Tourisme : que peut-on espérer de la saison 2020 ?
Vacances de Printemps éradiquées par le confinement, week-end de mai balayés par un déconfinement en pointillés… La crise sanitaire n’en finit pas d’étendre son ombre sur la belle saison. Alors que peuvent aujourd’hui attendre, redouter, espérer les professionnels du tourisme ?
Ils sont nombreux à être paralysés depuis le 15 mars : hôtels, campings et maisons d’hôtes, mais aussi cafés, restaurants, et par extension tous les commerces tirant le principal de leurs revenus du tourisme insulaire. Si l’aile de saison printanière est d’ores et déjà dans les oubliettes, la dernière prise de parole du Premier Ministre n’est guère rassurante. Le point sur la tendance, appuyée de témoignages de pros.
Des commerces ouverts mais…
Edouard Philippe l’a annoncé, les commerces de proximité pourront rouvrir leurs portes le
11 mai prochain, sous règles sanitaires. Mais sur l’Ile de Ré, nombre d’entre eux vivent déjà en temps normal et à cette heure de l’apport des visiteurs, ceux des week-ends ensoleillés et des ponts, en attendant les grandes vacances. Si la limite géographique de 100 kilomètres permettra aux Rochelais et habitants des alentours de venir s’aérer ici, les hébergements, cafés et restaurants seront toujours fermés. L’activité commerciale ne reprendra donc qu’avec lenteur. Ouverts oui mais avec quels clients ?
La saison estivale aura-t-elle lieu ?
On imagine mal les pouvoirs publics zapper la globalité de la saison touristique. Misons sur le fait qu’il y aura donc bien une saison estivale. Mais ses contours restent pour le moment très flous. Il faudra attendre la fin mai pour une décision de réouverture, sans oublier une longue liste de contraintes sanitaires que les professionnels devront mettre en place pour espérer à minima sauver partiellement la saison 2020.
En croisant les doigts pour qu’aucun grain de sable ne vienne enrayer un peu plus une machine déjà largement grippée.
Les clients seront-ils au rendez-vous ?
Ils seront quelques 18 millions à vouloir partir en vacances cet été, sous réserve de l’impact économique de la crise et d’éventuelles restrictions de congés. Si traditionnellement, 80% des touristes de France sont Français, ils sont cette année 90% à plébisciter l’hexagone pour des séjours qui seront peut-être écourtés. Mais après avoir été enfermés pendant deux mois, nos compatriotes rêvent de partir pour s’aérer.
Quant aux 9 millions environ de Français qui choisissent habituellement l’étranger comme destination estivale, c’est sur le territoire national qu’ils devront reporter leurs envies d’évasions.
Un grand besoin de réassurance
Selon une étude menée par le géant AirBnB, 97% des voyageurs 2020 seront très attentifs aux mesures de sécurité sanitaire, 84% voudront connaître le détail des protocoles mis en place et 53% attendent même des kits sanitaires. Bref, la sécurité avant tout et elle passera par la confiance. Les belles valeurs des métiers de tourisme, sens de l’hospitalité et de l’accueil, s’en trouveront revivifiées. Mais avec une charte de bonnes pratiques qui se détermine en concertation entre l’Etat et les différentes structures professionnelles et syndicales très mobilisées.
Bien imprudent celui qui s’aventurerait à faire des prédictions. Essentielle à l’économie du territoire, la venue des vacanciers est espérée avec impatience, même si de nombreux freins doivent encore être levés pour qu’ils puissent franchir le pont. Reste une valeur sûre dans ce contexte anxiogène : l’Ile de Ré elle-même et sa formidable attractivité.
Pauline Leriche Rouard
Paroles de pros
Relais Thalasso Île de Ré : Entre confiance et prudence
Pour Didier Gireau, l’annonce de fermeture a été d’une grande violence. « Un week-end très particulier se souvient-il. Il y avait alors 180 personnes dans l’hôtel, dont des clients heureux profitant d’un séjour auquel nous avons dû mettre un point final ». Si le Directeur général de Relais Thalasso L’Atalante à Sainte-Marie ne remet pas en cause cette décision, rendue nécessaire par une « situation inédite et excessive », il évoque la détresse de la profession. « Notre métier c’est l’hospitalité » poursuit-il « alors oui vraiment, ça a été très violent ». Se félicitant par ailleurs du soutien bienvenu des syndicats professionnels tel l’UMIIH, force de concertation et de proposition, Didier Gireau juge la réaction des pouvoirs publics positive ; « notre profession est écoutée », affirme-t-il.
