Quand le bâtiment ne va plus : rien ne va !
La crise financière et les plans de rigueur auront eu raison de la bonne santé du secteur du bâtiment. Les entreprises sont inquiètes : les perspectives s’assombrissent pour ce secteur avec une prévision de recul de 6 %, selon la Fédération Française du Bâtiment (FFB). Devant la crainte d’un effondrement du secteur de la construction, avec des défaillances nombreuses d’entreprises, les organisations professionnelles nationales se mobilisent pour sauvegarder 35 000 emplois en France et préconisent différentes mesures pour assurer la survie des entreprises. L’île de Ré sera-t-elle épargnée ?
L’état des lieux
De réels motifs d’inquiétude pour le secteur de la construction en Poitou-Charentes et sur l’île de Ré
Les travaux lancés par les collectivités territoriales en Poitou-Charentes, sont reportés dans le temps, voire annulés, faute d’obtenir les crédits nécessaires, au détriment de l’activité des petites et moyennes entreprises. Ils représentent une part importante du marché des entreprises.
Les constructions neuves ou les travaux de réhabilitation sont en régression pour plusieurs raisons. L’engagement des particuliers et des investisseurs est ralenti par l’augmentation de la TVA à taux réduit qui passe de 5,5 % à 7 %, les modifications de fiscalité sur les plus values, l’aggravation de la fiscalité sur les revenus immobiliers et les mesures envisagées sur l’encadrement des loyers.
L’accession à la propriété des familles aux revenus modestes est pénalisée par la suppression du prêt à taux zéro.
De nombreux promoteurs renoncent ou diffèrent leurs projets, en attendant la mise en place du « Duflot », nouveau dispositif d’incitation fiscale destiné à favoriser l’investissement locatif des particuliers, qui succédera au dispositif Scellier qui prend fin au 31 décembre 2012.
Le secteur du locatif privé est fortement impacté par les mesures fiscales et la demande des ménages est forte dans notre région.
Les bailleurs sociaux ne sont pas en capacité de répondre à la demande de logements HLM et doivent être soutenus pour développer le parc public.
Un secteur malade de la concurrence et des finances
En 2010, le secteur du bâtiment représentait en France 123 milliards d’euros de chiffre d’affaires et employait 1,25 million de salariés. Un véritable moteur économique.
Le critère de prix prépondérant dans l’attribution des marchés. Avec la crise financière et la récession économique, les maîtres d’ouvrage accordent la prépondérance au critère de prix dans l’attribution des marchés. Entreprises étrangères et nationales se disputent les marchés au détriment des entreprises locales. Avec le risque d’une moindre qualité de prestation sur les chantiers, c’est aussi la dégradation de la rentabilité des entreprises qui est inquiétante, avec pour conséquence des licenciements économiques.
Une trésorerie exsangue. Avec des prix tirés vers le bas, la trésorerie des entreprises ne laisse plus de marge de manoeuvre. Il faut pouvoir gérer les délais de paiement clients et fournisseurs, et la nature même de l’activité de construction, avec un cycle long, nécessite un fonds de roulement conséquent pour investir et maintenir un outil de production performant. La hausse du coût des matières premières est aussi difficile à absorber dans les prix de prestations.
Un secteur à fort taux de main d’oeuvre. Pour pouvoir pétitionner à des prix bas sur les offres de marché publics ou privés, certaines entreprises n’hésitent pas à réduire le coût du travail en faisant appel à de la main d’oeuvre étrangère. Privés de chantiers en Espagne, au Portugal, ou dans le bassin méditerranéen par la dureté de la crise, les ouvriers viennent travailler en France.
Les entreprises en parlent
L’île de Ré, sera-t-elle épargnée par la dépression qui s’annonce ?
Le secteur de la construction est actuellement le plus gros employeur de l’île de Ré, tous corps de métiers confondus. Pour les entreprises rochelaises et rétaises, le marché du bâtiment sur l’île de Ré, fait par son dynamisme figure d’exception dans un contexte de crise.
Mais pour combien de temps encore, s’interrogent-elles ? Le document de synthèse du SCoT est un bon indicateur de tendance.
Le rythme de construction est passé d’une moyenne de 435 logements /an entre 1989 et 1999 à une moyenne de 265 logements /an entre 2000 et 2006. Même si ce rythme a diminué, il reste supérieur au rythme moyen résultant des objectifs du schéma directeur actuel : 2 990 logements sur 15 ans, soit 200 logements / an. La surface moyenne de logements des dernières constructions tend à augmenter (autour de 200 m2 SHON pour celles-ci). La tendance générale est à l’augmentation sensible de la part des résidences secondaires dans le parc total de logements : ainsi en première approche, environ 75 % de l’augmentation brute du parc des logements depuis 1999 serait constituée de résidences secondaires.
