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« Submersions marines, faire face à un défi majeur »
Pour la 10ème édition des Tribunes de l’Innovation de Charente-Maritime, six ans après la tempête Xynthia et en écho au Plan Digues du Département, des spécialistes des submersions marines étaient réunis, le 1er avril, à La Rochelle, sous la présidence de Lionel Quillet, vice-président du Département et président de la Mission Littoral.
Lionel Quillet a rappelé en introduction qu’ « en Charente- Maritime, depuis Xynthia, 150 millions de travaux d’argent public ont déjà été investis pour la protection contre les submersions marines, ce qui place le département très en pointe sur le risque submersion… Ceci étant, en France, nous avons beaucoup de retard alors que les enjeux sont importants. Des choix stratégiques et techniques sont faits : sont-ils adaptés ? Il est temps de s’interroger sur ce qui se fait ailleurs. »
Quand l’Histoire éclaire le présent…
Frédéric Surville, dans son travail d’historien, a pu constituer un inventaire des quelques 50 submersions marines qu’a connues notre littoral, ce qui permet d’établir des comparaisons avec les épisodes récents. Outre les submersions liées aux tempêtes, il recense trois submersions liées, vraisemblablement, à des phénomènes de type tsunami et une à un tremblement de terre à Noirmoutier. Il est difficile, toutefois, d’apprécier la réelle gravité de ces évènements, en raison des descriptions souvent imprécises et tout à fait relatives qui figurent dans les pièces de mémoire.
Une aide à la décision
Didier Rihouey a expliqué que le risque peut être défini comme le résultat de la combinaison d’un ou plusieurs aléas et des enjeux. Or, les modèles atmosphériques actuels permettent de rejouer les tempêtes passées pour apprécier la saisonnalité de tels évènements.
Il a cité le travail réalisé à Valras- Plage, sur la côte languedocienne, où des caméras permettent de suivre le trait de côte, les surcotes de tempête, l’efficacité des ouvrages, de même que la fréquentation des plages. Dans ce cas précis, le croisement aléas/enjeux montre que si l’on veut préserver l’activité touristique liée à la plage, il y a urgence à intervenir avant 2024. Les préconisations sont de démolir l’épi actuel et de construire un nouveau brise-lames pour préserver une largeur de plage suffisante.
Didier Rihouey a évoqué encore le cas de la station balnéaire d’Anglet, sur la Côte Basque, située en zone fortement exposée aux rouleaux océaniques. En croisant les aléas avec la fréquentation, on a pu établir une spatialisation du front de mer qui doit permettre aux élus de prendre la décision de fermer ou de réouvrir les établissements de la zone.
Quelles attitudes, ailleurs, face aux risques de submersion ?
Dr Jentsje Van Der Meer a indiqué qu’aux Pays-Bas, on prévoit des protections pour des tempêtes de période de retour à 10000 ans. Il faut savoir que, depuis les inondations de 1953 (1800 victimes) et jusqu’en 1984, les Pays- Bas ont investi 1.5 milliard d’euros par an avec le Plan DELTA et, depuis 1984, pour assurer l’entretien des digues et leur surélévation, c’est 0.5 à 1 milliard qui est dépensé, chaque année. Il existe, dans ce pays, une Autorité de l’Eau qui fait les travaux ; l’Etat et le Gouvernement sont responsables de la protection des habitants, lesquels sont aussi responsables de leur propre sécurité…
Aux USA, l’ouragan Sandy qu’a subi New York, en 2012 était annoncé mais rien n’avait été fait pour se protéger. L’attitude est plutôt fataliste : reconstruire après la tempête et pour résister à une tempête centennale, pas plus.
En France, on est face à l’implication de l’Etat contre les submersions et tout un « mille-feuilles » de responsabilités, au niveau des collectivités locales.
Dr Jentsje Van Der Meer a cité quelques solutions innovantes déployées contre les submersions : dans le cadre du Plan SIGMA (Pays-Bas) sur 67 km, des bâtiments résidentiels ont été construits sur la digue, ce qui permet de rentabiliser une partie du coût de celle-ci ou encore un parking couvert sous la digue à Scheveningen (Pays-bas) ; des constructions résidentielles, aussi, sur la digue, en Belgique, renforcées par des protections amovibles de type barrières ; doubles protections avec une première digue plus basse ; installation de maisons flottantes (Pays-Bas), en zones rétrolittorales non exposées aux vagues.
La politique de la France face au risque de submersion
« En France, en 2011, on ne parlait que repli stratégique ; 5 ans plus tard, il n’y a plus un mot de cette stratégie. Le coût du repli stratégique est plus élevé que la défense de l’existant et cette solution n’est pas du tout organisée d’un point de vue juridique » a expliqué Lionel Quillet. Et de poursuivre, par allusion à la Loi Gemapi, en regrettant qu’en France, face au risque, on soit dans la doctrine du « qui est responsable ? » plutôt que dans la recherche de solutions. Historiquement, les digues n’ont jamais appartenu à quiconque ; une loi de 1807 pose que la responsabilité de la digue appartient à « celui qui en jouit. » Or, la Loi Gemapi ne fait qu’ajouter à la difficulté en prévoyant le transfert des responsabilités aux collectivités locales, en matière de risques et de submersions, à compter de 2018.
A l’heure actuelle, la Charente-Maritime est le seul département à être maître d’ouvrage en matière de submersion marine. Comment cela se passera-t-il, à partir de 2018, quand ce ne sera plus le cas ? « Il va falloir trouver d’autres solutions, un cadre de lois beaucoup plus avancé que la Loi Gemapi…» avertit Lionel Quillet, qui enchaîne, pessimiste, qu’il voit, en cela, peu de chances de réalisation et qu’il faudra, malheureusement, un autre évènement dramatique pour faire évoluer. « Nous avons beaucoup de retard alors que les enjeux sont importants : les protections marines ne sont pas une préoccupation de l’Etat. Il y a 50 milliards de projets à faire. Personne ne veut prendre ses responsabilités. Espérons qu’avec le temps, tous ensemble, on aboutisse… »
Les intervenants
– Didier Rihouey, expert en risques littoraux, Président fondateur de CASAGEC INGENIERIE, bureau d’études spécialisé en océanographie et en génie côtier.
– Frédéric Surville, médecin à La Rochelle qui a découvert et publié le journal de Jacob Lambertz, un négociant rochelais vivant au 18ème siècle qui a tenu un relevé rigoureux des évènements climatiques sur la période 1788-1801. Frédéric Surville est l’un des animateurs du groupe de travail pour la création, à La Rochelle, d’un Espace Climat, Océan, Littoral, en concertation avec les collectivités territoriales.
– Dr Jentsje Van Der Meer, Directeur d’une société de conseil, aux Pays Bas, Professeur sur les structures côtières et les ports à l’UNESCO- IHE* de Delft, expert de renommée mondiale dans l’évaluation, la conception et l’essai des brise-lames et des structures côtières, notamment.
* L’UNESCO- IHE est le plus grand institut d’éducation scientifique relative à l’eau dans le monde.
Voir la situation du plan de prévention des risques littoraux (PPRL) de l’île de Ré
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