Un moment fort de la vie démocratique locale
Ré à la Hune a convié quatre candidats aux législatives sur la 1ère circonscription La Rochelle – île de Ré, à débattre entre eux, pour qu’au-delà des programmes, discours et visites de terrains qui se multiplient, nos lecteurs aient une vision la plus juste et la plus vivante possible des états d’esprit de chacun et surtout des réfl exions croisées des candidats. Sally Chadjaa, François Drageon et Olivier Falorni ont relevé avec enthousiasme le défi de cet exercice démocratique toujours diffi cile. Ségolène Royal n’a pas souhaité participé à ce débat. Les autres candidats ne s’étant pas manifestés auprès de Ré à la Hune, n’ont pas été conviés. Nous complétons ce débat avec les programmes des six candidats qui nous les ont communiqués.
Ré à la Hune : Que vous inspirent les résultats de la Présidentielle et en quoi cela impacte cette campagne des législatives, au plan national et sur notre circonscription ?
Sally Chadjaa : L’écart entre les deux candidats n’est pas aussi large que ce qui avait été annoncé, et surtout les votes blancs représentent 2 millions d’électeurs (5,8 % des suffrages). Il s’agit non pas d’une victoire de François Hollande mais d’un vote contre Nicolas Sarkozy. Si la campagne avait duré 7 jours de plus, Nicolas Sarkozy aurait gagné. Au niveau des législatives, les électeurs qui ont fait confiance à Nicolas Sarkozy sauront faire confiance à sa candidate.
Olivier Falorni : Ce n’est pas un mystère que j’ai soutenu François Hollande au sein du PS depuis de nombreuses années, à certaines périodes contre vents et marées dans ce département, Ségolène Royal ne peut pas en dire autant, elle qui m’a souvent reproché d’être un fidèle de François Hollande. La légitimité de François Hollande est forte au vu du taux de participation beaucoup plus élevé que celui annoncé. Il y a surtout l’envie d’une République apaisée. C’est l’image de deux Présidents côte à côte devant le soldat inconnu qui montre que l’alternance peut se passer dans de bonnes conditions. La Rochelle comme l’ensemble de la France mérite que les électeurs aient le droit de choisir. Cette soif de démocratie, doit s’exprimer, c’est le sens de ma candidature. Je m’inscris dans la majorité présidentielle. Mais je suis d’une gauche tolérante et humaniste, à l’image de Michel Crépeau et pas dans une gauche sectaire. Je respecte mes concurrents et donc je me réjouis d’être là autour de la table et trouve un peu méprisante l’attitude de celle qui n’est pas là.
François Drageon : Un résultat est un résultat. Olivier Falorni dit que François Hollande a une légitimité forte. Il a une légitimité point. C’est un fait. Quel que soit le pourcentage. On est dans la démocratie, on ne doit pas parler de légitimité forte ou faible. Je suis très étonné qu’un démocrate comme Olivier Falorni parle d’une légitimité forte. On est élu. Ou pas. Effectivement l’enseignement de ce résultat est que l’on a une France qui signifie à 6 % qu’elle ne veut pas répondre à la question posée, elle refuse la dialectique que les partis lui imposent, le projet ne satisfait pas 2 millions de citoyens, soit deux fois plus que la différence qui existe entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. Pour ma part, étant au centre, j’ai une position arbitrale pour vous dire Sally et Olivier vous devriez vous poser la question de savoir si vous n’êtes pas sur le fil du rasoir sur un discours inadapté, fractal, qui entretient une dualité que les français ne veulent pas entendre car ils savent que la crise nous imposera une solidarité qui dépasse largement les clivages que vous représentez. A ce titre j’écoute le merveilleux discours d’Olivier Falorni sur la nécessaire alternance. Voilà 40 ans qu’une gauche « plurielle » dirige La Rochelle, la Communauté d’Agglomération et la 1ère circonscription. Et qu’il n’y a eu aucune alternance. Pendant les 20 premières années on a eu l’avantage d’avoir un homme de dialogue issu du radicalisme, Michel Crépeau. Une gauche de tolérance. On a eu aussi 15 ou 17 ans de gauche socialiste à La Rochelle. Alors, pourquoi si l’alternance est valable au plus haut sommet de l’État, elle ne serait pas valable ici ? D’autant que le bilan de la gauche à La Rochelle n’est pas si glorieux que ça. L’alternance à La Rochelle serait une nécessité essentielle à la démocratie.
