- Environnement & Patrimoine
- Les Portes en Ré
Tivolis en espace naturel classé : Ré Nature Environnement réagit vivement
L’installation de plusieurs tivolis sur le petit port des Portes-en-Ré, en bordure de la Réserve naturelle ornithologique de Lilleau des Niges, a fait bondir Ré Nature Environnement. Et réagir beaucoup de monde, notamment sur la page Facebook Ré à la Hune, sur laquelle nous avons aussi publié un communiqué d’Alain Pochon, Maire des Portes-en-Ré. Les infractions potentielles seraient nombreuses.
Le président, Dominique Chevillon, et le Conseil d’Administration de Ré Nature Environnement, soutenus par Nature Environnement 17, ont saisi les services de l’État et l’Inspection des sites notamment, ainsi que le Service Environnement de la Communauté de Communes et le Conservatoire du Littoral. Un constat d’huissier a été fait et une main courante a aussi été déposée en gendarmerie vendredi 15 juillet, par Dominique Chevillon.
L’ancienne décharge arasée
L’arasement d’une partie du sol avait mis la puce à l’oreille de Ré Nature Environnement dès le mois de juin. Dans un mail daté du 3 juillet, Dominique Chevillon interpellait le Maire des Portes en ces termes : « A l’occasion d’une visite à la maison du Fier le 27 juin dernier, j’ai pu vérifier ce que des membres de l’association Ré Nature Environnement m’avaient indiqué. A côté du joli petit port proche de la Maison du Fier l’arasement d’une ancienne “décharge” d’ordures ménagères a été réalisé après enlèvement de la végétation. Une ”levée de sable“ était visible à cette date et on peut voir que la surface du terrain arasé est constellée de petits morceaux de plastique des sacs poubelles et de déchets qui correspondent aux ordures ménagères et dépôts divers qui existent sous cette surface. Le vent a commencé à disséminer ces plastiques dans la nature. L’origine du sable (sable de plage, sable de chantier ?) présent pose question sur son usage futur. En d’autres termes, que va-t-il se faire dans ses lieux ? Sachant que l’on est ici en site classé au titre des paysages (loi de 1930) et que tous les aménagements sont soumis à déclaration à la Préfecture (DDTM) pour autorisation. De même que les usages pour s’assurer qu’ils n’ont pas de conséquences sur les sites classés. Indépendamment des travaux qui sont envisagés et de leur autorisation, il me semble que l’arasement réalisé libère des micro-plastiques près et dans la Réserve Naturelle Nationale. Je souhaitais vous en informer. »
Mail auquel le Maire des Portes a répondu le 12 juillet en fin de journée, après que n’éclate l’affaire : « Concernant ces parcelles cadastrées ZK 0001 et ZV 0019 appartenant à la commune des Portes-en-Ré, je tiens à vous apporter les précisions suivantes : Le site a été nivelé une première fois en 2021, à l’occasion du Festibal organisé par l’association Réjouir ; l’association avait alors nettoyé le terrain pour y produire un spectacle équestre (installation de gradins et d’un manège ouvert). Par la suite, la commune a constaté la résurgence de déchets divers provenant de l’ancienne décharge municipale. Un apport de sable a permis de combler le site et de lui rendre un aspect visuel présentable.
Je vous précise enfin que l’installation éphémère installée actuellement sur ces parcelles (tivolis) n’a pas vocation à perdurer et sera démantelée à l’issue de la manifestation, soit le lundi 18 juillet. »
Plusieurs infractions potentielles
Dominique Chevillon commentait dès le 12 juillet midi : « Depuis une dizaine de jours et surtout depuis hier où cette installation est en cours nous avons eu de nombreux appels d’adhérents et d’usagers de la piste cyclable qui passent à quelques mètres de ces tivolis. Les gens ne comprennent pas cette violation caractérisée d’un site classé, par des usagers privés. »
« En 2019, durant l’été, plusieurs dizaines de manifestations de type mariages, baptêmes, anniversaires avaient été organisés dans les espaces naturels classés de l’île de Ré. Les communes de l’île y avaient mis un coup d’arrêt compte tenu de l’interdiction de ce type de manifestation en sites classés, mais aussi des risques de pollution plastique et d’incendies notamment. L’usage des feux d’artifices, les mégots de cigarettes contribuant classiquement aux incendies… Cette installation dans un lieu très passager où des milliers de cyclistes vont passer lors de ce grand week-end du 14 juillet est un très mauvais signal donné dans un site classé prestigieux.»
