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Une stratégie de défense en cours d’élaboration
A la suite du Comité de pilotage de révision du PPRL de l’île de Ré du 6 novembre 2014, les 10 Maires de l’île de Ré ont adressé mardi 25 novembre – comme Lionel Quillet l’avait annoncé en conseil communautaire du 20 novembre – un courrier à la Préfète, Béatrice Abollivier, avec copie à la Directrice de cabinet du Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, ainsi qu’à la Préfète de Région Poitou-Charentes.
« Les cartes d’aléas long terme à Xynthia + 60 cm servent à définir les prescriptions d’urbanisme et régissent ainsi de facto la constructibilité. »
Outre le fait qu’ils s’étonnent que les cartes d’aléas long terme à Xynthia + 60 cm ne leur aient pas été présentées alors que ce sont ces cartes qui servent à définir les prescriptions d’urbanisme dans les zones constructibles dont les périmètres sont définis par les cartes Xynthia + 20 cm, ils contestent la valeur réglementaire des documents du porter à connaissance qui « s’inscrivent dans une simple phase préparatoire à la révision du PPRN de 2002, révision qui n’a pas encore été prescrite. Autrement dit, jusqu’à l’adoption du PPRN révisé, les documents – qui sont susceptibles entretemps d’évolutions et de modifications – revêtent un caractère strictement « informatif », conformément aux dispositions de l’article L.121-2 du Code de l’urbanisme ».
Les « informations » portées ainsi à notre connaissance s’ajoutent à celles dont nous disposons déjà pour apprécier, sur le fondement de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme, l’exposition aux risques naturels des projets qui nous sont présentés, notamment les études réalisées, à la demande de la Communauté de Communes de l’Ile de Ré, par le groupe d’experts CASAGEC Ingénierie – VAN DER MEER Consulting”.
« De graves et importantes difficultés »
Les dix Maires pointent du doigt les “graves et importantes difficultés” posées par cette situation. En effet, “les études CASAGEC Ingénierie – VAN DER MEER Consulting ont mis en évidence l’existence de données erronées ou incohérentes dans les documents élaborés par les Services de l’Etat”, pour lesquelles la CdC de l’île de Ré a fait de nombreuses demandes de prise en compte auprès de la Direction générale de la prévention des risques du Ministère de l’écologie, sans être entendue.
Par ailleurs, les élus rappellent dans ce courrier leurs principaux points de contestation, relatifs à l’emprise de la carte de submersion, identique en tous points à celle de la carte d’aléa naturel et qui fait totalement abstraction de l’existence d’ouvrages de protection sur le littoral (les 30 millions d’euros de travaux post-Xynthia) contrairement au principe de réalisme prévu dans la Circulaire du 27 juillet 2011 ; le niveau de la cote sur la partie maritime incohérent sur l’ensemble des cartes, les hauteurs d’eau retenues ne correspondant ni aux valeurs scientifiques issues du retour expérience Xynthia ni aux propres résultats présentés par les Services de l’Etat en juin 2013 ; les hypothèses relatives au nombre de brèches retenues par l’Etat dans la modélisation, qui ne respectent pas la réalité de Xynthia.
« L’Etat n’est pas la loi, il n’en est que le cadre »
Les élus reviennent sur les décisions du 23 octobre 2014 rendues par le Tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté les déférés de l’Etat (contre la Commune des Portes en Ré) présentés sur le fondement de l’article R111-2 du Code de l’urbanisme, du fait que l’inondabilité des terrains des projets concernés n’était pas “historiquement ou scientifiquement” établie. Ils annoncent ainsi que “c’est dans ce cadre, rappelé par le juge, que nous nous efforcerons de statuer sur les demandes d’autorisations d’urbanisme qui nous seront présentées ». Enfin, ils font part à la Préfète de leur attente de “l’arrêté prescrivant la révision du PPRN de 2002 et précisant les modalités de la concertation à venir”.
Un nouveau jugement très intéressant pour l’île de Ré
« La circulaire du 27 juillet 2011 n’a pas de valeur réglementaire selon le juge ».