Olivier Falorni : L’alternance a eu lieu en 1993. Je me suis engagée dans la politique parce que j’ai rencontré Michel Crépeau, je me reconnais dans sa philosophie politique. Amour de la politique, de la ville et de sa circonscription. Homme de gauche mais il y a des comportements de gauche pas supportables, je suis dans une candidature de député, si je suis élu je pratiquerai le non cumul des mandats. La vie politique a besoin de renouvellement.
Sally Chadjaa : Je reviens sur l’alternance, quand le sénat est passé à gauche, cela faisait longtemps qu’il était à droite, c’est bon d’avoir de l’alternance. Elle vient d’avoir lieu au niveau national. Depuis 40 ans La Rochelle est à gauche, sur cette circonscription l’alternance n’est pas à gauche, elle est à droite ou au centre droit. Face à cette gauche plurielle qui il y a peu de temps représentait la même gauche, tu représentes le PS tout comme Ségolène Royal pour laquelle tu as voté en 2007, c’est une histoire de primaires internes, ce n’est pas cette querelle interne qui est l’essentiel de ces législatives et il faudrait arrêter de se focaliser là-dessus. S’en est suivi un débat soutenu entre François Drageon et Olivier Falorni sur les pratiques démocratiques des partis et du PS en particulier que nous ne relayons pas ici faute de place.
Ré à la Hune : Quelle est votre position par rapport aux extrêmes ? Quelle stratégie d’alliance envisagez-vous au second tour ?
Sally Chadjaa : Les extrêmes ont très bien profité des crises, ils ont bien remonté à l’élection présidentielle, notamment le Front de Gauche par rapport à ce que faisait le PC auparavant. Pour les Législatives je pense qu’au 1er tour je serai seule contre tous, comme l’a été Nicolas Sarkozy, au second tour je parlerai avec certaines personnes de ma famille politique. Par rapport à mon projet, mes convictions, c’est très clair, il n’y a aucune stratégie d’alliance possible avec les extrêmes.
François Drageon : La formulation me perturbe, car les deux questions ne sont pas liées. Contrairement à ce que dit Sally je ne crois pas que le jeu de la démocratie c’est qu’il y ait des extrêmes. Ils sont un avatar de la démocratie. Ils ont une espèce de nécessité qui transcende toutes les discussions démocratiques et politiques, il y a toujours des gens qui dépassent les lignes. Je pense qu’aussi bien les votes Front de Gauche que ceux Front National, ce sont des votes de rupture, il faut se garder de faire la morale. Évidemment je ne suis pas proche des thèses identitaires et nationalistes, de droite ou de gauche. Je ne suis pas dans la Morale. Notre travail est d’aller chercher des électeurs perdus, qui n’ont plus de conscience politique, ou ceux qui sont dans le déni, ou dans la rancoeur. Il faut aller les reconquérir avec des vraies valeurs. Tous autour de la table si demain un séisme politique devait nous contraindre de nous rassembler pour diriger, on le ferait car dans l’adversité on participe des mêmes valeurs. La vraie question est comment on fait pour ramener les votes blancs, et les votes extrêmes. Certains iront à droite, d’autre à gauche. Comment fait-on pour réhabiliter des valeurs fondatrices d’une discussion. Pas de diabolisation des extrêmes, il faut aller chercher dans les consciences de ces gens le moyen de les ramener aux valeurs fondatrices de notre République, la laïcité, l’humanité, le partage, l’éducation, le droit au logement… Pas de déni car on les victimise et les radicalise encore plus, il faut lutter contre les idées d’exclusion et d’ostracisme. Le Parti Radical – fondateur de la laïceté – tout comme le PS et l’UMP sont des partis qui ont une responsabilité fondatrice. Localement on est passé de 5,5 % à 11 % du vote FN sur la circonscription et un Front de Gauche à 12 %.
