explique : « Je ne pourrai enseigner sans créer et créer sans enseigner, car pour moi, l’art de la mise en scène est l’art de la transmission. » Et pourtant, si la mise en scène est vitale pour Laurence, elle est également « épuisante et frustrante à bien des égards, par les contraintes économiques, la gestion du temps et de l’argent qu’elle génère. » Par ailleurs, elle s’est également consacrée à la formation des publics de demain en ouvrant des ateliers de pratique théâtrale et a créé en 1994 à La Rochelle, le premier Atelier de Mise en scène et des Techniques du théâtre en milieu universitaire. En 1997, elle ouvre deux U.E. Libres Théâtre à l’Université de La Rochelle et travaille à la création d’un Festival Universitaire du Grand Ouest dont elle devient la directrice. En 2002, elle termine, à Dauphine, un DESS avec un mémoire consacré à la formation d’acteurs Devenir comédien aujourd’hui en France, travail dirigé par Philippe Coutant directeur du Grand T à Nantes, une figure importante du théâtre français.
De 2004 à 2012, elle réalisera huit sites en scène et, en 2022, cette Rétaise d’adoption aura la joie de monter le premier Site en scène de théâtre de l’île de Ré Le Songe d’une nuit d’été joué au Fort La Prée.
L’actualité de Laurence
Depuis 2021, Laurence a entrepris une thèse s’inscrivant dans le cadre du dispositif européen EU-Conexus, dont elle est le premier exemple. La question de la représentation du réel au théâtre l’a toujours interpellée. Sa rencontre avec Cécile Chantraine- Braillon en 2018, enseignante chercheuse en théâtre hispanoaméricain et directrice un laboratoire CHRIA (1) à La Rochelle Université, lui a permis, dans le cadre d’un parcours doctoral, de conduire une réflexion sur la mise en scène du réel et de ses formes de représentation sur les plateaux de théâtre argentins et français, à travers quatre textes écrits entre 2005 et 2025. Pour mener à bien ses travaux, elle a du effectuer des voyages d’études en Espagne et en Argentine. Au début de cette année, elle s’est rendue à Buenos Aires.
Voyage intense au cours duquel elle a replongé avec délice dans le monde démesuré de Buenos Aires et de ce pays extraordinaire qui compte plus de 6 000 créations théâtrales par an. La préparation de cette thèse lui a donné l’occasion de rencontrer une autre légende, Jorge Dubatti, éminent spécialiste de la Universidad de Buenos Aires Laurence n’a pas fini d’explorer la nature humaine et il est évident que ses recherches et découvertes actuelles nous donneront l’occasion de suivre son évolution et d’admirer ses futures créations.
1) CHRIA : Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique
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