Depuis cette lettre, un nouveau jugement rendu par le Tribunal administratif de Poitiers en date du 27 novembre 2014 apporte encore de l’eau au moulin des élus rétais. Celui-ci rejette le déféré préfectoral concernant une nouvelle maison d’habitation à La Patache sur la commune des Portes, et est particulièrement intéressant pour trois raisons : pour une fois, le Tribunal accepte de prendre en compte les travaux sur les ouvrages de protection devant être réalisés en 2016, de plus il reconnaît expressément que la circulaire du 27 juillet 2011 n’a pas de valeur réglementaire, enfin il stipule qu’en tout état de cause, ladite circulaire ne peut interdire toute construction derrière les ouvrages de protection.
Par ailleurs, en date du 3 décembre les élus ont enfin reçu l’arrêté de révision du PPRL de 2002. Pour Lionel Quillet, cela signifie que « l’on rentre enfin dans la procédure, et que l’on a jusqu’à la fin 2017 pour bâtir un nouveau PPRL solide et responsable. Toutefois, il faut être conscient que l’année 2015 sera difficile, car tant que le transfert de la compétence GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) n’entrera pas en vigueur, l’Etat, qui ne veut être responsable de rien, se défendra, et madame la préfète poursuivra sa mission, qui est de faire appliquer la doctrine du Xynthia + 60 cm ».
Quand on reparle des droits de mitigation
«Par les mesures de mitigation, l’Etat impose aux occupants d’une habitation en zone à risque d’investir 10 % de la valeur vénale du bien en mesures de prévention. »
Les deux réunions publiques de présentation par la Préfète des cartes d’aléas de l’Etat des 9 décembre à Ars en Ré et 15 décembre au Bois-Plage ne devraient pas changer fondamentalement la donne, malgré les manifestations de Rétais excédés et extrêmement inquiets. Et ce n’est pas l’annonce des droits de mitigation, évoqués par Maître Février en réunion publique du 22 novembre 2013 et présentés dans Ré à la Hune et sur ww.realahune.fr dès cette date, que la Préfète risque fort d’évoquer en réunion publique qui sera de nature à calmer le jeu. En effet, suivant l’article L 562-1 du Code de l’Environnement, dans les zones de digues et selon le principe de précaution l’Etat fixe des mesures à la charge des propriétaires de constructions existantes, dites « mesures de mitigation ». Elles existent depuis 20 ans mais n’ont pas encore été mises en oeuvre. Toutefois elles risquent fort de l’être avec l’arrivée de la seconde génération des PPRL. Par ces mesures, l’Etat impose aux propriétaires et aux locataires l’obligation de dépenser 10 % de la valeur vénale de l’immeuble en mesures de prévention : création d’un niveau hors d’eau, mise en place de batardeaux, mise en sécurité du réseau électrique, matérialisation des piscines, ancrage des cuves de gaz… Propriétaires ou locataires – selon le côté où on se situe – ont tout intérêt à bien “verrouiller” leurs baux de location. Ils doivent réaliser un audit/autodiagnostic puis ont l’obligation de mettre en place des mesures prévues dans le catalogue PPRL.
La lettre commune des deux Députés Dominique Bussereau (UMP) et Olivier Falorni (apparenté PRG) qu’ils devraient présenter à l’Assemblée Nationale entre le 8 et le 19 décembre, encore en cours de rédaction à l’heure où nous bouclons, aura pour objectif de sensibiliser les Députés et le Gouvernement à l’urgente nécessité de revoir la circulaire du 27 juillet 2011 et la doctrine maximaliste de l’Etat. Les élus rétais à ce stade sont assez fatalistes pour le court terme et ne croient pas que cela suffira à faire bouger les lignes avant le dernier trimestre 2015 et le transfert de la responsabilité juridique vers les élus locaux.
Des élus responsables et des Rétais dignes
C’est le sens du message qu’ils ont délivré lors de la réunion qu’ils ont chacun tenue dans leur commune, devant des salles pleines, et qui se sont toutes déroulées avec un grand sens des responsabilités de la part des Maires et une grande dignité des Rétais, pourtant très inquiets comme peuvent en témoigner les nombreuses questions posées depuis La Couarde jusqu’aux Portes en Ré.
Certes les avocats chargés de mener une contre-expertise juridique pour le compte de la CdC afin d’élaborer une stratégie de résistance efficace évoquent le principe de proportionnalité qui pourrait prévaloir en cas de contrôle de constitutionnalité, puisque l’Etat dévoie à son seul profit le principe de précaution et applique de façon maximaliste une circulaire qui n’est rien d’autre qu’une « grosse note de service » selon les termes de Lionel Quillet.