Olivier Falorni : Il faut faire une différence fondamentale entre les partis politiques et les électeurs. Je ne mets pas un signe égal entre le Front de Gauche et le Front National. En termes de partis politiques et d’idéologie. Le Front National est d’extrême droite, avec des relents xénophobes, racistes que je condamne. Tandis qu’à gauche, c’est une formation politique nouvelle, à gauche du PS mais dont les thèses n’ont jamais frontalement heurté la République, ce serait scandaleux de les mettre à signe égal. En revanche, je considère qu’autant l’idéologie du FN est dangereuse pour la République, autant il n’y a pas 18 % de fascistes en France. Il y en a peut-être 2 ou 3 %, et le reste ce sont des citoyens qui ont le sentiment d’être relégués, pas entendus. On voit une forte progression du FN dans les territoires ruraux, il faut se poser la question en termes de présence des services publics.
François Drageon : Les services publics ne sont pas le garant de la démocratie.
Olivier Falorni : Il faut se demander pourquoi dans le sud du département le FN a quasiment doublé ses voix.
François Drageon : À La Rochelle aussi, pourquoi tu ne poses pas la question sur La Rochelle, où le FN est passé de 5,5 % à 11 % des voix ?
Sally Chadjaa : À Mireuil ils ont doublé.
Olivier Falorni : Si tu on considère que c’est la montée de l’immigration qui est en cause, le recul des services publics, quand des territoires sont totalement abandonnés, le vote FN c’est un vote de colère contre une forme de relégation. On a connu cela dans les banlieues, on connaît ça maintenant dans les campagnes.
François Drageon : Je pense que l’augmentation du FN c’est surtout l’effondrement idéologique des partis que vous représentez.
Olivier Falorni : C’est une plaisanterie. Si tu considères quand des pans entiers de la République sont en recul, que l’Éducation, le recul de La Poste, que tout ce qui crée le lien social en France disparaît on ne fait pas place aux votes extrêmes…
François Drageon : Le service public n’est pas le garant du lien social, c’est l’un des moyens.
Olivier Falorni : C’est ce qui a créé une partie de l’unité nationale. Pour en revenir au vote FN, soit on le légitime soit on ne légitime pas, et si on considère que le vote FN est un vote d’extrême droite, sur 18 % des votants FN, il y a 2-3 % qui adhèrent à ses idées, les autres ont voulu exprimer sentiment de colère, d’abandon, en ville ou à la campagne. Cet oubli, il faut y répondre et les premiers outils d’un Etat républicain, c’est d’y répondre par la présence de services publics sur le territoire.
François Drageon : Ce sentiment de déserrance n’est en rien lié à l’absence de services publics et c’est véritablement dogmatique et symptomatique de l’analyse socialiste que d’imaginer que plus on colle des fonctionnaires, plus on encadre les populations, plus on s’imagine qu’elles vont être heureuses. Je collabore dans mon métier avec la Justice qui est un service public, je n’ai donc pas de leçon à recevoir…
Olivier Falorni : Cela ne te gêne pas ce qu’il s’est passé dans la justice depuis quelques années, la carte judiciaire ?
François Drageon : Il ne vaudrait mieux pas que l’on aborde la question car cela va tourner à ton désavantage considérable. Car si jamais il y a eu un moment où la Justice a été laissée en déserrance totale c’est avec vos gouvernements de gauche. J’ai travaillé sur la question et j’ai trouvé des solutions localement sur la carte judiciaire, d’ailleurs j’ai été élu bâtonnier. Le service public n’est pas la cause de la montée du FN. Ce n’est même pas une des causes. La vraie cause est le taux de chômage pléthorique
Olivier Falorni : Évidemment.
Sally Chadjaa : Je n’adhère pas à la thèse que la baisse de service public serait la cause de la montée du FN. Je ne peux laisser dire cela. Je considère le service public comme un service au public. La réorganisation des services publics a été conçue pour plus d’efficacité pour le public. N’en déplaise à une idéologie qui consisterait à dire qu’il faudrait plus de services publics et plus de fonctionnaires dans ce pays pour que cela fonctionne, non je n’y suis pas favorable et il suffit de comparer avec les autres pays européens pour voir que la France qui a beaucoup de fonctionnaires n’a pas forcément la meilleure qualité de service public. Ce n’est donc pas d’avoir réformé la carte judiciaire qui a fait monter le FN.
