Un comédien devenu célèbre grâce à un manga japonais

Comédien vivant à La Couarde, Patrick Borg, spécialisé dans le doublage, est devenu célèbre en prêtant sa voix au personnage Son Goku des séries Dragon Ball Z et Dragon Ball Super !

Patrick Borg est tombé dans la marmite de bonne heure et dès l’âge de onze ans, il est repéré au Théâtre de la Ville, à Paris, par Jean Mercure, alors qu’il était élève à l’École des enfants du spectacle. Fils de René Borg, réalisateur de dessins animés parmi lesquels Les Shadoks firent sensation, et directeur du cinéma d’animation au service de la recherche de l’ORTF, il baigne depuis la naissance dans un environnement artistique dans lequel il va s’épanouir en grandissant. Avec beaucoup de travail car, comme il aime à le répéter « Je ne connais pas d’enfants comédiens. Je ne connais que des enfants qui ont une nature. » Cette nature séduira Jean Mercure et il débutera sur les planches, dès 1967 à l’âge de 10 ans, dans Six personnages en quête d’auteur de Luigi Pirandello, au côté de Fernand Sardou, père du chanteur. Il jouera dans plusieurs pièces à Paris par la suite : Les Gracques de Jean Giraudoux, Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare… Montherlant le remarque aussi et le présente au metteur en scène Jean Meyer afin qu’il offre un rôle dans La ville dont le prince était un enfant. C’est grâce à Fernand Sardou, qu’il va découvrir le travail du doubleur. Celui-ci l’adresse à une société de doublage cherchant une voix d’enfant pour la série Flipper le dauphin. Il est recruté et doublera plus tard le personnage principal de la série Mazinger Z.

Le doublage prend le pas sur l’activité théâtrale

Le jeune Patrick, dont la voix est encore fluette par rapport à celle d’aujourd’hui, ne résistera pas à l’envie d’aller voir aux Etats-Unis ce qui se passe dans les milieux artistiques et y restera deux longues années. En 1969, il avait accompagné son père à Los Angeles et avait gardé un souvenir magique de son voyage et de sa rencontre avec Steve Mc Queen. A son retour en 1984, il constate qu’aussi talentueux qu’il soit, personne ne l’attend. Il est désormais chef d’une famille qu’il doit nourrir et il ne peut rester à attendre le cachet. D’autant que jamais son père ne lui proposera un rôle dans ses différentes réalisations, ni même une recommandation pour un confrère. Bien que passionné par son métier de comédien de théâtre, il se tournera de plus en plus vers le doublage. La période s’y prête. En effet, en 1985 Berlusconi vient de créer La Cinq, qui commencera à émettre en 1986 et dont les besoins en doublage sont énormes. Le métier de comédien s’étant diversifié avec l’apparition des nouvelles technologies, il étoffera son activité en doublant des documentaires, des publicités, des jeux vidéo ainsi que des livres audios.

Dragon Ball Z : un succès phénoménal

Il ne pouvait prévoir, pas plus que les distributeurs d’ailleurs, le succès de Dragon Ball Z, l’un des premiers mangas, dont les personnages étaient tellement emblématiques qu’ils ornaient les rames du métro de Tokyo ! Cette nouveauté va connaître un succès exceptionnel, associant pour toujours la voix de Patrick au personnage de Son Goku. Il devient célèbre à son corps défendant et trente-cinq plus tard l’est toujours, comme le montrent ces conventions rassemblant régulièrement les artistes et leurs publics. Début novembre, le récent festival de Marseille, auquel il venait de participer lorsque nous l’avons rencontré, avait rassemblé pas moins de 38 000 personnes dont une bonne partie était venue là pour lui dire « tu es la voix de notre enfance », après avoir payé 19€ leur billet d’entrée ! Ce genre de succès couvrant deux à trois générations de fans est assez rare.

Pour un public francophone, il est la voix d’acteurs connus

Il interprètera également au cours de sa carrière les voix d’acteurs connus tels Michael Gasto, Charlie Sheen, Eddie Marsan, John Travolta, Mickey Rourke et sera la voix régulière de David Boreanaz, le beau gosse des séries Bones, Angel ou Buffy contre les vampires et de tant d’autres qu’il serait fastidieux de les lister.

Des rencontres époustouflantes

Ce métier qui demande beaucoup d’énergie, en particulier lorsque l’on double des batailles qu’il faut mimer pour être crédibles, donnera l’occasion à Patrick, qui jamais ne sera blasé, de rencontres inoubliables. Peter Ustinov par exemple ou Sophia Loren, dont il écrasera un jour les pieds dans un studio obscur, pensant avoir marché sur ceux de la collègue qui la doublait habituellement. Celle-ci étant souffrante, Sophia Loren avait décidé de se doubler elle-même en français et lui répondit alors qu’il se confondait en excuses : « Oui il s’agissait bien de mes pieds, mais c’était fait de façon si délicieuse ! » Patrick Dewaere, avec qui il se trouve en studio pour une séance de doublage trois mois après le succès des Valseuses et qui à un « ça marche pour toi, la vie est belle » lui répond « Tu as vu depuis trois mois j’ai du talent ! » En revanche, il lui reste un regret, celui de n’avoir pu rencontrer Christopher Walken pour qui il a une grande admiration.

Son talent, sa perpétuelle bonne humeur font qu’il est agréable à travailler et on a souvent fait appel à lui, si bien qu’il se réjouit d’avoir pu bien vivre de son art. Lorsqu’il décida de quitter Paris, son épouse Catarina désirant absolument vivre en bord de mer, ils se mirent à la recherche d’une maison en Bretagne d’abord, puis ayant découvert l’île grâce à une amie, s’installèrent à La Couarde. Aujourd’hui, il a choisi de vivre dans l’île, un peu éloigné de Paris et s’il travaille encore il ne se déplace plus « pour 15 lignes » mais pour des rôles plus importants. On parle d’ailleurs d’un nouvel épisode de Dragon Ball Z dans les milieux des séries japonaises. Intox ou réalité, Patrick n’en a pas la moindre idée.

Et comme bon sang ne saurait mentir, Yoann Borg, son fils, est lui aussi comédien spécialisé dans le doublage.