La Rochelle rentre dans l’Histoire
Ceux qui s’y connaissent peu en rugby auraient tendance à dire qu’il est toujours facile de gagner là-bas, en Russie. Demandez au Stade Français, à Brive, à Bordeaux-Bègles à quel point la tâche a été difficile. Les conditions n’ont pas été simples. Loin s’en faut.
Les Rochelais savaient à quoi s’attendre mais peut-être pas à ce point-là. Si les deux autres matchs de coupe d’Europe de ENESEI vont se disputer à Sotchi, ville nettement plus à l’ouest, les Maritimes sous la houlette de Pierre Venayre, le directeur général, ont accepté de jouer le jeu afin de promouvoir le rugby dans cette ville. « Nous avons accepté de jouer le jeu en venant jouer en Sibérie, c’est une bonne chose pour le rugby de ce pays. Cette compétition sert aussi à promouvoir notre sport… Le rugby travaille à son développement, il faut aller conquérir de nouveaux territoires… L’EPCR nous a très bien accompagnés en prenant en charge une partie du voyage, on a voulu faire honneur à cette équipe qui a mérité de jouer cette compétition et qui est valeureuse. Ça fait partie des valeurs du rugby, nous avons une équipe de Sibérie qui va venir à Deflandre alors il nous semblait logique de faire le déplacement aussi. Le parti pris a été de ne pas s’écouter, tous les dimanches il y a des clubs amateurs qui font dix heures de bus… Le piège aurait été de se relâcher » dixit le DG du club au micro de NA Radio.
Arrivés, le vendredi matin à 6h00 (1h à La Rochelle), les joueurs ont mis près de 20 heures (NDLR : voir notre infographie), pour rallier la capitale de la Sibérie. Un premier TGV pour les amener à Poitiers. Puis une correspondance pour aller jusqu’à l’aéroport Charles de Gaulle. S’en sont suivies, quatre longues heures d’attente dans le terminal avant d’embarquer pour Saint-Pétersbourg pour quatre heures de vol. Avant un nouveau stop de trois heures et un nouvel avion Saint-Pétersbourg – Krasnoïarsk d’une durée de 5h15. A leur arrivée, et comme s’ils n’en avaient pas assez, il leur a fallu une heure d’un autobus d’un autre siècle pour enfin pouvoir poser leurs valises. Tout sauf un voyage d’agrément.
Avec beaucoup de sérieux, les joueurs se sont couchés à leur arrivée et ont dormi quelques heures sans faire de sieste avant leur entrainement de l’après-midi afin de ne pas subir le jet-lag, plus communément appelé décalage horaire.
« C’est compliqué mais cela ne doit pas être un motif pour ne pas faire un bon match » a rappelé Grégory Patat le co-entraineur lors de la conférence de presse donnée à leur hôtel en milieu de journée à 24 heures de ce match européen. Des confrères Russes étonnés que les Rochelais n’aient pas plus froid que cela à leur arrivée le matin… Le mercure pointait à 2 degrés mais certains étaient en short – claquettes ! « Vous savez chez nous aussi, on est habitués à avoir des températures en dessous de zéro » a rappelé le même Patat tout en esquissant un très large sourire à la dizaine de confrères présents.
La suite, vous la connaissez. La Rochelle a bossé dur son match en s’appuyant sur des vidéos des matchs de la coupe d’Europe de la saison dernière. Avec un grand professionnalisme – alors que les rugbymen d’autrefois se seraient laissés aller avec des sorties nocturnes – La Rochelle a enfilé les essais dans un match appliqué mais pas à sens unique contrairement à ce que le score pourrait le laisser entendre. Score final : 82-21. 12 essais à 3 et surtout pour ce premier déplacement à l’autre bout du Monde, deux records qui permettent à cette équipe-là de rentrer dans l’Histoire. Le premier étant la plus large victoire en coupe d’Europe et la seconde étant le plus grand nombre de points marqués par mi-temps par les « jaune et noir », ce qui ne leur était jamais arrivé depuis le professionnalisme du rugby.
De notre envoyé spécial à Krasnoïarsk (Sibérie – Russie), Nicolas Coûte
Krasnoïarsk… ville étrange !