Olivier Falorni : La réalité est la montée du FN dans les milieux ruraux. J’ai cherché des facteurs complémentaires d’explications. La force du débat démocratique, c’est qu’il y a un premier tour où chaque candidat développe ses idées, ses sensibilités. Je crois que l’une des raisons supplémentaires de la montée du FN – tous les partis doivent en prendre leur part – c’est que l’on a oublié un certain nombre de valeurs républicaines. Chaque jour, c’est une réalité le manque de fonctionnaires, on a aussi besoin de PME qui fonctionnent. Le développement économique est essentiel. La solution pour régler le chômage n’est pas dans la démultiplication des fonctionnaires. On a effectivement subi des crises, mais vécues très différemment de l’autre côté du Rhin. Il faut retrouver des valeurs. Je crois dans le travail. Dans la Patrie…
Ré à La Hune : Si l’un de vous se retrouvait au second tour face à Ségolène Royal, pour qui appelleriez-vous à voter ?
Sally Chadjaa : Pour être claire, je pense être au second tour. Si je n’y étais pas, je suis fidèle à ma famille politique. Si c’est François Drageon, cela me sera plus facile. Le programme d’Olivier Falorni c’est le programme de François Hollande. C’est clair que je n’appellerai pas à voter pour ce programme.
François Drageon : Il faut avoir une vision extrêmement nette là-dessus, je crois que le plus embarrassé autour de la table par cette question n’est pas moi, c’est Olivier. Moi les choses sont claires, je n’appellerai jamais à voter pour le FN. Je ne ferai pas la danse du ventre devant les idéologues du FN. En ce qui concerne Sally Chadjaa, je serais assez favorable à appeler pour voter pour elle, si elle a une chance de gagner elle aura mon soutien.
Ré à la Hune : Si Sally Chadjaa n’était pas au second tour et que c’était un duel Olivier Falorni contre Ségolène Royal, appelleriez-vous à voter pour l’un des deux ?
François Drageon : Je laisserais bonnet rose et rose bonnet se débrouiller. La question est très ambiguë ou emblématique. C’est un vrai problème pour le territoire que d’avoir cette espèce de prise d’otages entre Olivier Falorni et Ségolène Royal, de leurs querelles dynastiques ou égotiques. On ne parle pas d’idées.
Olivier Falorni : Pour ma part j’ai toujours beaucoup de réticences à pratiquer la politique fiction. J’ai entendu les deux candidats dire qu’ils appelleraient à voter pour l’autre. Mais les électeurs font ce qu’ils veulent. Ils ne regardent pas si c’est du Port Salut ou du Reblochon. Ils regarderont quelles sont les personnalités, et choisiront la personnalité qui semblera leur convenir pour les représenter le mieux à l’Assemblée Nationale. Ils ne cherchent pas des logos ou des produits d’appels. Ils ne sont pas là pour être dans la reproduction de l’élection présidentielle.
Ré à la Hune : En tant que Député à l’Assemblée Nationale, et Député sur la circonscription, comment revenez- vous vers les électeurs ?
Olivier Falorni : C’est une question cruciale, il y a un besoin d’exemplarité qui passe par les élus, cela veut dire ne pas voter une grande loi de la République à 30 dans un hémicycle, ça veut dire aussi que nous ayons des députés qui ne soient pas seulement des législateurs mais qui soient aussi des élus de proximité et qui rendent des comptes régulièrement, pas au bout de 5 ans. Si les électeurs me font confiance, car je veux servir de lien, je suis à la fois fidèle dans mes convictions et libre dans mes décisions, je l’ai montré à de nombreuses reprises. À l’Assemblée Nationale, je serai un député qui votera en fonction de ce qu’il estime juste, je ne serai pas un Député godillot.
Ré à la Hune : Comment prendrez-vous la température de votre circonscription et comment serez-vous à l’écoute des habitants ?
Olivier Falorni : Tout d’abord je n’attendrai pas que les électeurs viennent me voir au fond d’une permanence. Un Député doit aller au-devant des gens, j’irai dans toutes les communes rencontrer les gens pour leur dire ce que fait leur Député.
Sally Chadjaa : Donc Olivier tu ne feras pas partie d’un groupe politique ? Cela fait 8 ans que je travaille pour un député et je connais donc le fonctionnement, si je suis élue, j’ai un très bon modèle. Et bien je puis assurer à Olivier que nous tenons une permanence toutes les semaines et qu’elle est pleine. Nous recevons tous les publics, c’est essentiel de tenir une permanence parlementaire et je m’y engage. Ensuite, comme cela ne suffit pas, et comme moi je m’engage à être à 60 % sur cette circonscription, j’irai à la rencontre des citoyens, des acteurs locaux, des élus et bien évidemment je soutiendrai les projets qui me paraissent pertinents et mettrai tous les acteurs autour de la table.
