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- Ciné-débat sur la fin de vie
Un film, une loi… et pas mal de questions
En attendant la loi, un débat grave et digne sur la fin de vie a attiré la grande foule à la Maline. La projection du film Le Dernier souffle, suivie d’un échange passionnant et passionné avec le député Olivier Falorni, a soulevé encouragements et interrogations.

Ce jeudi 13 février, la salle 1 de La Maline est pleine à craquer. Plus un strapontin de libre pour venir assister à la projection d’un film, suivi d’un débat avec Olivier Falorni, député de la 1ère circonscription de Charente- Maritime. Pas n’importe quel film, et pas n’importe quel débat. Ce soir est projeté Le Dernier souffle, le nouveau long métrage de Costa-Gavras, dont la thématique, si lourde mais si nécessaire, résonne comme rarement dans la vie démocratique du pays : le droit à mourir dans la dignité.
Le film, d’abord. Habitué des oeuvres polémiques et coups de poing (Z, sur le régime dictatorial en Grèce dans les années 1960, L’Aveu, sur les méthodes musclées du stalinisme de l’autre côté du rideau de fer dans les années 1950, plus récemment Amen. et le silence des catholiques et du pape Pie XII à l’égard des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale…), « Costa » livre cette fois une partition sensible et sans faute sur le droit à mourir dans la dignité et la question de l’euthanasie médicalement assistée. L’histoire, tirée d’une adaptation du livre du même nom signée Claude Grange et Régis Debray, est celle d’un service de soins palliatifs dirigé par Kad Merad – tout en justesse et en subtilité – et d’un philosophe incarné par Denis Podalydès, lequel décide de marcher dans les pas du médecin pour mieux comprendre les souffrances des malades, et toutes les questions éthiques et morales que soulèvent ces problématiques douloureuses.
Qui peut décider d’abréger une vie ? À partir de quel degré de souffrance atteint ? Quels sont les garde-fous qu’il faut absolument poser ? Quelle est la place de la famille et des proches dans ces situations extrêmes ? Le film est évidemment lourd au sens premier du terme, poignant, profond, voire déchirant dans une ou deux scènes qui arrachent des larmes. Et lorsque la lumière se rallume dans la salle, le silence, durant plusieurs minutes, est épais et d’une qualité rare.
Olivier Falorni monte alors sur la scène, et vient le temps « politique » de cette question éminemment sociétale – la France, il n’est pas inutile de le rappeler ici, étant l’un des derniers pays européens à ne pas avoir légiféré sur cette question cruciale, alors que l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas ou encore la Belgique l’ont déjà fait, et que le Royaume-Uni s’apprête à voter une loi pour l’aide à mourir au printemps. Le député rappelle d’abord qu’il portera cette loi au Parlement « a priori courant mai », si le calendrier législatif ne connaît pas de soubresauts de dernières minutes d’ici là, éventualité qui n’est pas à exclure par les temps qui courent, toujours incertains et géopolitiquement tendus. « Il y a des contextes qui amènent des malades dans des situations de fin de vie épouvantables, précise le député en posant le décor. Il me semble légitime que, dans un pays de liberté, d’égalité et de fraternité, on puisse à un moment décider d’épargner les souffrances de ceux qui le souhaitent. »
Des échanges de haut niveau
Une fois posés les contours et le cadre de la future loi que le député portera à l’Assemblée, Olivier Falorni transforme assez vite son exposé en échange avec l’assemblée, l’autre, celle de la Maline. Les questions débutent, timides, saluant pour la plupart la nécessité d’une avancée législative « dans une France à la traîne ». Puis elles se font de plus en plus précises, cherchant même les failles. « Vous expliquez que l’une des conditions du suicide médical assisté ne pourra se faire qu’avec le consentement du malade, interpelle un participant, consentement qu’il devra réitérer à plusieurs reprises. Or il y a un flou terrible dans vos propos, car qu’en est-il des malades dans le coma, qui ne peuvent plus s’exprimer, ou de ceux qui, sans être dans le coma, ont leurs facultés d’analyses altérées ? » Olivier Falorni, soucieux, prend le temps de la réflexion avant de répondre d’une voix grave : « La maladie incurable ne doit pas faire de vous un citoyen qui ne serait plus un adulte. Respecter la fin de vie d’un homme ou d’une femme, c’est le considérer comme un adulte jusqu’au bout. Pour autant, le point que vous soulevez est réel, et il sera évidemment débattu et fera l’objet d’un cadre légal. Mais je pense que chaque cas est individuel, chaque cas est particulier. »
Du fond de la salle, autre intervention d’une petite voix fluette : « Je suis médecin généraliste retraitée, avance cette dame. Quelle sera la place dans cette loi du médecin généraliste, celui qui suit le patient, souvent de la naissance jusqu’à la mort, et qui est sans doute le plus à même d’émettre un avis dans cet accompagnement ? » Réponse d’Olivier Falorni : « Les médecins sont bien plus favorables qu’on ne le pense à cette loi, et notamment les médecins généralistes. Il y aura une clause de conscience. Aucun médecin ne sera tenu d’agir s’il ne le souhaite pas, pour des raisons qui lui sont propres et qu’il ne devra pas justifier. En revanche, le malade sollicitera le médecin qu’il souhaite, c’est une certitude. Et les médecins généralistes risquent d’être en première ligne. »
Il est plus de 21h30. Le mot de la fin sera pour ce sexagénaire dont l’humour n’était pas ce soir-là la dernière des qualités : « Monsieur le Député, j’espère de tout coeur que votre loi va passer. Mais j’espère aussi de tout coeur dans le futur ne pas avoir besoin d’y recourir, car je compte bien partir tranquillement, dans mon lit. Comme la gitane du film. » À cette seconde précise, l’éclat de rire général qui a secoué l’assistance n’était pas nerveux… mais bien libérateur.
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