La capitale de la Sibérie dit être un des fleurons de l’or en Russie… Ça ne s’est pas vu dans la ville… Sauf peut-être pour le sport, véritable stratégie des politiques régionaux.
A première vue, ça ne paye pas de mine ! Les stigmates du communisme sont là, partout ! La ville russe de Krasnoïarsk où les Rochelais ont séjourné est la plus à l’est parmi les villes avec un million d’habitants, située au bord de la rivière d’Ienisseï.
La capitale de la Sibérie est traditionnellement réputée pour son froid, que les Maritimes n’auront pas connu puisqu’il a fait jusqu’à 16 degrés, le vendredi après-midi de ce qui aura été leur seul entrainement en terres russes. Ce territoire occupe plus de 2 millions de kilomètres carrés, en dépassant de quelques dizaines de fois la superficie de plusieurs pays européens. Par exemple, celle de la France est 4 fois inférieure. Krasnoïarsk est surtout réputée pour être un centre industriel et éducatif. Dans cette région, il y a aussi des mines d’or, c’est pourquoi la ville a été pendant longtemps un centre de commerce prospère ; certains marchands ont même fabriqué leurs cartes de visites sur des plaques d’or. Inutile de préciser que tous n’en n’ont pas profité… Aujourd’hui, la région est également un leader dans la production de l’or – cette région extrait une cinquième de tout l’or russe. Plus de 150 000 étudiants sont formés ici dans des bâtiments délabrés et hors d’usage… Les normes de sécurité ne doivent certainement pas exister ou pas encore.
La Sibérie est un pays de neige, et il est bien naturel que les sports d’hiver soient très développés dans cette région. D’ailleurs l’Etat Russe, depuis Moscou, a candidaté afin d’obtenir les JO d’Hiver des universitaires… Ils seront organisés, ici, en 2019… Une organisation incroyable avec dix sites sportifs construits et rénovés pour l’occasion…Lors du séminaire de présentation qui s’est déroulé en même temps que la séance vidéo du club jaune et noir, les responsables du comité d’organisation vantaient « leur produit » : le sport !
En effet, ici tout tourne autour de cela… 8 clubs professionnels pour une ville du même gabarit que Lyon ! Krasnoïarsk considérée comme étant la capitale du rugby Russe… Les deux clubs de la ville (Krasniy Yar qui a battu le Stade Français il y a quelques années) et ENESEI STM (que La Rochelle a battu) se disputent chaque année tous les titres à glaner. 20 titres – championnats et coupes confondus – en 10 ans : soit un grand chelem.
Sur la scène européenne, en tous cas, ENESEI STM n’a pas fait un pli (voir par ailleurs) devant le sérieux des Rochelais.
Nicolas Coûte
Envoyé spécial NA RADIO
Interview
Vincent Merling : « Notre objectif ? Les quarts de la coupe d’Europe ! »
Revenus d’un déplacement dans les contrées Sibériennes, au fin fond de la Russie, les Rochelais envisagent plus que jamais de jouer cette coupe d’Europe à fond. Ce qui pourrait être un moyen additionnel de se qualifier pour la plus prestigieuse des compétitions en cas de non qualification par le biais du championnat… Mais après les performances contre Clermont et à Krasnoïarsk, les « jaune et noir » peuvent toujours espérer jouer sur les deux tableaux. Toujours très volontairement discret dans les médias, le Président Vincent Merling a accordé une interview exclusive à NA RADIO. Morceaux choisis.
Ce déplacement en Russie, que vous évoque-t-il ?
Vincent Merling : Je découvre, comme beaucoup d’ailleurs, comme le staff et les joueurs. Un voyage extrêmement long, près de 19 heures de transports et moyens entre le train, l’avion, le bus. A l’arrivée, ça été chaud, ça été très très chaud et compliqué.
On a vu des joueurs avec les yeux hagards, les traits tirés, les mines fatiguées, est-il difficile de préparer un tel voyage ?
C’est surtout le voyage qui est compliqué. Vous savez, on a terminé par cinq heures d’avion, un A320 qui ressemblait plus à une bétaillère surchargée qu’à un avion et où les espaces entre les fauteuils n’étaient pas suffisants surtout pour nos grands gabarits qui ont terriblement souffert. C’est que l’on a physiquement souffert, oui. Mais l’ambiance est excellente et on est très heureux d’être là.