François Drageon : C’est souvent la place de l’élu qui est contestée dans le vote FN ou FG. La place de l’élu pose problème dans notre système démocratique. Pas celle au moment où il se présente puisque le suffrage universel fait que l’on est tous égaux… bien que certains soient plus égos que d’autres, comme disait Orwell, « on est tous égaux mais il y en a qui sont plus égaux que d’autres » ou ont plus d’egos que d’autres ! Qu’est-ce qui fait que 5,8 % des électeurs votent blanc ? Qu’est-ce qui fait que 18 % des électeurs votent Front National ? Et 13 % Front de Gauche ? La place de l’élu sur le territoire n’est pas si simplement remplie que par une permanence ou d’être là en permanence. C’est un état d’esprit. Dans La fonction élective, je constate qu’il ne faut pas pour être libre dépendre de ses mandats. Un élu doit s’astreindre à savoir, connaître et aller chercher les sujets et les problèmes. C’est un travail de quotidienneté, d’immersion dans la vraie vie. Or je constate que la plupart des élus dans notre région ont plus tendance à cumuler leurs indemnités qu’à cumuler leurs idées.
Olivier Falorni : Il faut faire attention à un sentiment facile de montrer du doigt certains élus, je ne suis pas un béni oui-oui. Je suis fier de ma fonction d’élu local au service d’une ville. Travailler en même temps qu’être élu est compliqué, il faudrait mettre en place un statut de l’élu. Il faut bien payer les élus pour éviter les corruptions. Aujourd’hui la composition de l’Assemblée devrait être à l’image de la France, il ne doit pas y avoir que des fonctionnaires, des sexagénaires, il doit y avoir du renouvellement.
Sally Chadjaa : Je rebondis là-dessus, effectivement l’Assemblée Nationale n’est pas représentative de la société française, la catégorie la plus représentée est les fonctionnaires, dont font partie les enseignants. Et il n’y a que 107 femmes sur 570 députés à l’Assemblée. Cela fait deux ans que je suis élue, j’ai l’impression de faire plein de choses et d’aider beaucoup de monde. J’ai du mal à comprendre quel est l’objectif du statut de l’élu ? La professionnaliser ? Ce n’est pas dans les réflexions en cours. Compte tenu du temps à y consacrer, il est difficile pour certaines catégories socioprofessionnelles d’accéder à ces mandats électifs…
François Drageon : Vous raisonnez à côté de la plaque l’un et l’autre. J’ai un travail, des engagements, si je suis élu je gagnerai beaucoup moins d’argent que si je restais à mon cabinet d’avocat. C’est une vraie volonté. Le statut de l’élu, c’est typiquement un réflexe socialiste, il faut coller une assurance sur toute situation, que tout ça soit bien normalisé. Et le parcours professionnel, et le choix individuel et le risque vous en faites quoi ? Un élu c’est quelqu’un qui vit dans la précarité.
Ré à la Hune : Quels sont les projets de lois que vous entendez porter au niveau national et quels sont les projets sur le territoire que vous souhaitez promouvoir ou au contraire combattre ?
Sally Chadjaa : Je serai très vigilante sur la maîtrise de la dépense publique et l’ouverture de la discussion sur la règle d’or, qui doit passer au vote au Congrès. Pour les projets plus locaux, les priorités sont liées à la relance économique sur notre circonscription et à ce titre je défendrai les projets créateurs d’activités, ou qui maintiennent les activités primaires, artisanales, commerciales. D’ores et déjà je soutiendrai la création du parc d’activités bas carbone de Lagord, d’envergure environnementale et serai très vigilante sur les entreprises qui viendront s’installer. Sur le Grand Port Autonome que j’appelle de mes voeux en tant que facteur de développement économique et d’emplois, nous aurions dû être vigilants par rapport aux implantations des entreprises et usines venues sur ce site.
Ré à la Hune : Comment le député intervient sur ces sujets de l’économie et de l’emploi ?
