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Une commission contre les violences sexuelles et sexistes en Charente-Maritime
Dans le cadre du Grenelle national contre les violences conjugales qui a débuté le 3 septembre 2019, une première réunion départementale réunissant les acteurs de terrain s’est tenue à la Préfecture de Charente-Maritime le vendredi 6 septembre dernier.
Chaque année 220 000 femmes en France sont victimes de violence, 103 sont mortes sous les coups de leur conjoint depuis le 1er janvier 2019. En Charente-Maritime 575 violences conjugales ont été enregistrées, soit 10,4 % de hausse pour notre département alors que sur le plan national l’augmentation est de 2,9%.
Suite à la promesse de Marlène Schiappa secrétaire d’État à l’égalité homme-femme de prendre des mesures concrètes contre ces violences conjugales en lançant le Grenelle contre les violences faites aux femmes le 3 septembre dernier, date choisie pour faire écho au numéro d’appel 3919* et pour une durée de trois mois; partout en France, des groupes de travail se sont organisés avec des acteurs de terrain pour faire émerger des solutions afin d’éradiquer ce fléau.
C’est ainsi que le Préfet de Charente- Maritime, Fabrice Rigoulet-Roze et les procureurs de La Rochelle et de Saintes se sont rendus le 3 septembre au centre d’accueil temporaire l’Escale de La Rochelle où dix places d’urgences ont été ouvertes cette année, et qu’a été lancé le 6 septembre la première commission contre les violences sexuelles et sexistes à la préfecture charentaise-maritime.
Une première table ronde a été dirigée par la sous-Préfète de Saint-Jean d’Angely, madame Laure Trotin**, entourée des associations, des policiers, des gendarmes, des magistrats, d’un avocat, du directeur départemental de la Cohésion Sociale, de la déléguée départementale aux Droits des Femmes et du Conseil départemental de la Prévention de la Délinquance.
À l’issue de cette réunion de travail, Laure Trotin a déclaré : « La parole se libère, depuis la création du Grenelle le 3 septembre dernier, ce ne sont plus deux cents appels au national reçus par jour mais mille ». Près de 90% sont des femmes rappelle Aurélie Bourgoignon, déléguée départementale aux Droits des Femmes et à l’Égalité.
Trois axes : « Communiquer, accompagner et sanctionner »
Plusieurs propositions ont émergé en lien avec les services de l’Etat, la justice, les forces de sécurité, les hôpitaux, la CAF et aussi la MSA (Mutuelle Sociale Agricole) :
Mailler davantage le territoire pour aider les victimes de violences conjugales, renforcer les formations au sein des forces de l’ordre – des gendarmes seront formés, une vingtaine par session soit une centaine par an pour la Charente- Maritime. Des actions de prévention locales seront organisées avec l’Agence Nationale de la Santé (ARS), l ’ E d u c a t i o n Nationale et le CIDFF (Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles). Les médecins urgentistes seront formés à accueillir ces victimes et à distinguer les conflits conjugaux des violences conjugales.
Laure Trotin rappelle que une femme sur cinq qui vient pour violences porte plainte. « Il faut pouvoir éloigner l’auteur des violences pour que ce ne soit pas la victime qui quitte le logement, lui trouver une place d’hébergement si elle le souhaite ». Et de souligner qu’en Charente- Maritime, le suivi renforcé créé au tribunal de Saintes est unique en France. Il s’agit, une fois l’auteur des violences identifié, de lui proposer un suivi, avec un parcours de soins psychologiques et si celui-ci n’est pas respecté, ce sera l’incarcération. Faire en sorte qu’un audiencement soit plus rapide et donc que plus d’ordonnances de protection soient mises en place pour éloigner l’auteur et que son autorité parentale puisse être suspendue ou retirée.
Un Grenelle qui s’accompagne également d’une consultation pour laquelle tout citoyen souhaitant apporter sa contribution peut le faire en envoyant ses propositions à l’adresse : grenelle@pm.gouv.fr
La sous-préfète de Saint-Jean d’Angely conclue : « C’est l’affaire de tous, on est collectivement tous responsables ».
* 3919 Un numéro d’écoute et d’orientation, gratuit et anonyme.
* *Monsieur Fabrice Rigoulet-Roze préfet de la Charente-Maritime était ce jour là retenu à Bedenac pour l’incendie de forêt.
Réagir peut tout changer
En France, une femme décède sous les coups de son conjoint tous les trois jours. Depuis le début de l’année, plus de cent femmes sont mortes à la suite de violences conjugales sur le territoire français.
