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Saint-Martin de Ré : antichambre des bagnes
Le Musée Ernest Cognacq nous propose depuis le 7 mars, de plonger au coeur d’un pan de l’histoire pénitentiaire française : l’époque des bagnes coloniaux, qui a façonné l’identité de l’île.
Après la fermeture des bagnes portuaires de Toulon, Brest et Rochefort, le gouvernement français décide d’ouvrir des bagnes coloniaux en Guyane, de 1852 à 1938, et en Nouvelle-Calédonie, de 1867 à 1897. À partir de 1873, la citadelle de Saint-Martin devient l’antichambre de ces bagnes, où les condamnés attendent d’être expédiés outre-atlantique. Une à quatre fois par an, environ 700 indésirables passent sous les fenêtres des habitants de Saint Martin, triste défilé encadré de gardiens, attirant une foule de curieux, malgré les arrêtés municipaux interdisant la présence du public sur le parcours.
C’est en 1938, à la fermeture du bagne de Guyane, que le dernier bateau quitte le port de Saint-Martin-de-Ré. Le Martinière transporta entre 1918 et 1937, plus de 70 000 condamnés, à raison d’un à deux voyages annuels ! Parmi les prisonniers illustres, on ne cite plus Dreyfus. Eugène Dieudonné, soupçonné de complicité avec la bande à Bonnot y séjourne en 1913. On peut d’ailleurs lire au Musée, le récit qu’il fait du jour du départ pour la traversée vers Saint Laurent du Maroni. Seznec transféré en 1925 y restera près d’un an… Mais, c’est aux anonymes que le Musée Ernest Cognacq nous propose de nous intéresser au travers de documents, photographies, cartes postales de l’époque, objets créés par les condamnés dont la plupart ont été acquis récemment. L’exposition retrace pour nous 65 ans d’une histoire pas si lointaine, face sombre de la IIIè République, et de l’histoire de notre île.
Le parcours présenté se décline en deux temps : tout d’abord la période de détention à Saint-Martin, et le jour du départ, point d’orgue de cette étape, puis la vie au bagne. Qu’ils soient « transportés » (condamnés pour meurtre ou vol à main armée), « relégués » (récidivistes, même de menus larcins), ou déportés politiques (coupables de complot, espionnage, trahison, désertion ou faux-monnayage), tous se sont rendus à pied, par “l’allée des soupirs”, à la citadelle. Chacun a perdu son identité pour un matricule et reçu une vareuse de laine, deux chemises, deux paires de souliers et une couverture. C’est l’histoire de la vie au quotidien de ces exilés de la société qui nous transperce lorsqu’on chemine dans ce magnifique espace qui leur est dédié.
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