Sally Chadjaa : Le député est un facilitateur, il met tout le monde autour de la table, il va chercher les entreprises pour qu’elles viennent s’installer ici et en ce sens j’ai une proposition de loi que je défendrai qui sera incitative fiscalement pour toutes les entreprises voulant s’agrandir ou s’installer.
Olivier Falorni : Pour développer notre territoire il faut continuer à le désenclaver. Michel Crépeau l’a commencé avec le TGV, on a une industrie particulièrement ferroviaire, pour permettre que l’emploi se développe il faut avoir une activité pas seulement touristique, considérer que l’industrie sur notre territoire est essentielle dans les limites de respect de l’environnement car l’on n’a pas simplement des activités porteuses d’emplois mais aussi qui créent de l’identité. Il ne faut pas oublier les activités primaires qui dépendent aussi de notre environnement. Il faut savoir dire non, car les élus sont soumis à des pressions considérables. Pression sur le foncier, pression à l’emploi : on ne peut considérer que l’implantation d’une industrie parce qu’elle rapporte des emplois doit primer sur tout. Le rôle d’un élu est d’abord de protéger les habitants. Une implantation industrielle sur notre littoral doit être regardée de près. La qualité des eaux est essentielle. Si les industriels ne respectent pas les normes, il faut une agence qui contrôle. Il y aussi besoin de logements sur notre territoire, notamment les logements à loyers modérés, rendre accessible le foncier. Faire en sorte que l’emploi soit développé avec une attention particulière au travail saisonnier, il faut sortir de la précarité l’activité touristique, avoir des contrats avec des zones touristiques de montagne. Mon obsession est de protéger les gens, Xynthia pourra se renouveler, des phénomènes identiques ont déjà eu lieu, mais les conséquences humaines ne sont pas les mêmes. On a oublié d’entretenir la culture du risque et de protéger nos côtes. Le député doit faire pression en permanence sur l’État pour qu’il finance la protection des côtes, la Région aussi, cela a été un des nombreux points de friction que nous avons eus avec la Présidente. C’est une erreur majeure, qui a été rattrapée comme par hasard. La culture du risque, les repères de crues doivent être suivis. La loi qui existe n’est pas appliquée. Le rôle du député est aussi de faire appliquer les lois.
François Drageon : L’élu doit connaître le terrain et ses problématiques. La Charente-Maritime ce sont 25 000 entreprises, dont 22 500 ont moins de 10 salariés. Un territoire maillé de TPE et PME. D’autre part nous avons des majors localement, tels Alstom, Delphi Diesel et la Sogerma qui emploient chacune entre 600 et 800 personnes et ont en sous-face un réseau d’entreprises sous-traitantes. À côté de cela, il y a un réseau de grosses PME. Les toutes petites entreprises ont des demandes de trésorerie de quelques milliers ou dizaines milliers d’ , guère plus. Nous sommes sur un territoire où l’économie est KO debout car il n’y a pas de fonds propres, et à côté de cela, ces 3 grosses entreprises créent un tissu de PME qui ont relativement peu de marge de manoeuvre. Enfin l’économie de saisonnalité est une économie de précarité. Je ne partage pas l’idée de faire des échanges avec les stations en montagne. Je ne crois pas que les salariés soient des « choses » transposables comme cela, il faut avoir du respect pour les gens qui vivent sur le territoire. En revanche, les outils mis en place par le gouvernement précédent : EIRL et statut d’autoentrepreneur permettent de dire aux gens que la culture du contrat de travail ne résout pas tout, vous avez une vision faussée de la réalité économique. Le contrat de travail n’est pas le sésame au bonheur, c’est un des moyens d’accès à la dignité. Le travail ne s’exerce pas que dans le contrat, mais aussi dans la vraie vie en prenant des initiatives économiques et en étant un entrepreneur. Dans les quartiers en difficulté du territoire, il y 5 % de chômage de plus qu’au plan national (7 % pour les jeunes de – 25 ans). Les maisons de l’emploi et des chômeurs sont insuffisantes. Notre champ économique ne permet pas d’absorber plus de x emplois par an sur la zone. Que fait-on ? Ma proposition est de créer des maisons de l’entrepreneur, il faut apprendre à nos jeunes qu’ils peuvent aussi trouver leur bonheur dans l’entreprise individuelle… Un entrepreneur pour venir s’installer chez nous attend des critères économiques : transports, désenclavement, taux d’inemploi, taux d’absentéisme. Il y 6 % de plus d’absentéisme en Charente-Maritime qu’en Vendée et des taux de chômage 3 ou 4 fois supérieurs à ceux de la Vendée. Il faut mettre autour de la table des banquiers dans des paris « gagnantsgagnants », des chambres consulaires, des professions libérales… Plutôt que de donner des subventions, portons-nous caution de nos gamins et laissons les créer leurs projets. On va créer des réussites, et cela donnera une image de la chance de créer. Je veux réhabiliter l’idée que l’on se fait de soi. Sur le logement social, il y 3 offices HLM à La Rochelle, l’office communautaire, l’office départemental et le 1 % logement il n’y a pas de politique d’attribution commune, il y a certes un dossier unique, mais pas une commission d’attribution unique. La question est qu’avant de parler de manque, il faudrait regarder qui occupe ce parc. Il y a des successions de locataires… C’est quasiment une valeur patrimoniale. Je souhaiterais une commission unique d’attribution. Au niveau national, il y a des lois sur lesquelles réfléchir. Il faut nettoyer le corps législatif français. Quand j’ai prêté serment il y avait 9 codes, aujourd’hui il y en a 97. Cela pose le problème de l’accès au droit, vous empilez des règles de droit aberrantes tous, il y a une inflation normative, même les cabinets d’avocats spécialisés s’y noient. Le Lamy environnement ce sont 7 tomes. Il faut baisser le niveau normatif. Enfin, une loi me paraît nécessaire, pour l’encadrement du compte bancaire pour les ménages, on l’a fait pour les entreprises pas pour les particuliers et certains ne sont ruinés que par l’effet mécanique du crédit. Qui est touché ? Les ménages sont touchés non pas par les crédits à la consommation mais par leurs déficits sur leurs comptes.
Ré à la Hune : Sur notre territoire de l’île de Ré, quelle est votre position par rapport à l’écotaxe que doivent payer les Rochelais ? Et quelle est votre position par rapport à l’équilibre à trouver sur l’île de Ré entre protection environnementale et maintien d’une vie active et permanente ?
Olivier Falorni : Comment vit-on dans une île qui vit essentiellement du tourisme, qui suppose à la fois qu’on la protège et la développe ? C’est l’équilibre très difficile à trouver. En tant que Rochelais je partage la frustration de ceux qui habitent juste de l’autre côté du pont. On les empêche de venir sur un territoire, il y a un frein à l’argent. Mais on ne peut faire une gratuité permanente. Il faut développer le transport public. Aujourd’hui on a une sélection par l’argent. En basse saison l’île de Ré aurait intérêt à ce que plus de personnes y viennent, au plan économique ce serait utile, le tarif l’hiver reste élevé, or les contraintes ne sont pas les mêmes. Le problème aussi est le coût du foncier exorbitant et certains qui veulent travailler sur l’île ne peuvent s’y loger.
François Drageon : Il y a deux campagnes sur la circonscription, car il y a deux préoccupations. Sur l’île de Ré, concilier vie permanente et développement économique n’est pas aisé, l’île vit du 15 juin au 15 septembre un rythme très compliqué. Sur la vie permanente, les jeunes s’en vont faute de logements. L’île de Ré a une difficulté à garder ses jeunes, ce qui conduit à un vieillissement de la population et à des frais de transports qui entament fortement les salaires de ceux qui vont travailler sur La Rochelle. La construction des 450 logements prévus sur l’île de Ré est impossible, entre les terrains non acquis, le zonage non terminé et les classements de terrains. Il faut une réflexion avec les offices HLM, il faut se préoccuper de l’acquisition foncière. L’autre problème est le transport en commun hors saison dans l’île de Ré. Il faut permettre aux Rétais pour circuler de réfléchir à des transports électriques respectueux de l’environnement. Enfin sur la question des activités primaires, qui donnent du sens au territoire de l’île de Ré, peut être n’a ton pas entendu tous les acteurs, le naissain de l’île de Ré est en train de disparaître notamment par une qualité des eaux dégradée par tous les rejets du territoire rochelais. Il faut aller plus loin dans l’analyse globale des difficultés. Les deux territoires de la circonscription interfèrent et constituent un territoire unique. Il y a des solutions globales et concertées. Pour l’écotaxe : je ne suis jamais partisan d’une ségrégation par l’argent, mais si on laisse faire n’importe quoi, on va abîmer l’île. Il faut développer massivement les transports entre le continent et l’île de Ré, par exemple un tramway pourrait être intéressant, il faut démocratiser l’accès à l’île. Pour finir, je ne voudrais pas que l’écotaxe donne l’impression qu’elle soit partagée entre le Conseil général, la CdC et les communes en fonction du poids politique de chacun. Il faut que la répartition et la gestion soient transparentes pour éviter tous les fantasmes. De la transparence sur les modes de décision et la gestion de la décision est indispensable.
