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Ré, entre attractivités et vulnérabilités, prospectives à 30 ans
Président du CESER* Nouvelle-Aquitaine, le Rétais Dominique Chevillon est intervenu lors de la conférence du 26 juin 2018 organisée par le CAUE** de Charente-Maritime au Château d’Oléron. Il livre pour Ré à la Hune son analyse, fondée sur trois rapports du CESER qu’il a présidés***.
A Ré, en France aussi, sans porter de jugement de valeur, le passé nous occupe : le « c’était mieux avant » (avant le pont, le Gaullisme etc) a de nombreux adeptes. Le présent nous le dévorons, la crainte du « demain sera plus dur », du chômage toujours très important nourrit ces appétits, ces hyperactivités. Disons-le, Ré présente aussi de grandes vitalités qu’envient de nombreux territoires de la Nouvelle-Aquitaine. L’attractivité de l’île est très forte. Elle la doit fondamentalement à la beauté des lieux naturels ou réalisés par l’homme comme les polders devenus marais salants, ses vignes, ses villages à l’architecture belle et homogène. Tourisme et Résidences secondaires sont objectivement « les deux mamelles » de l’île sur lesquelles est bâti quasiment tout le reste. Le Président du Conseil Economique, Social et Environnemental de la Nouvelle Aquitaine qui bénéficie d’un excellent poste d’observation et de comparaison sur le grand Sud-Ouest peut l’attester.
Le futur nous occupe t’il tant que cela ? Assurément non… Une prospective à 25 – 30 ans, soit 2050, semble peu intéresser en France. Le temps long ne passionne personne, sûrement aussi parce que ceux qui sont « aux affaires » n’y seront plus biologiquement parlant ! Après nous le déluge ? Sera aux affaires la génération des 25-30 ans, elle n’y est pas encore aujourd’hui, trop occupée par une entrée réussie dans sa vie d’adulte. Normal non ?
Pourtant l’avenir à 30 ans des territoires se décide en partie aujourd’hui car le temps du foncier et des aménagements est du temps long. Alors certes le temps long n’intéresse pas tout le monde mais pour un adolescent c’est demain ! Osons une prospective pour voir, juste pour voir ce qui nous attend sur le littoral entre attractivités et vulnérabilités.
Les attractivités du littoral
Un contexte de forte croissance des populations
Alors qu’ actuellement la densité en nombre d’habitants au Km2 est de 120 en France (98 sans l’ile de France), elle est de 194 ha/Km2 dans les communes littorales et de 212 ha/Km2 à Ré en hiver pour passer à 1705 ha/Km2 l’été sur les bases d’une population estivale de 145 000 ha. Le rétro-littoral (arrière pays) lui aussi se développe très vite 87 ha/Km2 en 2010, mais avec une croissance de + 47% entre 1999 et 2006, le foncier y est moins cher. Selon le modèle OMPHALE 2010, l’augmentation des populations littorales atlantiques évoluera selon trois hypothèses entre + 19,7%, + 27% ,+ 36% en 2042 avec des contraintes très fortes en demandes de logements et des contraintes de services associées au vieillissement de la population (34,4 % de la population aura + de 60 ans dans le scénario + 27% ). UN CHOC CONSIDÉRABLE POUR LE LITTORAL ! Ré n’ y échappera pas avec deux conséquences une population hivernale qui passerait de 18 000 ha à 23 000 ha (+ 27%) par une croissance de l’ex canton sud Ste Marie, Rivedoux, Le Bois etc… on peut imaginer la population l’été avec + 27% le scénario moyen qui ferait monter la population à 184 000 haut son trafic automobile associé pour les déplacements des particuliers comme des services. Le coût du logement nécessitant bien sûr une augmentation sensible des déplacements des personnes travaillant sur l’île et contraintes par les loyers trop élevés d’habiter à 25 voire à 40 km, ce qui est déjà le cas de nombreux travailleurs.
Un contexte d’évolution rapide de la destination des sols
La Surface Agricole Utile a diminué de 30 % en Charente-Maritime de 1970 à 2000 et elle se poursuit à un rythme identique, au seul bénéfice de l’habitat individuel. Les cabanes ostréicoles changent de destination et deviennent des restaurants (voir l’affaire Gillardeau à Saint-Martin sur Ré à la Hune N° 165 de janvier et sur realahune.fr) et d’autres sur le littoral… Les anciennes colonies de vacances sont vendues au profit de promoteurs et de l’habitat individuel (40% sur le littoral atlantique).