« Il faudra par ailleurs savoir aussi d’où vient le sable qui aurait fait l’objet de seize rotations de camion. Si c’est du sable de dune, ce que nous pensons par sa granulométrie et les aiguilles de pins qu’on y trouve, d’autres infractions pourraient être caractérisées…
Les associations de protection de la Nature contactées envisagent de déposer une plainte contre l’organisatrice, l’entreprise et les usagers de ces tivolis, si cette installation se poursuit. Tous les résidents permanents et élus de l’île de Ré savent bien que c’est interdit. Ils doivent d’ailleurs pour toute intervention ou tous travaux demander une autorisation à la Préfecture. »
Le Maire des Portes, Alain Pochon, a répondu très rapidement au post sur notre page Facebook Ré à la Hune, dès le 12 juillet, via un mail, que nous avons immédiatement publié : « Je vous informe suite à la mise en place du barnum au Vieux-Port pour effectuer un mariage ce samedi. Celui-ci a été installé sur l’ancienne déchetterie, la parcelle a été nivelée en partie l’année précédente par l’association réjouir pour le Festibal (mise en place de tribunes et de sable pour effectuer un spectacle équestre sans demande particulière).
A ce jour un Tivoli a été installé pour effectuer un mariage, et non pas, comme on peut le lire sur certains sites, plusieurs mariages ou différentes manifestations. Il sera démonté lundi matin. Cette parcelle de l’ordre de 18 000 m² appartient à la commune, seulement 300 voire 400 m² ont été nivelés, en aucun cas nous n’avons touché au marais, en aucun cas nous n’avons détérioré l’environnement. »
Projet éphémère ou pérenne ?
Outre la valeur d’exemplarité qu’entend donner Ré Nature Environnement à ce dossier, afin de mettre à nouveau, comme en 2019, un coup d’arrêt à l’appropriation des espaces naturels pour des utilisations privées, plusieurs observateurs du dossier confirment les craintes de l’association.
L’idée d’origine de la municipalité – avant que n’éclate la polémique – était bien d’installer sur cette ancienne décharge des activités pour les jeunes du village et certaines manifestations festives. Le site étant à l’écart du village, cela permettait d’éloigner les nuisances sonores. Sauf que pour cela une autorisation aurait été nécessaire.
Dans ce dossier, plusieurs infractions sont relevées. Tout d’abord, le décapage du sol, réalisé dès le 3 juillet et la coupe de la végétation sauvage. L’ancienne décharge (lire encadré) de compost avait été recouverte de boue, afin que les déchets restent enfouis. Celle-ci a été enlevée avant d’araser le sol, de nombreux plastiques ont commencé à réapparaître et les observateurs craignent que nombre de déchets refassent surface et se dispersent ainsi désormais dans les espaces naturels.
Autre infraction potentielle : le sable apporté, dont l’origine reste à confirmer – via une facture – par l’entrepreneur ayant fait les travaux. « On verra s’il est capable de produire une facture », fulmine Dominique Chevillon, convaincu que ce sable a été prélevé sur l’une des dunes des Portes-en-Ré, ce qui serait une autre violation caractérisée de la réglementation. L’implantation de tivolis, détérioration visuelle, sans autorisation, constitue une autre infraction. Surtout qu’elle s’étale sur dix jours. Ré Nature Environnement craint aussi les risques d’incendie. « Nous n’avons pas le choix, nous ne pouvons faire autrement que de réagir, ou alors c’est la porte ouverte à la transformation de l’île de Ré en grand barnum. » La location de ce site, sans autorisation, constituerait une autre infraction.
