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Un chantier au parfum de scandale
La requalification de l’emprise de l’ancienne usine à gaz de La Rochelle, située rue Marcel Paul à La Rochelle, un temps devenue siège d’Enedis et aujourd’hui vouée à accueillir un vaste projet immobilier « Le Parc de l’Envolée » mené par Vinci, soulève depuis plusieurs semaines de très vives inquiétudes auprès des enfants et adultes directement exposés à ses émanations toxiques.
Sous le titre « Les gazofolies de La Rochelle », une publication de l’association Robin des Bois* fut la première à alerter de façon prémonitoire le 2 février 2024. D’abord exploitée par la Compagnie française d’éclairage et de chauffage par le gaz dès 1840, puis par Gaz de France entre 1946 et 1961, l’usine a vu ses bâtiments de surface et les gazomètres détruits. Gravats et déchets de démolition ont notamment servi de remblais de proximité sous le parking de la fourrière automobile voisine. Comme le rappelait l’association, le terrain appartient aujourd’hui à Engie. La reconversion des sols et sous-sols de l’ancienne usine à gaz fait partie du programme « Speed Rehab » mis en oeuvre par Engie, Vinci Immobilier et Brownfield, un promoteur spécialisé dans la construction sur sites pollués.
« Robin des Bois », lanceur d’alerte…
« La distillation d’une tonne de charbon produisait 300 à 350 m3 de gaz, mais aussi de de 50 à 70 kg de goudron benzénique cancérogène… Les premières excavations de ce type de site déclenchent des pollutions atmosphériques difficilement supportables par les populations » exposées, en l’occurrence, en plein centre urbain, les trois mille élèves, collégiens et lycéens, mais aussi les personnels et enseignants de l’établissement Fénelon-Notre dame, de l’école Massiou, sans oublier tous les riverains…
Dans sa tribune, Robin des Bois alertait : « Dans la majorité des cas, même avec l’installation d’un chapiteau sous dépression d’air et avec une filtration par charbon actif, les fouilles, les transferts de goudron par camions vers des installations dédiées exposent les riverains et usagers à des nuisances insupportables et à des risques sanitaires. » L’association évoquait aussi l’immeuble de bureaux construit dans les années 70 qu’il est prévu de transformer en résidence universitaire, un immeuble qui « doit être bourré d’amiante ».
Fermeture de Fénelon devant l’ampleur des intoxications
Sans être informés pour leur très grande majorité de ce contexte de chantier, les parents des établissements scolaires ont été brusquement plongés dans cette glaçante réalité, pour certains au mois de septembre, mais pour la plupart au retour des vacances de la Toussaint, de très nombreux enfants – mais aussi personnel et enseignants – se plaignant de très fortes odeurs et de maux de tête, de gorge, de ventre, de vomissements… A tel point que devant l’ampleur du phénomène et le manque de transparence – voire tout simplement d’informations de la part des différents acteurs de ce dossier – la direction de Fénelon a décidé de fermer collège et lycée durant deux jours, les 8 et 12 novembre dernier. Pour information, près de cent cinquante jeunes Rétais sont scolarisés en secondaire à Fénelon…
Un défaut d’information, des responsabilités multiples
Alors que la mairie explique que les riverains ont été informés par de nombreuses réunions d’information et des panneaux affichés – les parents et les communautés éducatives n’étaient eux pas informés et les panneaux pas visibles par eux – Jean Hesbert, viceprésident du Comité Saint-Nicolas, Gare, Le Gabut (le site est situé dans le quartier dit Les 4 Portes) et qui suit de près ce dossier dénonce le manque d’information délivrée lors du Conseil municipal du 18 décembre 2023 auprès des conseillers municipaux notamment sur « la dangerosité intrinsèque du site (ex ICPE), facteur qui aurait mérité un passage par le CODERST**. » Aucune référence dans la délivrance du permis de construire et de ses modifications successives n’était faite aux arrêtés préfectoraux du 17 février 2021 et du 5 avril 2023, explique le Rochelais. Il estime que dans ces conditions les riverains ne pouvaient pas juger de la légalité du permis, la seule mention à la dangerosité étant mentionnée en page 2 du permis qui notait qu’une « attention particulière devait être portée aux potentielles nuisances engendrées par les démolitions et le chantier pour l’école élémentaire Massiou, mitoyenne du projet » (sic). Il estime ainsi que « dès le début, la municipalité de La Rochelle a trompé ses habitants sur les enjeux que ce projet comportait et ses risques collatéraux. »
Le préfet a pris trois arrêtés successifs pour encadrer la réalisation de cette dépollution, les 17 février 2021, 5 avril 2023 et 2 mai 2024. Les travaux ont débuté le 19 août 2024.
