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Ré Nat : « Si on ne le fait pas, qui le fera ? »
La famille très soudée de Ré Nature Environnement entend continuer de battre le fer, notamment avec l’Etat, sur plusieurs dossiers. Dominique Chevillon, le président, et Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO, ont exprimé leur indignation devant « l’arrogance de l’Etat à l’égard des sujets environnementaux ».
Une cinquantaine d’adhérents de l’association naturaliste de l’île de Ré se sont retrouvés sous les tamaris du parc de Montamer et les chants des oiseaux. Parmi eux, plusieurs représentants d’associations rétaises, ainsi que Gérard Frigaux, président de Nature Environnement 17, ainsi que le président de la LPO. Trois nouveaux administrateurs ont rejoint les rangs de Ré Nat, Damien Montier, jeune viticulteur de 20 ans, Philippe Favreau, ornithologue et naturaliste expérimenté et Pascal Gauduchon, chercheur biochimiste et fin connaisseur des mollusques.
De multiples activités de sensibilisation
Dans son point des activités de l’année écoulée, Philippe Favreau a mis en exergue les éditions de l’Oeillet des Dunes, les sorties naturalistes, ayant de plus en plus de succès, le festival des coquillages proposé par Pascal Gauduchon, qui possède chez lui un aquarium dans lequel évoluent plus de cinquante mollusques de la région.
Les partenariats sont nombreux et constituent une force de Ré Nature Environnement : citons Escale Océan, avec laquelle Ré Nat participe à la fête de la science, l’association musicale réthaise des quatre saisons, la LPO, Pélagis, observatoire des mammifères et oiseaux marins et son réseau national d’échouage, dont font partie deux adhérents de Ré Nat, Gregory Ziebacz et Jean-Roch Meslin, le Conservatoire national botanique du Sud-Atlantique avec lequel des accords vont être passés pour amplifier la banque de semences de plantes. Une actualisation de l’inventaire mycologique de l’île de Ré va être réalisée avec la Société mycologique du massif d’Argençon, une convention existe aussi avec l’Aquarium de La Rochelle et Pélagis, pour la récupération des quatre espèces de tortues susceptibles d’échouer sur nos côtes.
Ré Nat travaille sous convention avec deux communes, celle de La Flotte : Le bateau La Janthine est amarré dans le port et l’association remplit certaines missions de gestion/surveillance des espaces marins et terrestres flottais ; et celle de Sainte-Marie, où est d’ailleurs situé le siège de l’association. Ré Nat anime l’Ancre Maritaise en partenariat avec plusieurs autres associations maritaises.
Les représentants de l’association participent avec la CdC au comité Cigale, à celui des marais, au plan de gestion des Biettes aux Evières, à la commission d’attribution des espaces…
Dauphins, phoques et… morse
Jean-Meslin et Grégory ZiebRoch acz ont apporté des informations précises quant aux animaux marins observés sur nos côtes rétaises. « L’an passé on a constaté quinze échouages de dauphins communs, trois de marsouins, un d’une baleine à bec et deux examens de phoques gris morts ont été réalisés. Quarante-cinq dauphins communs ont aussi visité le Fier d’Ars, dont trente se sont échoués avant d’être secourus, deux d’entre eux n’ont pas survécu à ce stress. Un morse de plus de deux cents kilos a été observé à La Pallice, au Port de pêche, avant qu’il ne file vers l’Espagne puis remonte en Europe du Nord. Randy, grand dauphin de 40 ans bien connu des initiés, est revenu dans le port de Saint-Martin, Dauphin qualifié d’ambassadeur car solitaire et isolé de son groupe d’origine, ce type d’animal recherche le contact avec les humains.
Quant aux phoques gris, il s’est dit bien de fausses choses… Voilà trente ans que des phoques gris sont observés en hiver dans le secteur des Baleines, souvent des jeunes séparés de leur groupe et dérivant sur tout le littoral atlantique. S’ils sont affaiblis, Océanopolis les requinque dans son centre de soins avant de les relâcher dans la colonie de phoques de Molène. Même s’ils sont en très bon état, les phoques ont besoin de se reposer et se réchauffer au soleil. »
« L’hiver dernier deux phoques ont séjourné quatre à cinq mois sur les côtes Nord de l’île de Ré. L’un a finalement été retrouvé mort et sera autopsié, le second est reparti. Depuis début juin 2022, un autre phoque est arrivé (non il n’est pas né ici !), au départ anxieux, il est devenu plus sociable, les badauds s’approchent de plus en plus près, ce qui constitue un risque, tant pour l’animal que pour l’humain ». « Il s’agit d’une première sur l’île de Ré, un phoque au milieu des touristes, en plein été, avec les risques que cela comporte », s’inquiètent Jean-Roch et Grégory. Le Réseau national d’échouage et Ré Nat ont mis en place des rondes, pour sensibiliser les gens au fait qu’il n’est pas souhaitable pour lui que ce phoque s’habitue trop aux humains. Les bénévoles se relaient chaque jour.
« Les gens dont c’est le métier ont une efficacité faible sur ce type de situation, ce sont les associations et leurs bénévoles qui sont le plus présents », tacle Dominique Chevillon. « On suit et on observe depuis plus de dix ans les dauphins et autres animaux marins, grâce à La Janthine et au matériel reçu, nous pouvons désormais faire des photos très détaillées, afin de monter un catalogue avec Pélagis, nous disposons d’environ 150 photos », concluent sur ce point Grégory et Jean-Roch.
