Quelles relations entre les médias et la politique ?
Lors du salon « l’île aux Livres » de l’été dernier à la suite d’une conférence consacrée à ce sujet, Ré à la Hune avait été à la rencontre de Patrick Poivre d’Arvor, Eric Fottorino, et Olivier Falorni.
Il a toujours existé entre les médias et la politique un rapport étroit. Qui dit vie politique dit opinion publique, qui dit opinion publique dit communication. Médiatisation et démocratie sont intimement liées.
Longtemps qualifiés de « 4e pouvoir » aux côtés de l’exécutif, du législatif et du judiciaire, voire même de « méta-pouvoir » transcendant les autres pouvoirs, les médias sont tour à tour soupçonnés de « collusion » avec le pouvoir politique ou encore de manipulateurs des opinions des citoyens. Ils ont à la fois acquis une légitimité certaine notamment parce qu’ils permettent de toucher massivement les citoyens et sont en même temps source de toutes les méfiances parce que si leur influence sur la politique et la société est évidente, leur action sur les individus est plus indirecte, tous ne réagissant pas d’une façon unique aux flux d’information. Les médias sont de plus en plus « sous contrôle » ce qui pourrait aux yeux de certains leur faire perdre ce qui fait leur force : leur autonomie.
Éducation ou manipulation ?
L’un des rôles de l’information est l’éducation d’une part en relatant les faits qui alimentent la connaissance et d’autre part en proposant des analyses dont la pertinence est censée aider à la réflexion. Sans oublier la diversité des commentaires et des médias, devant contribuer à l’approfondissement. Les médias renforcent-ils la capacité de jugement des individus ou manipulent- ils les opinions ? Éternel débat.
La revue « Le Débat » dans un dossier consacré à ces sujets il y a quelques années, ne mâchait pas ses mots. Parlant de « perte de pouvoir des médias » liée notamment à « leur idéologie de la transparence – voire du soupçon – qui a été une des armes de leur destruction massive et s’est retournée contre eux », elle fustige leur « comportement moutonnier ».
Des modèles économiques fragiles
L’autre argument souvent invoqué pour démontrer que les médias ne seraient pas crédibles est lié à leurs modèles économiques, à leur concentration dans des groupes de presse puissants et à leur financement « public » direct ou indirect. « Le Débat » écrit à juste titre au sujet de la constitution de grands groupes multimédias : « Si le phénomène est déplaisant, source souvent de conflits d’intérêts entre les propriétaires et les rédactions, s’il se traduit inévitablement par quelques « blancs » sur des sujets qui pourraient fâcher l’actionnaire, il n’est pas certain que cela soit une très grave menace sur l’indépendance des médias ». La revue cite le cas célèbre de Serge Dassault, devenu propriétaire du Figaro, et qui n’a pas pu y faire passer un papier d’opinion, finalement publié dans… Les Échos. Elle conclut en parlant de la multiplication des nouveaux canaux de diffusion, dans laquelle elle inclue la presse gratuite, et s’interroge sur ce qui peut faire émerger un « média de référence ».
Quelle ligne éditoriale pour Ré à la Hune ?
Face à ces difficultés auxquelles est confronté tout média, Ré à la Hune a toujours tenu une seule ligne, celle de la qualité éditoriale, de l’éthique professionnelle, et de l’approche de fond. Son équipe rédactionnelle tire sa force de sa diversité, de sa stabilité, de sa connaissance du territoire et de son respect des opinions et de la liberté de chacun de choisir l’angle d’approche et le ton de ses articles. Qu’il se dégage une ligne éditoriale forte de Ré à la Hune est une évidence, elle émane de l’ensemble du comité de rédaction et est constitutive de l’identité de notre Journal papier et de notre Site. C’est sans doute pour toutes ces raisons que Ré à la Hune a largement rencontré ses lecteurs et s’est imposé progressivement, mais sûrement, comme « média de référence sur l’île de Ré », comme le soulignaient unanimement – aux côtés des témoignages constants de nos lecteurs – la Préfète de Charente-Maritime, le Député de La Rochelle-île de Ré, le Président de la CdC de l’île de Ré et les Maires, présents à l’anniversaire des 5 ans du Journal, l’hiver dernier.
Nathalie Vauchez
Témoignages
Recueillis par Nathalie Vauchez
Patrick Poivre d’Arvor (Journaliste le plus médiatisé de France, évincé du 20 h de TF1)
« Au plan national, un journaliste digne de ce nom doit avoir une colonne vertébrale telle qu’il doit s’en sortir même s’il reçoit des pressions notamment du patron du journal. Au plan local, c’est sans doute encore plus compliqué, car les journalistes et les hommes de pouvoir sont très proches. À tous les niveaux, les liens entre patrons de médias et financiers, entre journalistes et pouvoir sont imbriqués, c’est une évidence. L’information doit passer au premier plan ».
Eric Fottorino (Directeur du journal Le Monde de 2007 à 2011)
« Il y a une proximité qui confine parfois à la connivence entre médias et pouvoirs économique et politique. La presse est-elle vraiment indépendante ? Ce qui l’affaiblit terriblement est la fragilité économique de beaucoup de journaux, qui perdent de l’argent. Dans la presse écrite, la plupart des journaux sont sous contrôle d’actionnaires (Dassault, Arnault, Lagardère, Bolloré…) souvent de grande proximité avec le pouvoir. Médias gratuits ou payants, c’est exactement le même combat. Toutefois les tentatives d’interventions ou d’intrusion dans la ligne éditoriale sont souvent contre-productives, car quand les rédactions et journalistes sont soupçonnés d’être trop complaisants, ils ont à coeur de montrer qu’ils ne le sont pas. Quand un journal est « sous influence » à travers ses actionnaires et du fait de difficultés économiques, il a tendance à aller moins vers le fond et plus vers l’ « événementiel » censé faire vendre… Le vrai enjeu est là, ne pas perdre l’essentiel, hiérarchiser l’information et privilégier tout ce qui donne du sens et de la profondeur et non pas le racoleur qui fait vendre.
Les médias ont besoin des politiques pour exister, mais les politiques ont aussi aujourd’hui de plus en plus besoin des médias, dans une société d’image, forgée par les médias. L’honnêteté des journalistes – travail à charge et à décharge – est essentielle à la crédibilité d’un média. La direction et la rédaction en chef d’un journal doivent filtrer les pressions des pouvoirs… »
Olivier Falorni (député île de Ré-La Rochelle)
« J’ai effectivement eu une couverture médiatique digne d’une personnalité nationale, et le sentiment de « feuilleton » a été créé par les médias. Un homme politique a besoin des médias pour relayer sa parole, et les « utilise », comme les médias vendent aussi grâce aux politiques. Le moindre mot est relayé et on ne peut contrôler l’emballement médiatique, il faut qu’une image ressorte « préfabriquée », alors que les gens attendent de l’authenticité. Pour un politique, l’enjeu consiste à réussir à faire passer sa vérité, pour le média à expliquer. Ségolène Royal a refusé de répondre à la presse nationale durant la campagne des législatives, elle ne voulait pas que la campagne soit médiatisée. Si on impose aux médias, cela ne fonctionne pas. Pour moi le bilan médiatique a été positif, même si j’ai éprouvé une grande frustration dans le fait que Ségolène Royal ait refusé tout débat publique, mais aussi dans la vision très décalée des médias depuis Paris et enfin que mon programme de campagne n’ait quasiment pas été relayé, c’est l’aspect superficiel et « people » qui l’a emporté. Ré à la Hune a été un des rares médias à aborder cette campagne sur le fond ».
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