Étonnamment, vous avez voyagé en classe éco pour des sportifs de haut-niveau…
Oui… Vous voudriez que l’on voyage en classe affaires ?
Mais beaucoup de clubs le font…
Même le Président voyage en éco et était à côté de ses joueurs… Il faut être raisonnable dans les budgets et dans un A320 normal, il n’y avait pas de souci. Là c’est très compliqué et c’est très loin. On ne se rend pas compte mais c’est vraiment très loin.
Vous avez joué dans un stade très champêtre…
J’adore… J’adore, je ne vous le cache pas. Cela nous apporte aussi le contexte général d’ici quand on voit cette ville de plus d’un million d’habitants qui n’est faite que d’immeubles d’habitations. Il n’y a pas de centre-ville, de gros commerces, c’est très curieux. Je pense que cela nous donne, ce que l’on aime, un peu d’humilité. J’ai vu des joueurs très appliqués sur le terrain. Cela nous rappelle des souvenirs pas si lointains quand on jouait sur des stades Français contre certaines équipes. Cela a beaucoup de bon. Cela me plait. J’aime beaucoup cela.
On a chambré Greg Patat (NDLR : entraineur des avants du Stade) en lui disant qu’il ressemblait un peu au stade de Auch d’où il est originaire…
(Rires) Je n’ai pas osé le dire, je vous laisse le dire. C’est vrai que cela nous a rappelé des souvenirs. Après, la pelouse était excellente, on a voulu vérifier cela dès en arrivant afin d’éviter des blessures involontaires si vous jouez sur une pelouse avec des petits nids de poules ou quelque chose comme cela.
Finalement, certains supporters et confrères spéculaient sur le fait que vous alliez faire une impasse…
(Il coupe) Zéro impasse. La coupe européenne nous permet de continuer notre préparation et de travailler sereinement pour notre championnat de TOP 14 donc pas d’impasse. Surtout pas ! Les consignes étaient claires, il fallait gagner. Brive, Bordeaux et le Stade Français ont déjà perdu ici… C’était bien la première fois qu’au Stade on annonçait l’objectif des cinq points…(Rires) C’est notre souhait et notre objectif de nous qualifier pour les quarts de finale de cette compétition.
La coupe d’Europe reste un objectif pour le club ?
Comme tous les ans, je ne vois pas une année, ou peut-être à nos tous débuts, je ne vois pas le Stade Rochelais la dédaigner ou l’aborder avec légèreté. Non, au contraire, c’est excellent pour nous. Il y a quelques petites rotations qui sont permises dans ces moments-là mais comme vous le dites, l’équipe est belle et le banc est pléthorique. Il y avait quand même un All-Black double champion du Monde (NDLR : Victor Vito) et deux internationaux Français sur le banc, ici en Russie. Cela veut donc tout dire !
Concernant Victor Vito, justement, il part ou il ne part pas ? On a l’impression qu’il y a une sorte de poker menteur avec ses agents…
Joker. Par respect pour le joueur, par respect pour sa famille car je sais qu’il est en réflexion, je ne vais pas donner d’avis par rapport à cela, à ce dossier. Nous souhaitons que Victor reste à La Rochelle, ça c’est sûr. Aujourd’hui, il est en réflexion et en fin de contrat. Ce n’est pas un dossier que j’aborde avec lui, ni Pierre, ni personne. On le laisse dans sa réflexion. Jono Gibbs arrive (NDLR : le nouveau manager Rochelais devrait arriver la première semaine de Novembre), laissons-lui un peu de temps pour qu’il puisse vraiment décider.
Ce qui est étonnant c’est Bristol qui met la pression…
Oui, oui, on va les jouer en coupe d’Europe (NDLR : double confrontation en décembre pour la qualification en quarts de finale de coupe d’Europe).
C’est un peu cavalier de leur part quand même ?
C’est le sport, c’est comme ça. On sait que Bristol, avec Pat Lane qui est un ami de Victor, aurait fait des propositions intéressantes pour Victor. Après c’est sûr que financièrement, ils ont des moyens que nous n’avons pas. Mais il y a d’autres choses aussi dans le sport, dans le rugby et dans l’intérêt du championnat TOP14 à La Rochelle plutôt qu’à Bristol dans la Premiership Anglaise.