Olivier Falorni : Cette circonscription est cohérente, il ne faut plus qu’il y ait de distance entre ces deux territoires, il faut créer ce lien avec des transports publics très développés et écologiquement exemplaires.
Sally Chadjaa : Pour l’île de Ré, je suis pour une écotaxe et son maintien d’autant que la nouvelle répartition permet à la CdC de pouvoir financer la protection du territoire. Je ne suis pas opposée à ce que l’hiver on puisse étudier l’impact d’un tarif préférentiel pour les Rochelais. Juste l’hiver. La problématique de l’île est de maintenir une activité permanente sur 20 % du territoire constructible. Le tourisme c’est bien mais la priorité passe aussi par le maintien des activités primaires, par le développement d’activités permanentes, des services à la personne, qui sont non délocalisables, je me battrai pour le maintien d’un taux de TVA réduit pour ces activités et le maintien du crédit d’impôts. Pour les activités primaires j’ai proposé la création d’un label « Made in La Rochelle – Ré » non pas pour garantir la provenance des produits mais pour l’exportation permettant la mise en commun de la commercialisation et de la publicité du produit, à l’instar de la marque « 64 ». Sur l’île de Ré pour le maintien de la vie permanente, il y a la problématique des logements qui doivent être mixtes, mais aussi intergénérationnels dans les logements à loyer modéré. Beaucoup de logements sociaux sont occupés par des personnes qui ne devraient pas y être. Pour les transports entre les communes, il faut développer une offre de transports propre, la CdC est dans cette réflexion. Pour éviter l’engorgement il faudrait développer des navettes maritimes du Belvédère, des Minimes, de Port Neuf… vers l’île de Ré. Il faut travailler à la fois sur les transports, les logements et l’emploi. Et aider les ostréiculteurs à diversifier leurs activités ou les aider à l’utilisation des marais pour leur activité. En matière d’homogénéité du territoire, les réflexions ne se sont pas faites actuellement sur le contour de la circonscription, chacun que ce soit la CDA, la CdC ou le Conseil général ont réfléchi mais le député n’a pas mis tout le monde autour de la table. Comme le montre la mise en place récente de la navette électrique à 1 , non concertée avec l’offre de transports de la RTCR. Il faut plus de cohérence entre les trois acteurs. Enfin, on va aussi manquer de places sur le parking du Belvédère, il faudra utiliser le parking de La Repentie. Pour conclure, il s’agit là du premier débat entre presque tous les candidats, Ré à la Hune peut s’en féliciter, je trouve que l’on n’a pas assez de débat démocratique sur cette circonscription. Il faut plus de transparence, quand on est dans l’opposition on n’est pas au courant, donc je vois mal comment les habitants peuvent être au courant.
François Drageon : J’ai été très heureux de participer à ce débat de qualité, chacun a pu s’exprimer assez fondamentalement, ce qui m’amène à dire que le débat démocratique s’entretient, dans l’effort, je le dis avec respect car j’imagine que la fonction d’élu est difficile mais cela n’empêche pas de rendre des comptes, le débat démocratique de La Rochelle est faussé car vous ne communiquez pas, ou très peu. L’obligation de rendre compte dans la quotidienneté cela permet aussi aux électeurs de vous détecter les difficultés. Et l’une des raisons de mon engagement est justement que le débat démocratique est déficient à La Rochelle. Ce débat Ré à la Hune a permis de se confronter et de voir que l’on a aussi des points de convergence et des lignes de fracture qui ne sont pas là où on les attend forcément.
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