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Sur scène, des femmes tiennent bon la barre
Le 15 novembre dernier, la salle polyvalente de Bois-Plage accueillait Le Procès de Bobigny - 1972, une pièce historique et militante pour le droit à l’avortement. Une représentation magnifiquement portée par la troupe du Pavé, une bande de comédiens amateurs très engagés dans la lutte pour les droits des femmes
Une fois n’est pas coutume, c’est l’histoire d’une pièce qui débute sur un coup de théâtre. D’habitude c’est l’inverse. Mais pour découvrir cette surprenante entrée en matière, ne comptez pas sur nous : il faudra assister à l’une des représentations du Procès de Bobigny – 1972. Ce vendredi de la mi-novembre, dans la salle polyvalente de Bois-Plage, plus d’une centaine de personnes ont bravé les premiers frimas de l’hiver pour découvrir ce huis-clos signé Sophie et Basile Ader, deux avocats parisiens qui ont fait de l’adaptation au théâtre des plus grands procès de l’Histoire leur marotte absolue.
Ce soir, il est question de vérité historique, de loi anti-avortement et de droits des femmes. Trois d’entre elles prennent place sur le banc des accusés. L’une, Micheline Bambuck, est avorteuse clandestine – à l’époque, on appelait ces femmes « les faiseuses d’ange » – la seconde, Renée Sausset, est l’une des intermédiaires de cette affaire. Enfin la troisième femme, Michèle Chevalier, est la mère de la jeune fille mineure ayant eu recours à un avortement illégal. Régulièrement appelé « le procès de Bobigny », voilà donc ni plus ni moins que l’un des plus grands virages pris par la justice française en matière de droit des femmes, préfigurant et annonçant le discours de Simone Veil du 26 novembre 1974 à l’Assemblée nationale pour la loi sur l’Interruption Volontaire de Grossesse, il y a pile cinquante ans. À travers ces trois femmes, voilà donc ici raconté l’un des derniers procès de l’avortement clandestin, retourné de main de maître par la réthorique impitoyable et acharnée de l’avocate de la défense, Gisèle Halimi, qui décide de transformer ce procès en un autre, le seul finalement qui vaille : celui d’une loi inappliquée parce qu’inapplicable.
Un public conquis
Sur la scène de la salle polyvalente de Bois-Plage se succèdent ainsi, inspirés et virevoltants, les comédiens amateurs de la troupe du Pavé, compagnie créée en 2017 par Florence Absolu, la metteure en scène de toutes les créations (en 2018, Les Monologues du vagin, en tournée dans la Charente-Maritime, c’était elle, déjà). Dans la « vraie vie », ils sont infirmière, psychologue, retraité ou ex-gendarme. Pour certains, comme Clément Viaud qui joue le substitut du procureur, c’est la première fois qu’ils se présentent sur une scène, à dire un texte à haute voix devant un public. Ça ne se sent même pas, la fraîcheur et le naturel des comédiens emporte tout. À la barre, sur la scène, les témoins de l’époque aux noms illustres se suivent et ne se ressemblent pas : les actrices Françoise Fabian ou Delphine Seyrig, toutes deux signataires du « Manifeste des 343 salopes » publié à l’époque dans le Nouvel observateur, reconnaissant avoir eu recours au moins une fois à un avortement clandestin, l’intellectuelle Simone de Beauvoir, le jeune politique Michel Rocard, la militante Simone Iff, à l’origine du Manifeste… Tous ont pourtant un point commun, la même intime conviction et la même foi en ce qui va suivre : il ne peut y avoir d’autre verdict que l’acquittement pour ces trois femmes.
Star sans doute un peu malgré elle de ce procès, Gisèle Halimi est jouée avec passion et tempérament par Estelle Callard, régionale de l’étape et Martinaise de naissance. Comment entre-t-on dans la peau de Gisèle Halimi ? Comment habite-t-on un personnage avec cette étoffe et cette dimension ? « Ça n’était pas un rôle simple, reconnaît Estelle Callard, parce qu’il y a un enjeu très fort derrière. Il faut être à la hauteur de ce qu’était Gisèle Halimi et de ce qu’elle a fait pour faire avancer les droits des femmes dans ce pays. L’idée n’était pas de la copier non plus. C’est pour cela qu’au début des répétitions, je n’ai pas trop regardé de séquences d’elle, pour ne pas être influencée. Par la suite, j’ai vu énormément d’archives télé, et ça m’a beaucoup servi pour corriger, affiner certaines choses… »
Dans la salle, le public est conquis, applaudit à certaines joutes verbales entre le juge et les avocats de la défense, attend avec impatience les plaidoiries. Elles arrivent enfin, comme dans toute bonne histoire de procès qui se respecte. Et on n’est déçu ni par les envolées lyriques, ni par le résultat. Même si le verdict est connu d’avance, l’important ne se jouant évidemment pas là.
Les mots de la fin ? Peut-être ceux d’un homme allez, l’un des rares courageux appelés à témoigner de l’absurdité de cette loi dans ce procès qui fera date : le professeur Jacques Monod, biologiste français, prix Nobel de physiologie en 1965, et militant pour l’avortement. Alors qu’il est passé à la question par le président du tribunal, le pr. Monod – magistralement incarné ce soir-là par Jean-Marc Truffet – aura cette phrase : « Le droit de refuser la vie appartient à la seule personne habilitée à la donner, c’est-à-dire à la mère. » Dans la salle, à cet instant-là, on pouvait entendre une mouche voler.
Le Procès de Bobigny – 1972
Prochaine représentation sur l’île de Ré le 22 février 2025 à La Flotte, salle de la base nautique.
Prévente des billets à l’Intermarché de La Flotte ou au 06.08.09.78.13. Tarif unique : 10 € (l’intégralité de la vente est au profit de la lutte contre les violences faites aux femmes, et intégralement reversée à la CIDFF 17, le Centre d’Information sur les Droits des Femme et Familles).
Mais aussi : du 7 au 9 mars à La Comédie, à La Rochelle (pour toutes les autres dates de la région, consulter Facebook ou Instagram).
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