Soirée Voltige au Haras du passage : un moment suspendu

Quand les chevaux dansent, la musique a encore plus de sens.

Il y a eu « Tactus », « Tact et Tempo » puis « allure et mesure » la troisième commande de Marc Minkowski pour la traditionnelle clôture équestre de l’incontournable festival proposé par le chef d’orchestre, récemment nommé directeur général de l’Opéra de Bordeaux. Cette année, la 7ème édition de « Ré Majeure » est exceptionnellement reportée, pour autant le spectacle qui fait office de bouquet final continue de vivre et même de grandir.

Jeudi 25 mai à 20 heures les gradins installés autour de la piste du « Haras du passage » à Loix étaient en rangs serrés pour sonner le coup d’envoi du dernier opus de Chica et Manu Bigarnet.

Après vingt ans de voltige au service de Bartabas, le fleuron de la tribu « Zingaro » s’est établi sur l’île avec son épouse, pour y partager sa passion en toute liberté et créer une école où il puisse transmettre les techniques de dressage qu’il a développées au fil du temps. Dressage, le mot est d’ailleurs impropre et sonne mal pour représenter le travail de l’indomptable Manu Bigarnet. Sans doute l’expression « équitation éthologique » serait-elle mieux appropriée. Car il ne s’agit pas de dominer ni de corriger les chevaux, mais bien de les comprendre avant de leur apprendre.

Il les connaît si bien qu’il en obtient toutes les prouesses, même avec ses chevaux de trait comtois lourds qu’il affectionne particulièrement ou les deux mules, qui du reste ont prouvé leur sale caractère pour cette première représentation.

C’est un spectacle époustouflant qui nous a été donné de voir, qui bien que voulu par ses instigateurs comme un simple tour de piste, une « amusette équestre » ne peut être que le fruit d’un travail de longue haleine. Une heure d’émotion dont on ressort enrichi, un moment éblouissant servi par un homme brillant qui comme tous ceux qui sont surs de leur affaire ne saurait s’en faire valoir et plutôt que de discours, nous donne à partager son amour des chevaux, la magie de l’instant.

Équilibre, justesse et élégance

Comment décrire tant d’harmonie ? La musique d’abord, indissociable de la pédagogie portée par Manu Bigarnet, donne tout son sens à « Allure et mesure » lorsque les bêtes, en communion parfaite avec Samuel Strouk (guitariste, mais aussi compositeur, arrangeur et directeur artistique) et Olivier Lorang (clarinette et contrebasse) se mettent à danser sur le jazz manouche. Mouvements, rythmes, enchainements, tous deux habitués à un public docile, ont dû s’adapter aussi à l’instinct de ces animaux doués de sens artistique, que les applaudissements venaient troubler.

« En avant calme et droit » pourrait-être la devise du « Haras du passage » où les conseils prodigués aux deux protégés de la maison ont visiblement fait mouche.

En plus d’être délicate et gracieuse, Anne-Gaëlle Bertho, 19 ans, manie les chevaux à la baguette de fée, les fait coucher ou se dresser à sa guise selon qu’elle fait un imperceptible signe ou l’autre, du moins à nos yeux…

Kevin Ferreira quant à lui nous a réjouit de ces acrobaties, parfois très risquées mais toujours maîtrisées. Courant à côté du cheval pour prendre sa cadence, il finit par lui glisser autour, comme dans un câlin au galop à la fin duquel se trouve la route de l’équilibre.

Une relation entre l’être et l’animal qui convoque tous les sens, à se demander s’il ne vaut pas mieux ne rien chercher pour tout comprendre, et juste apprendre à recevoir. La poésie du moment induite par les quelques imprévus est venue ajouter à cette soirée montée « à cru » pour que le naturel nous enlace.

Manu Bigarnet donne des stages de formation à l’acrobatie et au dressage équestre jusqu’en septembre.

Haras du Passage

18 rue de la Genève

17 111 Loix

Informations : 06 77 77 06 55