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Raymond Fenioux, 50 ans aux Evières
De 1962 à 2013, Raymond Fenioux et son épouse Suzanne n’ont pas quitté la ferme du domaine des Evières, assistant durant toute cette période à l’épisode du CADIR (Comité pour l’Aménagement et le Développement de l’île de Ré), au rachat du domaine par le Conservatoire du Littoral en 1982, et en 2002, au souhait de l’entraîneur Alain Royer du Pré d’y installer ses chevaux de course. Aujourd’hui, la situation est plus sereine, Raymond a cessé toute activité, laissant les rênes du centre équestre à sa fille Sophie.
Raymond Fenioux est né en 1932 à la Baronnière de Vauçais dans les Deux-Sèvres. De la seconde guerre, Raymond garde le souvenir de cet Allemand qui, lors de leur repli en 1944 lui avait collé son arme sur la tempe dans l’ambulance qui le ramenait de Niort après une opération de l’appendicite. Il n’avait que 12 ans. As du calcul mental, il obtenait brillamment son Certificat d’Etudes en juin 1945 et dans le mois qui suivit, il rentrait comme ouvrier agricole dans une ferme où il restera cinq ans.
Une vraie découverte du monde agricole
« À 16 ans je labourais seul à 6 boeufs avec un bi-socle (double charrue) et je menais, toujours seul, un attelage de 3 chevaux sur une moissonneuse-lieuse ».
À 18 ans, en 1950, Raymond Fenioux rencontre Suzanne dans un bal. Mais trop jeune encore pour l’épouser et un peu lassé du travail de la terre il décide en 1951 de s’engager dans l’armée, devenant deux ans après Maréchal des Logis. Il a 21 an quand il quitte son régiment du Train, et le 23 septembre 1953, il épouse Suzanne.
Installé à Niort il travaille d’abord dans une entreprise de contreplaqué puis dans une porcherie industrielle à Echiré, propriété de Madame Joubert, une grande amie de Joséphine Baker. C’est là, en 1957, qu’il contractera une méningite transmise par les porcs, qui fort heureusement ne lui laissera aucune séquelle. Après deux années passées chez un entrepreneur de travaux agricoles à Melle, Raymond et Suzanne Fenioux arrivent sur Ré le 13 septembre 1962.
Pourquoi Ré ?
Raymond fut appelé pour faire le chef de culture de la société agricole du Rond-point (une centaine d’hectares, bois compris, sur la zone des Evières) appartenant à la famille de La Motte Rouge.
« Quand je suis arrivé dans l’île, ce qui m’a frappé ce fut de voir les gens qui ne travaillaient qu’avec un seul boeuf pour labourer les vignes, boeuf d’ailleurs souvent conduit par la femme. Quant aux Evières tout était en friche ou presque. J’ai alors planté des asperges de la vigne, sauf que je ne connaissais rien à la viticulture. C’est alors que Paul Laidet, directeur de la coopérative, m’a conseillé de prendre contact avec les techniciens de la station viticole de Cognac. Je suis resté salarié jusqu’en 1968, après quoi les propriétaires, jugeant que l’affaire n’était pas assez rentable, m’ont laissé le choix de reprendre l’exploitation en fermage ou de faire mes valises. C’est ainsi qu’à compter du 1er janvier 1969 je suis devenu fermier. En attendant que tombent les revenus de la vigne, j’ai acheté 25 vaches laitières à une ferme de Loix. Et j’ai continué à planter de la vigne : de 15 ha en 1974, je suis passé à 32 ha en 1979. En 1974, deux coups de gel, les 28 avril et 8 mai ont tout brûlé. Si les ceps ont survécu, il n’y eut point de vendange. Le lait et ma petite entreprise de travaux agricoles qui marchait du fait que peu de paysans rétais étaient alors peu équipés nous ont permis de survivre à cette calamité.
Puis est arrivée la grande crise du cognac de 1980/1981 qui m’a contraint à me séparer de mes trois salariés et à céder 18 hectares de vigne, n’en conservant que 14. Ce « nouveau départ », contraint et forcé, m’a laissé plus de temps pour m’occuper des affaires communales, étant conseiller en charge de la voirie de 1977 à 1983, et de la coopérative en tant qu’administrateur ».
Et le haras des Evières est né
Le boom du tourisme s’affirmant dans l’île, Raymond a, suivant les conseils d’un ami, monté en 1979 une « ébauche » de haras avec une trentaine de chevaux dont une vingtaine de poneys. « Ma fille, Sophie, n’avait que 7 ans. On ne faisait que des promenades, puis, petit à petit l’affaire s’est développée jusqu’à avoir 122 clients dans la même journée. C’est alors que l’on a décidé de passer à la vitesse supérieure en proposant des pensions. Depuis 1998, Sophie a complètement repris l’affaire, et aujourd’hui, Les Evières est un centre équestre qui tourne bien. Résidant depuis 1962 dans la ferme, Les Evières, pour moi, c’est mon paradis sur terre ».
Cerise sur le gâteau, le 23 septembre 2013, Raymond et Suzanne fêteront leurs noces de diamant (60 ans de mariage). Propos recueillis par Jean-Pierre Pichot
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Les Evières, un domaine qui a suscité bien des convoitises
Si l’affaire du CADIR (Comité pour l’Aménagement et le Développement de l’île de Ré) était allée à son terme, l’île de Ré ne serait probablement pas ce qu’elle est aujourd’hui, et Raymond aurait sûrement dû changer de métier. « D’agriculteur, je serais devenu une sorte de shérif ! ».
Au début des années soixante, la prospérité économique devenant plus tangible, la pratique du tourisme se diffuse rapidement, alors fleurissent un certain nombre de projets d’aménagements plus ou moins importants. En témoigne l’épisode du CADIR qui voit s’entremêler, comme dans les meilleurs romans noirs, sur fond de financements politiques occultes, des ministres en exercice, d’anciens barbouzes de l’équipe Foccard et des élus locaux.
En 1969, Jean-Duprat-Geneau, dit Philippe Dechartre, créait avec le colonel Roger Barberot (ancien ambassadeur en République Centrafricaine) et Gilbert Beaujolin, le CADIR, cela à une époque où un promoteur, Jacques Souchère, envisageait une vaste opération de promotion au Bois-Plage. L’aménagement de l’île de Ré promettant de beaux profits. À l’époque Philippe Dechartre était député de La Rochelle et secrétaire d’État au ministère de l’Équipement. Constatant que cette association de la loi de 1901 n’avait été créée que sur la base « d’une opération de profit», la Cour d’Appel de Poitiers rendait un arrêt prononçant la dissolution du CADIR.
L’affaire révéla, par exemple, que le secrétaire d’État au Logement auprès de Chalandon, Philippe Dechartre, s’était livré à un véritable chantage, réclamant plusieurs millions de francs au promoteur afin d’intervenir auprès du ministre de l’Équipement pour obtenir l’autorisation de construire 600 logements, un terrain d’aviation, un terrain de golf, de leurs aménagements sur le site des Evières.
Pour avoir eu les dents trop longues, les responsables de l’opération seront traînés devant les tribunaux par le promoteur, Jacques Souchères. Bien que Chaban, premier ministre, eût pris la défense de son secrétaire d’État, celui-ci dut démissionner au printemps 1972, précédant de peu l’ensemble du gouvernement.
À lire : « L’île aux requins », roman de Jacques Souchère. Édité et publié par l’auteur. 1973. 264 pages.
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