A ce jour, sous réserve et selon Jean Hesbert, une quinzaine de plaintes auraient été déposées auprès du Procureur de la République de La Rochelle, à l’encontre du maire de La Rochelle.
Les élus du Renouveau, élus municipaux d’opposition, dénoncent eux dans un communiqué « la désinvolture du maire » et réclament – comme de nombreux parents – l’application du principe de précaution.
Les acteurs du chantier sont toutefois nombreux, avec deux phases : la dépollution (désamiantage du bâtiment et traitement des sols), placée sous la responsabilité de l’Etat, puis la construction, placée sous celle de la municipalité de La Rochelle.
A tout le moins, les très nombreuses intoxications constatées, admises non sans mal par les différentes autorités, mais aussi le contenu de l’arrêté préfectoral du 2 mai 2024 et l’absence de protection du chantier interrogent très sérieusement sur les conditions dans lesquelles il a été mené depuis août 2024.
Le centre anti-poison rassurant… mais des analyses partielles
La conférence du Centre anti-poison et de Toxicologie (CAPTV) de Bordeaux, menée par le Dr Magali Labadie, chef de service, n’a guère rassuré les parents et riverains. Ayant eu la première alerte seulement le 7 novembre, le centre a recensé les signalements de maux faits par les familles, la communauté éducative et les riverains. Plus de quatre cents signalements recensés – maux de tête, de gorge, irritations, douleurs abdominales, vertiges…. – mais selon elle « pas de trace aux urgences, deux appels au Samu ». L’exposition est majoritairement respiratoire. Dès lors, le centre anti-poison s’est attaché à identifier les dangers (les substances) et évaluer les risques. Indéniablement « cela a émis », mais le risque serait « faible, extrêmement limité… Cela nous a rassurés, même si cela n’est pas normal d’avoir été exposé… A La Rochelle, les doses sont faibles et même additionnées, l’effet cocktail ne sera pas significatif », a expliqué le Dr Labadie. En établissant des bémols : n’ont pu être analysées que les données qu’on a bien voulu lui transmettre et le centre ne disposait pas pour ces premières analyses des poussières du chantier. Par ailleurs, si le chantier a été arrêté le 14 novembre – sur la demande très insistante des représentants des parents d’élèves, la préfecture étant contre – « il faut trois semaines au laboratoire pour faire l’analyse du capteur Radial. » Car dès qu’il a été informé, le centre anti-poison a fait quelques recommandations, dont le ramassage des poussières, puis le nettoyage des surfaces des établissements scolaires et la pose de capteurs dans les établissements.
Des seuils non adaptés aux enfants et adolescents
Outre la non analyse des poussières, les parents et leurs représentants dénoncent l’application de seuils non adaptés aux enfants et adolescents, par définition plus vulnérables que la moyenne de la population. Outre le benzène, substance cancérigène, d’autres polluants toxiques n’auraient pas été identifiés à ce jour, continuant de provoquer des symptômes auprès des enfants et adultes.
Au-delà du scandale sanitaire – manque d’information, lenteur à admettre la réalité des symptômes, manque de protection du chantier, etc. – les répercussions psychologiques ont été et restent immenses, comme le montrent les messages sur les groupes WhatsApp sur lesquels plus de huit cents participants se sont inscrits. Et des familles ont jugé urgent de retirer leurs enfants des établissements riverains.
Dans un compte-rendu de réunion (du 13 novembre en préfecture) adressé à tous les parents, l’APEL de Fénelon Notre Dame explique que le débat de mise en pause du chantier a été initié par Fénelon, et que municipalité et préfecture n’y étaient pas favorables, afin que la réhabilitation des sols aille le plus vite possible. En l’absence de motif juridique, la préfecture n’avait pas le pouvoir d’arrêter ce chantier, mais la société Brownfield-Speed Rehab a accepté la demande. L’APEL écrivait également dans ce compterendu que si « les acteurs publics se sont vite déclarés ouverts à des actions de communication… l’essentiel des propositions émises (retenues ou non) est venu des représentants des victimes… »
La forte mobilisation des parents, enseignants, riverains, etc. s’est traduite par la constitution d’un collectif « Zéro Toxic – Agir ensemble », qui devant l’urgence de la situation s’est vite structurée en association (créée officiellement le 20 novembre 2024), composée de différents pôles : médical, juridique, communication, etc.