Pour l’heure il fait avec une situation qui ne va pas à son mental de chef d’entreprise. « Nous n’avons pas envie d’être à la charge de l’Etat, d’être contraints au chômage partiel. Nous voulons pouvoir exercer notre métier ». « Alors plus vite les process sanitaires seront mis en place, mieux ce sera ».
Une charte des bonnes pratiques est en cours de rédaction afin de garantir la protection des clients mais aussi des salariés. « Il va falloir redonner de la confiance », prévient Didier Gireau « car il faut que l’envie et la passion de notre métier soit préservée, pour les soins par exemple ».
L’Après ? « Tout va dépendre de comment va se passer le déconfinement. Mais nous sommes en mesure de proposer une organisation sécuritaire avec l’ARS (Agence Régionale de Santé) et le message va être remonté au Ministère de tutelle ».
La Charente-Maritime et l’Ile de Ré sont des destinations Bien-Etre. Alors Didier Gireau s’interroge sur cet arrêté tombé la semaine dernière, validant la fermeture des piscines. « Nous sommes le seul département à avoir pris un arrêté de ce type » explique-t-il. Malheureusement, les derniers propos du Premier Ministre ont dû le décevoir.
Si les réservations se sont arrêtées depuis le 15 avril, Didier Gireau reste pourtant optimiste. « Si les gens ont du temps et de l’argent et s’il n’y a pas de retour à un mauvais scénario, je ne suis pas trop préoccupé pour le second semestre ».
« Nous avons tous les ingrédients pour rendre les gens heureux » conclut le Directeur de l’un des plus beaux établissements de l’Ile de Ré. Il avoue aussi attendre des pouvoirs publics locaux des mesures fortes pour alléger les difficultés considérables des acteurs les plus fragiles. Un soutien qui pourrait intervenir selon lui au travers « d’une taxe de séjour non reversée, d’une gratuité du pont pour les salariés et même d’une annulation de la taxe foncière ». Message transmis.
PLR
Interlude : l’Après sera aussi en 2021
Aurélien Ravet n’y va pas par quatre chemins. « Tous les indicateurs étaient au vert », résultat d’un long travail d’investissements et d’une stratégie avancée de fidélisation. « Nous étions sur une belle trajectoire et même en avance avec 10% de réservations supplémentaires par rapport à la même période l’année dernière », précise le Directeur d’exploitation du camping Sunélia Interlude au Bois-Plage. Alors bien sûr la fermeture et le confinement tombent comme une douche glacée : « pour nous mars, c’est la pire période », explique Aurélien, « le moment où la trésorerie est au plus bas car tout est en commande et les investissements lancés ». Le coup d’arrêt est brutal et sans visibilité. Aurélien met fin à toutes les périodes d’essai des saisonniers déjà en poste tandis que les salariés sous CDI (15 personnes) continuent à travailler jusqu’au 31 mars. En avril, c’est la mise en place du chômage partiel.
Depuis, Sophie son épouse passe ses journées au téléphone avec les clients et Aurélien échafaude toutes les hypothèses. Ne comptant guère sur une réouverture possible avant le début voire la mi-juillet, il est aux prises avec de nombreuses questions : les piscines ouvertes ou non ? Et quid du Spa, du restaurant, des animations estivales en soirées… ? SI la Fédération Nationale de l’Hôtellerie de Plein Air joue bien son rôle et planche sur tous ces épineux sujets, Aurélien sait à quel point redémarrer une machine comme Interlude va être complexe et d’ores et déjà restreinte à une capacité d’accueil réduite selon les directives à 1 000 personnes, en lieu et place de 2 000.
« Comment rouvrir la partie camping-caravaning par exemple », s’interroge Aurélien qui ne voit pas bien comment garantir la sécurité sanitaire dans les locaux collectifs. Il doit également prendre en compte l’aspect humain, celui du rapport prix/ prestation qui sera forcément « dégradé mais jusqu’où ?». Et quel coût en plus pour tout le matériel qui va être nécessaire, masques, gel etc. Car il y a bien sûr la responsabilité sanitaire des clients mais aussi celle du personnel.
