Que faire face aux difficultés de recrutement structurelles ?
Pôle Emploi, en partenariat avec la Communauté de Communes, a convié les professionnels à une réunion de bilan de saison, jeudi 20 octobre, au Village Océanique. Tous les professionnels sont désormais confrontés au déficit de candidats. Quelques pistes ont été évoquées, mais ils déplorent que la mise en place de certaines, déjà évoquées il y a un an, ne se concrétise pas.
Le Directeur de Pôle Emploi La Rochelle Aunis Ré, accompagné de son équipe, a animé cette réunion, en présence d’Alain Pochon, vice-président de la CdC en charge de l’économie et de Nathalie Stéphan, collaboratrice du service économique.
La trentaine de professionnels présents faisait partie des plus gros recruteurs de l’île de Ré : Bricomarché, Intermarché, Kéolis, Le Puma, la coopérative Uniré, Le Toiras, Vert Marine, la Mairie de Saint-Martin, le groupe hospitalier, l’ADMR, Ré-Intérim, Interlude et plusieurs hôtels de plein air et restaurants.
Un vivier de main d’oeuvre à sec en saison
Le point du marché de l’emploi dressé par Pôle Emploi a de suite donné le ton : Si en début de saison (février/ mars) le nombre de demandeurs d’emplois sur l’île de Ré avoisine les 1100 à 1200, en pleine saison il devient inférieur à 300. « Il ne reste plus grand chose en matière de main d’oeuvre locale ». « Quant au taux de chômage de La Rochelle il s’élève à 7% et continue de descendre. Plus on se rapproche des 5% plus c’est compliqué. Avec des secteurs en tension. »
« Pôle Emploi a beaucoup travaillé avec ses partenaires, les mairies, la CdC. Il faut trouver des solutions en termes de transport et d’hébergement pour permettre à la main d’oeuvre du continent de venir travailler sur l’île de Ré. On a aussi été confrontés au problème de garde des enfants cette année. »
Les professionnels présents ont témoigné de leurs difficultés, non seulement dans le recrutement, mais aussi dans la fidélisation, même sur une saison : ils sont confrontés régulièrement à des démissions. « On parle de la Grande démission aux Etats-Unis, cela arrive en France. Et ce n’est plus une question de salaire, d’ailleurs les candidats posent leurs conditions, les employeurs les acceptent ou non. »
L’exemple du Pays royannais et Marennes-Oléron, où une maison des saisonniers a été mise en place par trois restaurateurs privés, a été cité par un intervenant, venu du sud du département assister à la réunion. « Il s’agit de loger des saisonniers dont l’emploi est stratégique pour ces employeurs », a-t-il expliqué. Un Groupement d’employeurs territorialisé entre Ré et Oléron pourrait aussi contribuer à proposer des emplois stables, même si les évolutions sociétales font que pour les jeunes générations le CDI n’est plus forcément le Graal…
Toujours victime d’une image qui lui prête un contrôle peu rigoureux des candidats inscrits, Pôle Emploi assure suivre de près ses effectifs, « y compris en faisant la chasse sur les réseaux sociaux » et précise que « Le Gouvernement va faire évoluer plus durement les règles de l’Assurance chômage, afin d’instaurer un système d’indemnisation favorisant le retour au travail. »
Les seniors et les étudiants en renfort
Pour Pôle Emploi, l’un des viviers de recrutement pourrait venir des seniors de plus de 55 ans, qui présentent l’avantage de disposer d’une belle expérience. De plus en plus d’employeurs sont prêts à les recruter, semble-t-il… Evidemment les étudiants constituent un autre vivier déjà largement utilisé. Pôle Emploi a expliqué aux employeurs présents que les conditions de travail des 16 à 18 ans ont évolué, il est désormais possible de les faire travailler le weekend et les jours fériés. Le recrutement des 14 – 16 ans reste plus compliqué. Pôle Emploi peut accompagner les entreprises pour les compléments de formation des jeunes, le recrutement sur les métiers en tension, l’alternance, la formation préalable au recrutement, y compris pour des formations sur le terrain. Ceci dans tous les domaines. Kéolis a témoigné de cet accompagnement, lui ayant permis de former une trentaine de personnes au permis D, Pôle Emploi ayant pris en charge la partie financière.