Pour revenir à ce voyage en Russie, comment avez-vous fait pour travailler autour de ce long déplacement ?
C’est Arnaud, l’intendant qui a eu du travail. C’est lui qui a préparé, pendant plus d’un mois, ce déplacement avec quarante visas, quarante billets d’avion, quarante billets de trains… Après c’est vrai qu’on peut se poser la question de ce que l’on vient faire ici… Y-a-t-il un intérêt majeur de venir ici en Russie, c’est la première fois que l’on vient. Après on sait tous qu’on est là pour la promotion du rugby, aussi. Le rugby a besoin de s’étendre dans le Monde et ça fait partie de cette promotion et nous sommes heureux de pouvoir participer à cette promotion du rugby, en Russie.
On sent en vous toute la passion du Président que vous êtes… Qu’est-ce qui vous fait tenir depuis 17, 18 ans ?
(Il reprend) 27 ans ou 28 ans, je ne compte plus car après ça me fait mal (il sourit).
Ce club de La Rochelle, pour vous, c’est un peu un enfant de plus dans la famille ?
Oui, Oui, Oui, c’est une passion. Chacun a ses passions. Cela a toujours été la mienne, ma foi je vis la mienne au Stade Rochelais de manière encore plus passionnée, avec l’âge, je ne me pose pas de questions. Je le vis et je le vis pleinement avec un club qui grandit, se construit et est en pleine évolution positive. Surtout pas en crise. Parfois, il y a des moments plus difficiles à gérer On en a eu d’autres beaucoup plus difficiles à passer mais aujourd’hui, on ne vit que du bonheur.
Vous qui avez connu le rugby à ses différentes époques, comment le jugez-vous aujourd’hui ?
Vous savez, il n’y a pas que le problème des protocoles « commotion » … autrefois, il n’y avait pas de médecin qui rentrait, c’était un soigneur avec un seau d’eau et son éponge magique qui faisait que le joueur se relevait… C’est un problème. Il y a un problème. La LNR et la FFR s’en occupent. Elles trouvent des solutions. Le rugby évolue aussi comme toute chose. On fait attention à l’intégrité physique des joueurs, bien évidemment, c’est de notre responsabilité, mais maintenant en rajouter, en rajouter… Faire que ce sport devient le sport le plus violent qui puisse exister, il faut arrêter.
Le club a une histoire riche, pourquoi – à l’image de l’AS St Etienne – vous n’envisagez pas une sorte de musée ?
On y a pensé dans les futures structures du club. Pour le moment c’est un peu en stand-by. Maintenant, on va organiser, enfin prochainement, on organisera des visites du stade avec un parcours éducatif et d’informations sur le passé de ce club qui est un passé prestigieux même s’il n’y a eu les titres que l’on aurait voulu avoir…
Pas encore…
(Rires) Oui, pas encore. Maintenant, l’important c’est de faire vivre cette culture. De le faire grandir tout en lui laissant son identité et ses valeurs. Je crois qu’avec l’évolution du rugby, que ce soit par rapport à l’intégration des joueurs, à l’arrivée du professionnalisme, je suis intimement convaincu que ce club a gardé son identité et qu’il grandit dans le professionnalisme et avec tous ses problèmes.
Pour conclure, ce n’est pas simplement le club d’une ville. C’est le club d’une région ?
Vous savez, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Ce ne sont pas des choses qui se font la veille pour le lendemain. Cela fait des années et des années… Le club s’est structuré. Le club a su, par sa communication, par l’intérêt, par la qualité du spectacle qu’il propose, par son stade qui plait à tout le monde car c’est un stade par lequel tout le monde est bluffé… Ce sont toutes ces choses qui font qu’à un moment donné, les abonnés, les partenaires se sentent intégrés. Ce sont des gens qui ont un sentiment d’appartenance très fort et c’est ce qui fait cette fidélité des partenaires, cette fidélité des abonnés qui fait grandir le club d’années en années. C’est 30 ans de passion !
Des propos recueillis par notre envoyé spécial, à Krasnoïarsk (Sibérie – Russie), Nicolas Coûte
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