Un contexte de succès croissant du tourisme
La Charente-Maritime est le 2ème département touristique de France. Tourisme de séjour mais aussi tourisme à la journée, avec ses conséquences au niveau de la circulation automobile quotidienne. L’île de Ré y trouve toute sa place, bien sûr.
On voit donc que les attractivités sont intenses sur le littoral et l’ile de Ré. Elles supporteront dans le même temps, les conséquences de vulnérabilités.
Les vulnérabilités
Logement
Le contexte de logement est très difficile pour les salariés : c’est déjà le cas aujourd’hui, ce sera accentué demain.
L’artificialisation des sols et des espaces naturels
L’artificialisation des sols entre 2000 et 2006, a été 2,7 fois plus importante dans les communes littorales que dans les autres communes. C’est le cas de l’île de Ré où se développent pistes cyclables, élargissements des routes et rues, ronds-points, résidences individuelles aux jardins bétonnés, « piscinisés », digues etc. Sur la bande des 250 m du rivage l’artificialisation des sols est de 23% et monte même à 38% pour 25% des communes littorales.
Des évènements naturels accrus
L’augmentation des risques d’érosion, de submersion, et d’événements climatiques divers est prévue par tous les modèles de prévision. L’île de Ré est évidemment concernée, particulièrement dans le nord. D’où la nécessité de protéger légitimement le territoire insulaire, ce qui est en cours actuellement fort heureusement.
Capacité d’accueil
Elle est en non adéquation avec les services attendus par les pics de population. Les services seront en flux très tendus au regard des augmentations de population… un vrai challenge à relever.
Dégradation des paysages
Liée à l’urbanisation, à l’artificialisation des sols, aux équipements de loisirs (camping-mobil-home ), déjà très engagés dans l’ile de Ré…
Un vrai danger de dégradation des fonctionnements écologiques
C’est peut être un des paramètres les plus pernicieux et les plus graves pour le tourisme côtier. Les stations d’épuration (STEP) ne traitent aujourd’hui qu’une infime partie des « produits » qui y passent.
Si la pollution bactériologique est encore sous contrôle on connait une dégradation de la qualité des eaux littorales par le non-traitement des produits médicamenteux, des hormones, des pesticides, des intrants agricoles, des micro-plastiques etc. Cet état réaliste de la situation dérange mais est exact, les conséquences sur les écosystèmes côtiers sont déjà apparentes avec la disparition de certaines algues comme les Fucus ou les pollutions des algues vertes. Cette situation pourrait concerner de plus en plus la qualité des eaux de baignade qui sont encore préservées dans l’île de Ré, ainsi que ses lieux de pêche à pied. La surmortalité des huîtres, moules, coquilles St Jacques et autres mollusques est déjà une réalité.
Cette prospective à 30 ans avec ses attractivités et vulnérabilités pose question. Comment utiliser ce mouvement d’attraction très fort en conservant la qualité de vie qui fait le réel charme d’un territoire très privilégié ? La condition première est sûrement de ne pas refuser le constat. Le prendre en considération est déjà le début de la solution !
Dominique Chevillon
Extraits de la conférence du 26 juin 2018 organisée par le CAUE de Charente Maritime au Château d’Oléron.
* CESER : Conseil Economique, Social et Environnemental
** CAUE : Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de Charente-Maritime, présidé par Léon Gendre, Maire de La Flotte, depuis le 10 juin 1994. Il a été réélu à la présidence du CAUE 17 en juin 2015 pour quatre ans
*** « Population et activités sur le littoral atlantique : enjeux fonciers, quelle gouvernance sur quels critères ? » – Juin 2013 – Association des CESER de l’Atlantique
« Submersion marine et érosion côtière : connaître, prévenir et gérer les risques submersion de la façade atlantique. »
Septembre 2015 – Association des CESER de l’Atlantique
« La qualité des eaux littorales en Nouvelle-Aquitaine, état des lieux et prospective. » – Avril 2017 – CESER de Nouvelle-Aquitaine
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