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Quels enjeux dans les assiettes des enfants ?
Santé, éducation au goût, approvisionnements locaux, maîtrise des coûts : de la volonté politique dépend la qualité des repas.
Bien qu’elles ne soient pas tenues de le mettre en place légalement, la quasi totalité des écoles primaires de France propose un service de restauration.
Lieu d’échange, de partage et d’apprentissage de l’autonomie, la cantine des écoles maternelles et élémentaires relève dans notre pays de la compétence des municipalités. Du fonctionnement à la réalisation des menus et éventuel choix du prestataire : ce sont elles qui gèrent… Or, on le constate, au delà des moyens financiers débloqués le résultat est éminemment variable selon les communes.
Entre les contraintes, nécessaires mais parfois incongrues du cahier des charges établi par l’État et la pédagogie au service de l’éducation alimentaire des enfants, de la fourche à la fourchette : quelle marge de manoeuvre en milieu scolaire ?
Sujet sensible, de santé publique, il est peu porté, voire écarté tant il est étriqué dans la camisole d’injonctions sécuritaires parfois posées en obstacle au bon sens. On peut légitimement se demander si la diversité des normes imposées ne contribue pas à faire oublier celles essentielles au risque de développer des pratiques à logiques contradictoires, comme de renoncer aux ressources d’un potager cultivé en bio par les élèves faute de traçabilité…
Cuisines centrales, relais ou autonomes : qu’est-ce que c’est ?
La plupart des communes de France (environ 75%) continuent de préparer les repas dans l’établissement scolaire même, les autres préférant déléguer la gestion de ce poste délicat à une société de restauration collective. les plats sont alors faits dans une cuisine centrale puis livrés dans d’autres dites « satellites », soit en liaison chaude, soit en liaison froide.
C’est le cas sur l’île qui sauf Sainte-Marie, se partage dans les neuf autres villages les services en primaire de deux mastodontes du marché, Sodexo et Scolarest.
Le premier élabore depuis 2014 les menus de toutes les crèches de l’île (à la demande de la CdC qui dispose de la compétence liée à la petite enfance) et des écoles primaires de Rivedoux et du Bois-Plage. À la suite de la récente mise en concurrence des fournisseurs, Sodexo vient également de remporter les appels d’offres des RPI (regroupement pédagogique intercommunal) Loix/Ars et Saint-Clément/Les Portes. Quatre employés de la firme disposent de la cuisine principale située au Bois-Plage pour confectionner les plats dispatchés ensuite dans les villages clients, soit quelques 45 000 repas annuels servis dans l’île par le N°1 mondial de la restauration collective. Autant dire que l’adhésion début janvier des quatre villages les plus au nord promet de beaux jours à ce prestataire puissant sur notre territoire.
À Saint-Martin, La Flotte et La Couarde, c’est un autre leader du marché, filiale du groupe britannique Compass qui officie depuis de nombreuses années : Scolarest. Si les deux premières communes assurent la préparation des plats sur place, l’école de La Couarde est quant à elle livrée à froid de La Flotte pour une remise en température avant le déjeuner.
On le voit, le camembert qui se dessine fait la part belle à la gestion industrielle des cantines de l’île avec une exception toutefois. Complètement autonome, le service de restauration de Sainte-Marie joue les outsiders avec succès…
Quelle qualité dans les assiettes des enfants : circuits courts ou court-circuit ?
Conscients qu’il s’agit là d’une compétence stratégique qui concerne de plus en plus de familles et donc d’électeurs, les acteurs de la restauration scolaire ont compris que le secteur tient désormais une place centrale dans les politiques publiques locales. Les équipes municipales de l’île ne dérogent pas à la règle, profitant des renouvellements réguliers des appels d’offres pour affirmer leurs exigences en lien avec un territoire voulu modèle.
Conçus par des diététiciens les menus proposés par Sodexo et Scolarest sont équilibrés, les fournisseurs de proximité favorisés, les produits de saison et le bio privilégiés autant que possible. Les villages approvisionnés par l’un ou l’autre des prestataires ont négocié des partenariats avec la maison Marin pour le pain, la coopérative Uniré pour les pommes de terre ou encore avec les Sauniers de l’île de Ré pour la pincée de goût. De temps à autre un repas végétarien s’invite à la table.
La plupart des communes se sont doté de commissions où siègent des représentants des parents, des sociétés de restauration, les élus et ont instauré un prélèvement systématique, comme à Rivedoux où Serge Kindel, 1er adjoint tient à procéder lui-même aux contrôles.
Pour autant, malgré l’expertise technique et nutritionnelle de ces sociétés mise en avant et la vigilance des maires, la gestion concédée n’offre pas, loin s’en faut une garantie de qualité (enquête UFC Que choisir 2013).
En 2011, Sodexo s’excusait d’avoir servi des fraises congelées chinoises à 11 0000 écoliers allemands tous victimes de sévères gastro et faisait scandale l’année suivante au Royaume-Uni, contraint de retirer tous ses surgelés à base de Boeuf, confectionnés en réalité avec de la viande de cheval…
L’éthique des affaires aussi est en cause. En Belgique ou à Marseille l’enseigne a bénéficié de gros contrats, économies substantielles de part et d’autre réalisées (les tribunaux sont à l’étude) on le suspecte, au mépris des conditions d’hygiène comme n’ont pas tardé à le relever les parents d’élèves.
