« Savoir vivre ensemble dans un espace insulaire partagé »

L’école élémentaire de La Flotte, dirigée par Véronique Préclin, s’est portée candidate avec succès au projet « Aires Marines Educatives » (AME). Ce concept né en 2012 aux îles Marquises constitue un formidable projet pédagogique et éco-citoyen de connaissance et de protection du milieu marin par des enfants. Et de transmission.

Porté par l’Agence Française pour la Biodiversité et le Ministère de l’Education Nationale et à destination des élèves de cycle 3 (CM1, CM2, 6ème), le projet des AME est délégué aux Parcs Naturels Marins pour un soutien technique et financier. Cette année, treize écoles situées sur les communes littorales du Parc Naturel Marin de l’Estuaire de la Gironde et de la Mer des Pertuis (Onze en Charente- Maritime, deux respectivement en Gironde et Vendée) se sont intégrées au projet. Six écoles, engagées pour la 2ème ou 3ème année ont été labellisées AME en juin dernier et sept nouvelles écoles, dont l’école élémentaire publique de La Flotte ainsi que l’école privée Sainte-Catherine de La Flotte, viennent étoffer le dispositif cette année.

Qu’est-ce qu’une aire marine éducative ?

Il s’agit d’une zone maritime littorale de petite taille gérée de manière participative par les élèves et les enseignants d’une école primaire (ou classe de 6è d’un Collège). Projet pédagogique et éco-citoyen de connaissance et de protection du milieu marin par des enfants, elle les place dans une dynamique territoriale faisant appel à des expertises variées : école, commune, associations d’usagers ou de protection de l’environnement, professionnels de la mer…

Un label visant à reconnaître et mettre en valeur l’engagement des écoles est aussi garant de valeurs définies dans une charte que les porteurs de projets s’engagent à respecter. Il apporte un cadre et un accompagnement et a aussi vocation à mutualiser les expériences des écoles tout en développant un réseau d’AME. Ce label se structure autour de trois axes : « connaître la mer » via l’acquisition de connaissances scientifiques, empiriques et civiques sur le patrimoine naturel et culturel marin ; « Vivre la mer », la découvrir ainsi que ses acteurs ; « Transmettre la mer », notamment les savoirs et gestion d’un patrimoine commun.

Conseil des enfants de la mer, coopération et transmission

Il s’agit d’une démarche citoyenne où les élèves deviennent acteurs et acquièrent des compétences transdisciplinaires. Ils doivent être à l’initiative du projet et le construire eux-mêmes, bien sûr encadrés par les enseignants et accompagnateurs.

Le label est ouvert à des démarches concernant une ou plusieurs classes d’une même école travaillant de façon conjointe sur le projet pour favoriser la coopération et la transmission des savoirs entre élèves de niveaux différents, même si le cycle 3 reste au coeur de la démarche. Ainsi, les CM1-CM2 constituent le Conseil des enfants pour la mer, mènent les réflexions sur les enjeux du site et les actions à mettre en oeuvre, tandis que les élèves de cycle 2 peuvent être impliqués sur des sorties et sensibilisés sur le projet.

Une Aire marine éducative se construit et évolue au fil des années, toutefois l’année de lancement est fondamentale pour sa structuration. C’est le moment de choix du site, de structuration des espaces de décision et de gestion participative des enfants, de mise en place des collaborations avec les acteurs locaux, des premières actions…

L’enseignant doit travailler avec un référent extérieur, ayant bien sûr une expertise reconnue. Ensuite, l’action centrale et la plus structurante de la méthodologie est la mise en place du Conseil des enfants pour la mer, qui va déterminer une zone littorale maritime, et réaliser ses premières sorties sur la zone et sur des sites partenaires. Etablir un lien avec la commune concernée, pour que les enfants partagent leurs réflexions avec les élus, est fortement encouragé. S’ensuit l’élaboration collective du plan de gestion de l’AME : état des lieux, objectifs assignés à l’AME, actions concrètes er réalistes pour la mer, évaluation de celles-ci… Tout ceci se fait sur trois ans, chaque classe de cycle 3 de l’année n passant ensuite le témoin à la classe de cycle 2 arrivant en cycle 3 l’année n+1, et ainsi de suite. La transmission est centrale à la démarche.

L’école élémentaire de La Flotte démarre son projet

La directrice de l’école, Véronique Préclin, a monté le dossier dans le cadre de l’appel à projets, en pensant qu’elle aurait peut-être cette année une classe de cycle 3. C’est finalement Déborah Chevreux, nouvelle enseignante tout juste arrivée, qui va mener concrètement le projet avec sa classe de CM1/CM2, la classe de CE1/CE2 (essentiellement CE2) de Madame Préclin y étant associée sur certaines sorties et actions. Sachant que cette classe prendra la relève l’année suivante…

« Cette dimension de transmission est vraiment très intéressante, au-delà de la démarche citoyenne et environnementale, pour que chaque génération sensibilise la suivante à l’urgence à agir » explique Mme Chevreux, l’école de La Flotte ayant bien monté un projet pédagogique sur trois années autour de la thématique « Savoir vivre ensemble dans un espace insulaire partagé ». Après la sélection de la portion de littoral par les élèves, l’équipe s’est fixé comme objectifs d’amener les élèves à décrire cette zone par divers moyens : c a r t o g r aph iqu e s , observations in situ, interviews d’usagers, et à réaliser des carnets de rencontre des « habitants ».