Oser en parler
Annie Guilberteau, directrice générale de la Fédération Nationale CIDFF (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles) déclarait le 2 septembre dernier : « Les violences envers les femmes est un problème universel qui concerne tous les milieux, on ne peut pas vivre dans une société qui cautionne ce genre de comportements. Les victimes ne doivent pas hésiter à demander de l’aide au CIDFF de leur département ». Brigitte Leroux, présidente du CIDFF 17 et de l’aide aux victimes confirme : « Il est important que les victimes sachent vers qui se tourner. Notre partenariat très proche avec notamment les gendarmeries, les commissariats, les tribunaux et tous les membres des réseaux violences, assure une cohérence à nos réponses ».
Des actions en direction des femmes victimes
En Poitou-Charentes, quatre CIDFF constitués de salariés professionnels, conseillers, travailleurs sociaux, juristes et psychologues accueillent, informent et accompagnent au quotidien*. Ils sont impliqués dans un large partenariat institutionnel et associatif local pour garantir le meilleur soutien aux femmes victimes. Selon leurs demandes et leurs besoins, ils les accompagnent dans leurs démarches policières, judiciaires, médicales et professionnelles. Ils proposent également un soutien sous forme de groupes de parole gratuits et confidentiels.
Dénoncer et oser en parler, pour se protéger ou protéger ses proches
Les associations d’aide aux victimes sont là pour accompagner et conseiller gratuitement sur le plan juridique et psychologique en respectant la confidentialité. En cas d’urgence elles vous conseillent de vous mettre à l’abri et d’appeler soit le 17 (police secours), le 112 (depuis un portable), le 18 (pompiers) le 15 (urgences médicales) ou le 114 pour les personnes ayant des difficultés à entendre ou à parler. Enfin, le 3919 est le numéro national destiné aux victimes de maltraitance mais aussi à leur entourage, 24h/24.
Des avocats du Barreau de La Rochelle-Rochefort organisent des permanences (SAUJ) au cours desquelles ils donnent des consultations juridiques gratuites. Elles ont pour vocation d’orienter et de donner des renseignements appropriés.
Annie Guilberteau s’adresse aux femmes victimes en ces termes : « N’hésitez pas à demander de l’aide. Parlez aux personnes qui peuvent recueillir votre parole. Acceptez le fait que ce n’est pas normal d’être victime et qu’il est possible d’agir ».
*Pour obtenir le standard du service « Aide aux victimes » du CIDFF en Charente-Maritime il faut composer le 05 46 51 02 50. (Les hommes en proie à des interrogations sur leur situation familiale sont également les bienvenus soulignent les CIDFF.)
Valérie Lambert
Ré à la Hune a recueilli deux témoignages de femmes sur l’île de Ré
Violences conjugales psychologiques
Extrait d’une interview de Marlène Schiappa, la Secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations lue dans le magazine ELLE du 4 octobre dernier : « Les femmes ont été un impensé des politiques publiques pendant très longtemps. La première ministre dédiée à ses droits, c’est Yvette Roudy, en 1981. Un an avant ma naissance, ce qui veut dire que ça ne fait même pas deux générations ! Plus largement, l’histoire du droit des femmes est, vous le savez mieux que personne, assez récente au regard de celle de l’humanité. L’épouse était même considérée par le Code Napoléon comme la quasi-propriété de son mari. Nous sommes le fruit de cette histoire : il y a eu une tolérance culturelle et législative face aux violences conjugales transmise de génération en génération. »
C’est cet héritage très lourd et ancré dans les mentalités qui permet d’expliquer l’acceptation de Valérie* qui a subi durant près de vingt ans des violences psychologiques de la part de Pierre*, son mari. Témoignage. « Quelques mois après notre rencontre, lors d’une soirée entre copains, j’avais 29 ans et Pierre trois ans de plus, il m’empêche d’aller sur la piste de danse en me tirant par les cheveux, me traitant de p… car j’avais omis de lui demander la permission pour aller danser. Suite à cet incident, nous nous sommes séparés pendant deux mois. Puis à nouveau remis ensemble et là je suis tombée enceinte, donc nous nous sommes mariés. Durant dix-huit années de mariage, cela n’a été que brimades, harcèlement moral… Pas de carte bancaire, mon salaire viré sur son compte en banque sans aucun droit de regard, aucune tolérance sur mon emploi du temps comme aller prendre un café le matin avant de travailler, me retrouver avec mes amies pour une soirée d’EVJF*… Dès que je rentrais le soir avec cinq minutes de retard à la fermeture de la boutique, même si j’avais du monde ce qui m’empêchait de fermer à l’heure, je devais me justifier sinon il explosait… En public j’avais tout le temps droit à « tais-toi ! ». Lors d’une soirée, il souhaitait rentrer et j’avais envie de rester pour profiter de l’ambiance avec nos amis. Pierre était extrêmement jaloux et m’a mise au pied du mur : « si tu restes, tu dormiras dehors ». C’est effectivement ce qu’il a fait. Je n’ai pas pu rentrer à la maison, j’ai dormi dans la voiture. Une fois je suis rentrée à pied de Rivedoux jusqu’à La Flotte car il m’avait laissée sur le bas-côté de la route suite à un mot de trop.