Une cantine bio et goûteuse : c’est possible ! Sainte-Marie en éclaireur
C’est grâce à la volonté des parents et l’appui de la commune qu’a pu être créée en 2004 la seule cantine de l’île en gestion directe. Une cuisine pilote gérée à l’époque par l’association de parents d’élèves « La Marmite ».
Francis Villedieu son président, fort d’une étude menée sur les OGM en écho à la crise de la « Vache folle », a tout de suite affiché sa détermination à défendre l’agriculture raisonnée et l’introduction massive du bio en dépit du surcoût apparent, mais soluble, comme il l’a prouvé dans les bonnes pratiques pédagogiques.
Avec le soutien des familles et de Carole Donny (aujourd’hui cuisinière attitrée et très appréciée de la centaine de musiciens du festival « Musique en Ré » entre autres), ils se sont attachés à promouvoir les ressources locales et mettre en place une pédagogie.
Malgré les investissements de départ l’association ne tarde pas à gagner l’équilibre budgétaire avec 80% de bio dans les assiettes (quand les sociétés spécialisées se vantent en assurer la moitié) !
Depuis sept ans, Yannick Lefevre a repris le flambeau, sous l’égide de Gisèle Vergnon, maire de Sainte-Marie. Pour maîtriser le budget au plus près, le directeur de la restauration coordonne quotidiennement la gestion des achats, toujours locaux et de saison. Le pain provient de la boulangerie Fred à Rivedoux, les légumes, la viande et les fruits de producteurs bio comme la coopérative régionale Mangeons Bio Ensemble.
Lors de notre échange fin novembre, Romain de la poissonnerie « La Cotinière » à Saint-Martin l’informe d’un bel arrivage de Saint-Jacques au meilleur prix. Les enfants s’en régaleront le lendemain (témoignages à l’appui). Saisir les bonnes occasions, innover, éduquer, c’est le deal de l’équipe (3 cuisiniers, 1 plongeur) qui entoure le chef, et ça marche !
Ateliers, animations, les 230 écoliers à table ont appris à ne pas gâcher (quand la moyenne est à 9kg pour une cantine standard, Sainte-Marie compte à peine 1kg de déchets par jour), et préfèrent se resservir de la fameuse soupe de Yannick dont ils raffolent, plutôt que d’avoir les yeux plus gros que le ventre. Avec un repas à 2€40 en maternelle et 2€50 en élémentaire facturés aux parents, Sainte-Marie est la cantine la moins chère de l’île.
Un sujet à porter à l’intercommunalité
In fine, la restauration des enfants, notamment dans sa finalité de service public, relève d’un choix politique… Interrogé, Jean-Pierre Gaillard en charge de la Commission « Social, petite enfance », à la Communauté de Communes reconnaît que « ce dossier contraignant, sur lequel pèsent de lourdes responsabilités mérite une réflexion collective », mais souligne néanmoins « le manque de soutien de l’État qui, en enjoignant les maires à réduire leurs effectifs, leur complique davantage la tâche ».
En effet, lorsque des cantines existent, les charges qu’elles engendrent constituent des dépenses facultatives et non obligatoires au budget des communes. En moyenne, elles assument sur l’île les deux tiers du prix réel du repas (la part facturée aux familles évoluant sur une fourchette de 2€40 à 3€10) et les salaires du personnel encadrant et en cuisine. Un personnel par ailleurs difficile à recruter sur ces postes à temps partiel qui souffrent de n’être pas suffisamment valorisés.
La question s’est déjà posée au sein de la CdC en 2014, sous l’impulsion de Francis Villedieu encore, alors conseiller municipal et communautaire et opposant à l’introduction du prestataire Sodexo en crèches. À l’époque, Lionel Quillet, tout en rappelant les règles sanitaires très contraignantes, avait concédé que : « Même si l’on est sur une cantine à peu près raisonnée, il faudra y venir », sous-entendu étudier une solution alternative de proximité.
Si globalement tous les maires sont satisfaits des services des deux fournisseurs, certaines communes s’interrogent. À La Couarde, Peggy Luton, adjointe à la vie quotidienne, a particulièrement travaillé le dossier cet été à l’occasion de la rédaction du nouvel appel d’offres. Avec Isabelle Masion- Tivenin, en charge notamment des écoles à La Flotte, elles étudient la possibilité de mutualiser les approvisionnements avec Sainte-Marie, idéalement par le biais d’une régie à trois. « Une utopie sans doute » regrette Peggy Luton. Quoique… Tout comme Francis Villedieu, Carole Pardell, très investie pour un modèle agricole durable, est convaincue que l’île de Ré peut fonctionner en autonomie moyennant une remise en agriculture pourvoyeuse d’emplois. L’exemple d’Oléron, où un programme dédié a été élaboré avec les agriculteurs, en concertation avec la CdC, est éloquent.
À Dolus, le maire Grégory Gendre explique « concrétiser une véritable démarche collective et collaborative associant le personnel de cantine, le personnel administratif, les producteurs locaux, la plate-forme Mangeons bio, le réseau Un plus bio, les parents d’élèves et bien entendu les enfants ». Pas question donc d’externaliser les services de restauration scolaire chez nos voisins. De notre côté il semble que la concertation sur ce sujet ne soit pas encore à l’ordre du jour…
Marie-Victoire Vergnaud
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