Une éco-garde comme référent pédagogique

Dans le cadre de sa charte toute AME doit travailler avec un référent pédagogique. Le Parc Naturel Marin a suggéré à l’école de La Flotte de se rapprocher de la direction Environnement de la Communauté de Communes de l’île de Ré, particulièrement de son équipe d’éco-gardes, fine connaisseuse des espaces naturels et de l’estran rétais et des enjeux de sa préservation à laquelle elle contribue au quotidien. Référente pédagogique de l’AME de l’école publique de La Flotte (L’école Sainte Catherine ayant elle choisi le Club UNESCO de La Rochelle comme référent), l’écogarde Fabienne Le Gall a ainsi travaillé en étroite concertation avec Véronique Préclin en amont pour l’élaboration du projet, et va accompagner Déborah Chevreux dans chaque étape de sa mise en oeuvre, l’enseignante restant l’unique pilote du projet avec les enfants.

De vrais ambassadeurs de l’AME

L’année en cours 2019/2020 sera celle de la découverte de l’AME et de l’état des lieux, tandis qu’en 2020/2021 la nouvelle classe concernée découvrira l’AME, ses problématiques et élaborera des mesures. 2021/2022 sera une année de réappropriation de l’AME et de mise en oeuvre des mesures. La continuité du projet sur trois ans étant possible grâce à la transmission entre les élèves. Ainsi dès cette année, la classe de CE1/CE2 sera associée à certains temps forts de la démarche des CM1/CM2. Les liens à développer par le conseil des enfants de la mer seront nombreux : vers les collectivités (CdC, Commune de La Flotte), les scientifiques (Aquarium de La Rochelle, LIENs, TARA), les usagers de loisirs et les professionnels.

Véritables ambassadeurs de l’AME les élèves de CM1/CM2 devront développer des outils de communication en fonction du public visé (CE1/CE2, élus, grand public…) et utiliser les moyens médiatiques adaptés (Site Internet de l’école, CdC, médias locaux).

Les enfants, acteurs moteurs du projet

Le Conseil des enfants choisira la zone de son AME, qui sera à proximité de l’école, quelque part entre le port de La Flotte et le Preau, puisque l’école Sainte-Catherine travaille du côté de la plage de l’Arnérault, et les orientations que la classe souhaite donner au projet. L’équipe pédagogique a juste envisagé des orientations possibles, dépendantes des choix du Conseil des enfants de la mer. Cartographie, inventaire des « habitants » (des espèces) des zones de l’AME, travail autour du corail avec la mise en place d’un aquarium tropical de Madrépores dans la classe, travail autour du plancton, des algues, connexions avec la goëlette scientifique TARA, ou encore suivi des tortues en soin jusqu’à leur lâcher (Aquarium de La Rochelle) et suivi de leur parcours avec les balises… Autant de thématiques passionnantes, loin d’être exhaustives, qui s’offrent aux enfants qui devront en choisir une après débat au sein du Conseil des enfants de la mer, chaque début d’année.

La clé de ce projet, qui en fera une réussite, réside dans son appropriation par les enfants et l’enthousiasme qu’ils y mettront. « Ce 5 novembre nous présentons avec Déborah Chevreux le projet aux élèves, qui devront voter pour dire s’ils sont partants pour réaliser une AME et s’impliquer dans une telle démarche éco-citoyenne, explique Fabienne Le Gall. Leur vote devra être argumenté, ce qui nous permettra aussi de voir ce qu’ils ont retenu. Ils devront alors constituer le Conseil des enfants de la mer. Les élèves sont moteurs. »

Dès cette mi-novembre la classe de CM1/CM2 aura la chance de découvrir l’exposition Climat Océan au Musée Maritime de La Rochelle, puis de visiter le France 1 et de visionner un film d’aventure « Simon et la Cachalot ». Travail en classe, observations, recensements et mesures sur le terrain, visites extérieures alterneront toute l’année, le projet d’AME devant bien sûr parfaitement s’intégrer dans le programme scolaire. Et soulever quantité de questionnements auprès des élèves, qui ainsi apprendront concrètement à connaître, vivre, partager la mer puis transmettre leur expérience.

Eco-gardes et écoles de Ré

Chaque classe de l’île de Ré peut bénéficier chaque année de deux interventions des éco-gardes, avec sorties sur le terrain. La majorité des directeurs/enseignants des écoles intègrent cette possibilité dans leur programme scolaire, depuis quelques années.