« Capteurs humains de polluants »
Zéro Toxic demande l’arrêt définitif de tous les chantiers prévus sur le site – démolition ou construction – « le brassage des terres sur le site étant source de pollution avérée. » Il estime que si le chantier de réhabilitation doit être impérativement terminé pour permettre d’éliminer des sources de polluants, il ne doit reprendre qu’avec un protocole du chantier très strict : dôme de protection et filtration de l’air sous tente, permettant la protection de tous et validé par toutes les parties prenantes. A cela, entreprise et mairie répondent que ce n’est techniquement pas possible sur ce chantier…
Zéro Toxic réclame « une mise à l’abri des élèves, des enseignants et du personnel scolaire dès à présent et durant toute la durée du nettoyage du chantier ainsi que durant la phase ultime de réhabilitation avec la fermeture des établissements scolaires avoisinant le chantier et la relocalisation des élèves et des cours (ou a minima des cours transitoires en visio) ».
« Nous refusons que nos enfants, les enseignants, le personnel scolaire et les riverains continuent à servir un jour de plus de capteurs humains de polluants à haute toxicité », écrit l’association dans un communiqué. Celle-ci réclame aussi qu’un suivi médical de la cohorte d’enfants et d’adultes victimes des émanations soit réalisé par l’ARS.
« Reste à comprendre pourquoi et comment un tel chantier de dépollution d’une ancienne usine à gaz, dont les sols sont connus pour être parmi les plus pollués, avec des produits extrêmement dangereux, a pu être autorisé en plein centre-ville et de surcroît en mitoyenneté immédiate avec plusieurs établissements scolaires, avec des bâtiments et cours donnant directement sur le chantier. Pourquoi les riverains, directeurs d’établissements scolaires, parents, n’ont pas été informés sur les risques. Comment un tel chantier a pu se dérouler sans dôme de protection intégral avec traitement d’air… Pourquoi les différentes alertes lancées par les chefs d’établissements scolaires, les parents, les riverains n’ont été écoutées qu’au bout de nombreuses semaines jusqu’à la décision de fermeture de Fénelon le 8 novembre », écrit en substance Zéro Toxic, traduisant bien là l’état d’esprit et l’incompréhension des parents et riverains.
Zéro Toxic demande l’étude du rachat potentiel du foncier par la Ville de La Rochelle, avec le soutien éventuel de fonds verts de l’Etat pour sanctuariser le terrain. Pas du tout sûr que la mairie accède à cette demande, même si le maire concédait lors du Conseil municipal du 25 novembre qu’il pensait « que quelque chose ne s’est pas passé normalement » et disait vouloir assumer sa part d’une responsabilité collective. L’un de ses collaborateurs, qui suit de près le dossier, nous vantait encore l’ambition et la beauté de ce projet immobilier, qu’il voyait mal être abandonné après tant d’années de travail.
D’après nos informations, le maire aurait pourtant envisagé cette hypothèse, ce dont s’étonne son collaborateur…
*https://robindesbois.org/les-gazofolies-de-larochelle/
**Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques
Protocole de fin de travaux
A la suite d’une réunion qui s’est tenue le 2 décembre, outre des premières opérations de mise en sécurité du chantier prévues ce début décembre, ne présentant aucun danger spécifique, la préfecture a prévu un phasage en trois étapes pour la fin des opérations de dépollution : enlèvement des ferrailles, des tanks et des éléments ayant servi au traitement des eaux utilisées sur le chantier ; puis traitement de la dernière zone de pollution et reprise des remblais ; et enfin, travaux de nivellement.
Pour chaque phase un protocole établi par l’entreprise et la DREAL fera l’objet d’une validation par l’ARS et le centre anti-poison.
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Vos réactions
Bonjour Nathalie Vauchez. Pour compléter vos informations, sachez que les élus écologistes ont alerté dès septembre le cabinet du Maire de LaRochelle, que je suis intervenu le 7 octobre et le 25 novembre en CM sur ce sujet et que j’ai adressé un courrier d’alerte à la Préfecture le 9 octobre.
Bien cordialement
JM Soubeste
C’est honteux de voir ce qu’approuve notre Maire. Merci pour l’écologie, mais C’est VINCI!!!!!