Après la présentation par Gérard Frigaux, trésorier de Ré Nat, des comptes 2021 qui ont retrouvé l’équilibre, suivant une année 2020 déficitaire, Dominique Chevillon a repris la parole.
Nature Environnement 17 sur de nombreux fronts
Nature Environnement 17, présidée par Gérard Frigaux, association départementale agréée, mène des contentieux lourds, forte de quinze salariés, dont un juriste. Sans aucune subvention, l’association parvient à dégager les recettes nécessaires au paiement des salaires, en faisant du contentieux. NE17 travaille sur les lourds dossiers des pesticides, des bassines, de l’éolien, des PLU, de l’assèchement des marais, souvent en étroite collaboration avec le service juridique de la LPO. « On vient de gagner plusieurs procès, il faut toujours être sur le pont » a confirmé Gérard Frigaux.
« On est très secoués par la position de l’Etat et du Gouvernement, comme jamais auparavant, on est obligés de manier la gentillesse et le bâton, sans bâton nous n’existons pas. Les bassines, l’assèchement des marais, l’utilisation de pesticides telle que l’ATMO vient de découvrir que la plaine d’Aunis est le site le plus pollué de France, le tout cautionné par le président de la Chambre d’Agriculture (FNSEA), ce sont des scandales que l’Etat couvre. »
Dominique Chevillon a rendu un hommage appuyé à son ami Pierre Le Gall, faisant partie des quatre fondateurs de Ré Nature Environnement, qui nous a quittés au printemps dernier.
Parmi les « gros dossiers 2021 », toujours en cours, figure le projet de parc industriel éolien au large de nos côtes – la décision de l’Etat était théoriquement attendue au plus tard pour le 28 juillet – contre lequel s’il était confirmé le collectif NEMO, auquel participent activement le président de Ré Nat et plusieurs adhérents, lancera un contentieux : « C’est le premier parc qui cristallise autant d’oppositions en France ». « Les tendances fortes relevées par la Commission nationale du débat public est que ce projet ne peut se faire en plein parc naturel marin et en pleine zone Natura 2000, il peut se faire plus au large, ce qui posera d’autres problèmes. Allain, as-tu des échos sur ce que sera la position de l’Etat ? » a questionné Dominique Chevillon, l’occasion pour le président de la LPO d’intervenir.
De l’« inefficacité de l’Etat »
« Tout d’abord, je suis très impressionné par l’agrégation des compétences de Ré Nature Environnement, des gens qui viennent de tous les horizons et travaillent ensemble pour un objectif commun. C’est assez exemplaire. Je rencontre le 2 août prochain le Ministre de l’Environnement et le Ministre de l’Outre-Mer, je suis extrêmement inquiet devant des signaux graves. Alors que l’Europe autorise la mise en culture des jachères en 2022, on s’engouffre dans la brèche au risque de dézinguer les derniers espaces de préservation de la biodiversité. On fait face à des gouvernants qui ont décidé de ne pas changer de stratégie, alors que le temps est compté pour réintroduire de la biodiversité à hauteur du réchauffement climatique qui s’opère. L’Etat ne s’en donne absolument pas les moyens. Rien n’a été fait ces dix derniers mois, il y a une forme d’arrogance du Gouvernement sur les questions environnementales, on joue la patate chaude. Qu’a-t-on fait du Grand débat ? La France est pointée du doigt par l’Europe pour sa non protection des dauphins, la seule réponse consiste à mettre des observateurs sur des bateaux et à bord d’avions, cela va coûter combien, pour une efficacité quasi-nulle ? Alors qu’il est possible de passer un accord avec les marins-pêcheurs afin de les indemniser pour qu’ils suspendent la pêche en période de reproduction des dauphins, l’Etat n’a pas suivi, cela coûterait nettement moins cher et serait très efficace. » a martelé Allain Bougrain-Dubourg.
Rebondissant sur ces propos, Dominique Chevillon a confirmé : « Nous sommes 27 associations qui nous préparons à un contentieux lourd, les mouches changent d’âne. La Commission européenne a mis en demeure l’Etat français, la présidente relève que « cela fait quatre ans que vous nous écrivez que tout va bien, je ne vois aucun progrès », elle va aller devant la Cour européenne de justice, cela va coûter une fortune, des milliards d’€ pour sanctionner l’insuffisance de l’Etat. »
Un dossier emblématique
Sur l’affaire des tivolis des Portesen- Ré, installés en espace naturel protégé, avec plusieurs infractions potentielles à la clé, Dominique Chevillon, qui est revenu longuement sur le sujet (lire notre article dans Ré à la Hune 246 et sur realahune.fr), a confirmé la valeur d’exemplarité que Ré Nature Environnement entend lui donner. « La protection de l’île de Ré et son classement pour 80 % de son territoire, décision unique en France – les 20 % restants étant inscrits à a protection des sites – concoure fortement à son attractivité. Certains considèrent que c’est un acquis, on est en train d’ouvrir une brèche dans cet édifice. En 2019, la CdC et toutes les communes de l’île ont réagi et rappelé qu’elles ne toléreraient pas le non-respect des réglementations. Voilà que les tentatives reprennent avec cette installation aux Portesen- Ré, on va en faire un dossier emblématique avec NE 17 et l’ASSIP (association de protection des sites des Portes). Nous sommes un peu seuls sur ces questions de fond, dans tous ces combats, si on ne le fait pas, qui le fera ? Attention au dosage, c’est la dose qui fait le poison ou l’antidote », a conclu un président de Ré Nature Environnement très en verve.
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