Un impact psychologique dévastateur à court terme
Certes, les professionnels et les particuliers disposeront gratuitement des 1200 pages d’études et des cartes d’aléas élaborées par les experts pour le compte de la CdC, pour se défendre devant le juge à chaque fois que l’Etat défèrera un permis. Même si Lionel Quillet ne pense pas qu’au vu des premières jurisprudences ce dernier puisse monter systématiquement au créneau et qu’il devra sélectionner ses actions par devant le Tribunal administratif, cette menace juridique latente hypothèque bon nombre de projets personnels et professionnels sur l’île de Ré, sans compter que beaucoup n’auront pas les moyens d’assumer les frais d’avocat.
Déjà des professionnels ont annoncé dans le meilleur des cas leur départ sur La Rochelle, et dans le pire des cas des licenciements voire des liquidations. Les Notaires ont de leur côté à gérer des situations inextricables, l’administration fiscale n’intégrant en outre pas forcément la dévalorisation potentielle des patrimoines qui découle de cette situation. Successions, héritages, ventes immobilières sont déjà confrontés depuis des mois à cet imbroglio juridico-fiscal.
Au-delà des faits objectifs, c’est l’impact psychologique sur les habitants, les professionnels et les résidents secondaires qui est le plus à redouter et qui pourrait gravement compromettre les équilibres de vie entre résidents permanents et secondaires, de tout un territoire.
Mais que pèse la vie économique et sociale d’une petite île de 18 000 habitants face à un enjeu qui la dépasse très largement et qui pourrait s’appeler « Raison d’Etat » ?
Voir le dossier PPRL de l’île de Ré
Voir la situation de l’île 5 ans après Xynthia
Impact de l’application des cartes issues de la doctrine de l’Etat à Xynthia + 60 cm
85 % du nord de l’île de Ré impacté
Un traitement par le Système informatique et de gestion (SIG) de la CdC des données POS numérisées et du plan cadastral informatisé associé à une numérisation des plans papier des services de l’Etat, donne une première mesure de l’impact sur le territoire rétais de l’Application des cartes issues de l’Etat à Xynthia + 60 cm.
Sur la superficie parcellaire (hors domaine public non cadastré) totale de 7961 ha de l’île de Ré, 3625 ha sont impactés soit 46 %. Le canton nord dont 3290 ha sur 3853 ha sont impactés, soit 85 %, paie le prix fort, le canton sud voyant lui 335 ha sur 4108 ha impactés, soit 8 %.
L’impact sur les parcelles en zones urbaines (20 % du SCOT) sans le domaine public non cadastré est de 40 % pour l’île de Ré, dont 81 % pour le nord (489 ha sur 606 ha) et 14 % pour le sud 87 ha sur 633 ha).
Au nord, la Couarde avec 97 % de son potentiel impacté, et Saint-Clément avec 96 % sont les plus durement touchées, les Portes payant aussi un lourd tribut de la doctrine maximaliste avec 87 % de sa superficie parcellaire en zone urbaine impactée. Ars-en-Ré avec 67 % de son potentiel construit/constructible est aussi durement touché. Au nord, seul Loix avec 35 % de son territoire cadastré impacté peut encore espérer « sauver les meubles ».
Sur le sud, ce sont tout de même 25 % du potentiel de Rivedoux et 19 % de celui de La Flotte qui sont touchés (1200 parcelles tout de même), Sainte-Marie de Ré (8 %), Saint-Martin de Ré (4 %) et le Bois-Plage (2 %) étant beaucoup plus marginalement impactés.
Trois réunions sont organisées par les Maires sur le canton sud :
– Sainte-Marie :
le 10 décembre à 18h30 à la Salle des tilleuls
– Rivedoux :
jeudi 11 à 18h30 à la Salle des Fêtes
– Saint-Martin :
le 12 décembre à 18h00, à la Salle du conseil.
Elles précèderont la réunion publique de la Préfète le 15 décembre dans la salle polyvalente du Bois-Plage à 18h, qui devrait être moins suivie que celle du canton nord qui s’est tenue le 9 décembre à Ars-en-Ré.
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