Pendant toutes ces années j’ai été soumise à cet homme, j’étais dans un état régressif. J’ai accepté cela pour mes enfants. Je craignais le qu’en dira-t-on… qu’est-ce que les autres vont penser si je le quitte ? Pierre est issu d’une famille bien sous tous rapports dans laquelle il ne faut jamais rien dire, de nombreux sujets sont tabous. L’alcool était en partie responsable de son comportement. Il n’a jamais accepté de se prendre en mains et d’aller consulter. Ma décision de le quitter a été motivée par les retrouvailles de mon amour de jeunesse. Il était libre. Je ne voulais plus de cette vie et je ne voulais plus m’interdire quelque chose. Alors cette relation extra-conjugale a été le déclencheur et je suis partie avec mes trois enfants. Il était temps. Nous faisions chambre à part avec mon ex-mari, il arrivait qu’il s’en prenne aux enfants et je pense être la seule maman qui cachait les bulletins scolaires de ses enfants pour ne pas déclencher les foudres de leur père. Traitée de p… et soumise pendant près de vingt ans, je suis libre aujourd’hui. Même si cette liberté je la paye au prix fort, je ne pars plus en vacances parce que mon train de vie a baissé et je dois assumer seule mes enfants à charge, un loyer et tout le reste… »
Florence Sabourin
*Les prénoms ont été changés
*Enterrement de Vie de Jeune fille.
Violences conjugales psychologiques et physiques
Béatrice et Franck* se rencontrent en 2014 par l’intermédiaire d’une amie commune. Bien qu’habitant le même village de l’île depuis plus de dix ans, tous deux n’avaient jamais eu l’occasion de se croiser (la situation professionnelle de Franck l’appelle la plupart du temps à l’étranger). Très vite Béatrice est séduite par ce colosse d’apparence flegmatique, quand lui ne tarde pas à succomber à son charme et son humour.
La relation s’épanouit harmonieusement chacun chez soi durant une année, jusqu’à ce qu’ils passent le cap d’emménager ensemble au domicile de Franck avec les enfants de Béatrice. Lui, en pleine procédure de divorce, entretient une relation conflictuelle avec les siens, source de démêlés dans lesquels elle s’efforce de le soutenir et de l’apaiser dans un souci de bienveillance manifeste à l’égard de chacun.
Petit à petit, insidieusement, filtrent de temps à autres de petites allusions dévalorisantes, parfois carrément humiliantes envers Béatrice qui, conciliante, les met sur le compte d’une étape difficile à surmonter, entre audiences contradictoires et querelles intrinsèques.
Béatrice s’investit à porter la chaleur dans ce nouveau foyer, Franck de son côté semble y voir une prise de territoire qui l’éloigne d’une autorité qu’il croit bon d’imposer depuis toujours à son entourage proche (son amie l’ayant par le passé constaté, l’avait mise en garde sur ce point).
Qu’est-ce qui a pu déclencher l’acte ? Franck ne boit pas, ne fume pas, n’a jamais pris de produits, mais, (Béatrice l’apprendra plus tard) est coutumier du fait…Une nuit, sur un prétexte détonateur, il l’attrape par les cheveux, la traîne en tous points de la maison, blessant de multiples parties de son corps et menaçant de brûler ses meubles le lendemain si elle, et ses enfants sont encore présents. D’autres épisodes de violence auront lieu avant que Béatrice ne trouve à se cacher dans un camping en mobilhome pour assurer la fin de l’année scolaire.
Désemparée et sous le choc, elle n’a pas porté plainte, craignant d’alourdir le dossier judiciaire de Franck, qui de surcroît exerce un métier assujetti à la justification d’un casier vierge.
En 2016, Béatrice a quitté son emploi et ses racines pour partir reconstruire sa vie dans sa région d’enfance.
NC
* Les prénoms ont été modifiés.
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