Tout juste effleuré, le « travail au black » contribue aussi sur l’île de Ré à tendre un peu plus le marché du travail, il reste cependant tabou.
Quelles solutions concrètes pour 2023 ?
Les entreprises sont déjà confrontées à la problématique concrète du recrutement pour la saison prochaine et sont étonnées de n’avoir eu aucun retour de la réunion menée par la Communauté de Communes en 2021 autour du recrutement et du logement saisonnier : « Nous avons été nombreux à y participer, à répondre au questionnaire, qui était pertinent, avec des questions ouvertes, des idées intéressantes ont été émises par les professionnels, les réflexions ont été enrichissantes… On en est pourtant toujours au même point. Nous aurions au moins pu avoir un retour de cette enquête, dans laquelle nous nous sommes impliqués, c’est frustrant. Les Assisses du Logement ont refait le même constat qu’il y a un an, il faut avancer et trouver des solutions pour 2023 et ne pas attendre 2024. », a expliqué Séverine Desmereau, PDG des magasins Intermarché de l’île de Ré, approuvée par les participants. « Dans les solutions évoquées en 2021, il est possible d’en développer certaines de suite, comme par exemple la location par les propriétaires d’une chambre, la mise en place de maisons des saisonniers, le développement d’un habitat léger comme les tiny house ou les mobil home, la création d’un site pour mettre en relation les saisonniers et les employeurs… De plus en plus avec l’offre d’emploi il faut faire une offre de logement… ».
« Quid du bâtiment de La Grainetière à La Flotte ? » a-t-il été demandé… « Les horaires des transports en commun ne sont pas du tout adaptés au travail des saisonniers, ni en pleine saison ni en arrièresaison. Chaque employeur s’est dit d’accord pour participer financièrement à un transport adapté aux horaires des saisonniers, tôt le matin dès 6h, le soir jusqu’à 23h et les dimanches et jours fériés. C’est un frein important, heureusement on s’organise par nous même, mais ce n’est pas suffisant » a évoqué Madame Ravet, responsable avec son mari d’Interlude au Gros Jonc. Les professionnels estiment que « cela fait vingt ans que l’on attend, on ne va pas attendre cinq ans de plus. »
Au final les professionnels s’adaptent – « Nous n’avons pas le choix » – mais ils ont besoin de l’accompagnement des collectivités : Région, Département, CdC, en matière de transport, de logement, d’outils de recrutement comme les forums de recrutement des saisonniers, pour lesquels il reste à trouver une date la plus adaptée possible – ni trop tôt, ni trop tard, en semaine ou le WE ? Etc. – et faire une communication plus dense en amont.
Certains estiment aussi un peu durement qu’« il y a une vie permanente sur l’île de Ré », sous-entendant que tout est trop tourné vers les saisons touristiques.
Cette réunion a eu le mérite de rappeler aux professionnels que Pôle Emploi les accompagne en matière de formation et de recrutement, y compris sur le décryptage des évolutions législatives, et de relayer le cri d’alarme des chefs d’entreprises, qui avec la meilleure volonté du monde ne peuvent tout assumer sans accompagnement politique territorial, notamment en matière de mobilité et de logement.
Lire aussi
-
Économie
« Une saison atypique et olympique »
Ré à la Hune s’est entretenu avec le président de Charentes-Tourisme quant au bilan de la saison 2024 et aux enjeux auxquels la filière touristique doit répondre.
-
Économie
La saison en Charente-Maritime et sur l’île de Ré
Charentes-Tourisme et Destination Île de Ré ont communiqué à Ré à la Hune leur premier bilan de saison 2024, des vacances de Pâques aux vacances de la Toussaint.
-
Économie
Rester positif malgré la déception
Car c’est le terme plusieurs fois entendu : si elle n’est pas loupée, la saison 2024 n’a pas tenu ses promesses
Je souhaite réagir à cet article