L’Après ? Aurélien Ravet tente d’anticiper sur tous les fronts. Certes, il bénéficie de l’ordonnance du 25 mars permettant les reports de séjour à 18 mois en conservant les arrhes versées ». « Ça m’a sauvé », avoue-t-il, « mais c’est à double tranchant ». Car ce montant aura été dépensé en 2020 pour des clients à venir l’année prochaine, ne faisant que repousser l’échéance. Alors Aurélien souhaite « purger au maximum les reports de séjour sur 2020 », et regrette au passage le manque de clarté concernant la venue éventuelle d’étrangers cet été, alors qu’il n’est pas du tout sûr de pouvoir compter sur une clientèle française de report, partant en France et non ailleurs cet été. La France, « source d’incroyables richesses » pour Aurélien qui regrette l’absence d’une « vision globale sur le tourisme au plus haut niveau ». « Le tourisme et la culture sont comme toujours en tant de crise les grands oubliés. Pourtant, il va bien falloir se rendre compte que toute la chaîne est par là impactée ».
Sa satisfaction actuelle, Aurélien la tire de ses clients, deux à trois réservations par jour et de nombreux témoignages de la confiance accordée à sa structure.
La confiance sera en effet déterminante et qualité de la relation client le plus sûr atour pour demain.
PLR
Camping Les Baleines : entre espoir et incertitude
Trois questions à Bastien Trouvé, directeur du camping Les Baleines, à Saint-Clément.
Ré à la Hune : A la veille du déconfinement, comment envisagez-vous les semaines et les mois à venir ?
Bastien Trouvé : Nous avons encore un peu de travail, nous finissons de préparer le camping pour qu’il soit complètement opérationnel dès la première semaine de mai. Tout en sachant que nous ignorons encore à quel moment nous pourrons ouvrir … Selon les bruits de couloir, une ouverture généralisée des établissements de plein-air pourrait avoir lieu à la mi-juin, mais cela reste peu probable. Nous sommes dans l’espérance… car nous n’avons qu’une envie, bien sûr, celle d’ouvir ! Ceci dit, nous allons mettre l’ensemble de nos collaborateurs au chômage partiel à partir du début du mois de mai.
Selon vous, quelle sera la tendance de cette saison 2020 ?
C’est difficile à dire. Pour nous, le principal problème demeure la fréquentation des sanitaires collectifs. Nous allons sans doute pouvoir ouvrir, mais sous quelles conditions ? Pour les hébergements locatifs, les mobilhomes, cela ne pose pas de problème, en revanche, pour les emplacements nus, c’est la grande inconnue. Peut-être des mesures seront prises pour limiter la densité de campeurs ? Nos représentants fédéraux (Fédération d’hôtellerie de plein air) travaillent actuellement en lien avec les services de l’Etat afin de mettre en place un cadre règlementaire quant au nettoyage et à la désinfection des hébergements locatifs voire des sanitaires collectifs. Nous n’en savons pas davantage.
Le député Didier Quentin demande un prolongement des vacances d’été. Qu’en pensez-vous ?
Pourquoi pas, c’est une idée plutôt séduisante. Avec le Tour de France qui devrait se dérouler fin août / début septembre c’est d’autant plus intéressant (le maintien de la grande boucle demeure compromis cette année NDRL). Le mois de septembre est déjà devenu un mois intéressant pour nous, grâce aux étrangers. Seulement, les étrangers ne viendront pas cette année. En revanche, les personnes qui reprennent le travail en ce mois de mai n’auront pas tous de vacances cet été et partiront peut-être en septembre … sauf en cas de deuxième vague du virus à cette période ! Cette situation paraît tellement iréelle que l’on finit par l’oublier au quotidien. En d’autres termes, je n’envisage même pas que le camping ne puisse pas ouvrir cette année, alors qu’il s’agit pourtant d’une possibilité. Pour l’instant nous n’y pensons pas et pour être tout à fait honnête, nous ne sommes pas prêts psychologiquement à une éventuelle non-ouverture.
Propos recueillis par Aurélie Cornec
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