Afin de se justifier, les acteurs de ce couac ont essayé d’invoquer les quelques manifestations ayant lieu dans le hangar de la LPO. « Elles se déroulent à l’intérieur, le propriétaire des murs doit faire une ou deux fois par an un évènement privé, mais il est chez lui et reste à l’intérieur », rétorque Dominique Chevillon. Des lecteurs, sur les réseaux sociaux, ont évoqué le chapiteau de la Java des Baleines, à Saint-Clément. « La Java a une autorisation temporaire pour trois mois, en bonne et due forme, émanant de la préfecture », rappelle là encore le président de l’association naturaliste. Enfin, les anciens tivolis déployés au Fort la Prée il y a plus de dix ans, notamment par Le Richelieu, pour y organiser des mariages et autres évènements, ont aussi été évoqués. « Même Léon Gendre a été obligé d’arrêter ces tivolis, vous pensez bien que s’il y avait eu une possibilité réglementaire il aurait été au courant. »
Interrogé par Ré à la Hune, le président de la Communauté de Communes, Lionel Quillet, confirme qu’il a été saisi, que toutefois cela ne relève pas de la compétence intercommunale mais bien de la DREAL. Il n’entend pas intervenir dans ce dossier, même si l’on suppose que, grand connaisseur des réglementations en espace naturel protégé, il a essayé de dissuader le Maire des Portes de persister dans ce projet de « site d’animation ».
Une fois de plus, de façon très caricaturale en ce début d’été, l’île de Ré se retrouve confrontée à son éternel dilemme : trouver le juste milieu entre les contraintes engendrées par une « grande réserve naturelle » au sein de laquelle toute activité humaine est hyper réglementée, au risque de paralyser l’économie et la vie sociale, et laisser partir à vau-l’eau l’appropriation à des fins privées et de façon erratique des espaces naturels, au risque de dénaturer l’île de Ré, et in fine lui faire perdre son attractivité environnementale… et donc touristique.
Les déchetteries des années 2000
En 2002, les services de la préfecture avaient autorisé à titre exceptionnel d’étendre le compost débordant de l’ancienne déchetterie du Bois-Plage (actuel centre de transfert) sur plusieurs sites naturels, dont celui des Portes-en-Ré. Le compost ainsi étalé avait été recouvert de vase, afin de s’assurer du bon enterrement des déchets.
Ce compost étalé aux Portes, La Couarde, le Bois-Plage et recouvert de vase, était alors légal, décidé par la préfecture. Il faudra encore plusieurs dizaines d’années pour qu’il soit totalement absorbé. L’arasement du sol de l’ancienne déchetterie des Portes risque aujourd’hui de faire ressortir les éléments de ce compost.
Lire aussi
-
Environnement & Patrimoine
L’île de Ré et La Rochelle, un destin lié… jusque dans les commémorations
Dans le cadre des 400 ans des guerres de religion, la Communauté de communes de l’île de Ré, la ville de La Rochelle et La Rochelle Université organisent un colloque scientifique, ouvert au grand public, du 27 au 29 novembre.
-
Environnement & Patrimoine
AlimenTerre, engagé pour une alimentation éthique
Les 25 et 26 novembre, le festival AlimenTerre se tiendra sur l’île de Ré. Trois projections documentaires suivies de temps d’échange sont programmées à La Maline. Présentation avec l’un des co-organisateurs sur l’île de Ré de ce festival international, Geoffroy Maincent.
-
Environnement & Patrimoine
Grand Port Maritime : MAT-Ré reste vigilante
Après avoir été longtemps isolée, l’association rétaise entretient désormais des relations avec la gouvernance portuaire, avec les autres associations et élargit ses sujets de vigilance.
Je souhaite réagir à cet article