Le Président du CAUE 17 (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de Charente- Maritime), et Maire de La Flotte, Léon Gendre, estime : « Sur ma commune, je n’observe pas de tassement sur la construction en 2012. Le niveau des permis de construire est équivalent à 2011. On enregistre cependant un légère diminution des recettes des taxes additionnelles aux droits de mutation. Les situations sont contrastées d’une commune à l’autre, particulièrement dans le canton nord. L’île de Ré a fait la fortune de nombreuses entreprises depuis des décennies. Le tassement de l’urbanisation ne peut être que salutaire, mais le marché de la réhabilitation est porteur sur l’île de Ré, avec 22000 logements, dont 60 % de résidences secondaires. Voyez encore le nombre d’entreprises qui passent le pont chaque jour ! »
Une nouvelle donne : rien ne sera plus comme avant Xynthia. Avec la crise économique qui frappe tous les pays européens, le bouleversement psychologique et l’impact dans la gestion foncière causé localement par Xynthia, le chiffre d’affaires 2012 pour beaucoup d’entreprises du bâtiment qui interviennent sur ce territoire sera en retrait de celui de 2011. Le mois de juillet 2012 a été particulièrement mauvais, à l’annonce de l’impact que pourraient avoir les nouvelles dispositions réglementaires et administratives qui vont prendre effet dans les prochains mois : le SCoT, les PLU, le PPRL. Les difficultés administratives actuelles pour la signature des permis de construire dans certaines communes du canton nord bloquent les nouveaux projets. Les professionnels craignent la diminution du L’opération Pass-foncier à La Flotte nombre de mises en chantiers neufs, dont le ralentissement est déjà ressenti. Les entreprises doivent aussi s’adapter aux nouvelles normes de construction antisismiques et de basse consommation d’énergie, avec leurs conséquences sur le prix de la construction.
« Dans ce ciel assombri, l’élaboration des Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) aura le mérite de clarifier et de préciser la situation pour chaque commune, dans le cadre général fixé par le SCOT, avec la prise en compte du Plan de Prévention des Risques Littoraux », dit un entrepreneur rétais. « Nous devrons nous adapter. Mais je crains comme beaucoup d’artisans, des dommages collatéraux et la réduction de la voilure de ma petite entreprise, pour reprendre une métaphore maritime ». Certains ont anticipé en ne renouvelant par les contrats d’intérimaires et la charge moyenne des carnets de commande conduit dans le meilleur des cas jusqu’au début du printemps 2013. Si les demandes de prêts à la construction présentées par les particuliers restent soutenues sur l’île de Ré, les investisseurs privés sont plus frileux et attendent des signaux économiques et fiscaux meilleurs.
Quelles solutions pour la survie du secteur ?
Les bailleurs sociaux seront-ils la planche de salut ?
Le président de la Communauté de Communes de l’île de Ré, LionelQuillet, l’a rappelé : « L’île de Ré est en retard sur les objectifs de construction de logements sociaux. Elle compte 30 logements sociaux pour 1 000 habitants, contre un peu plus de 40 pour 1 000 habitants sur le département. Sur la période 2000 à 2008 l’île de Ré a construit 16 logements sociaux par an, à un rythme bien inférieur à l’objectif de 52 logements sociaux annuels prévus au schéma directeur actuel, alors que dans le logement privé le rythme de construction était bien supérieur. C’est une de nos priorités ». Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a invité à la mobilisation générale en faveur du logement social, le 25 septembre à Rennes, lors du 73ème congrès de l’Union Sociale pour l’habitat. En insistant sur le rôle des collectivités territoriales et des bailleurs sociaux dans la construction de nouveaux logements, il a aussi relevé qu’une « grande partie de l’objectif repose sur le parc de logements privés ».
Des propositions ministérielles inadaptées au territoire rétais. Selon le premier ministre, il faut faire sauter le verrou du foncier disponible, tant public que privé. Il regrette que les investisseurs institutionnels se soient en partie retirés du marché et a défendu le renforcement de la fiscalité sur les terrains constructibles, pendant toute la durée de la détention afin de favoriser la construction privée. Il met à l’étude un mécanisme de péréquation financière au bénéfice des communes qui s’engagent pour la construction de logements dans les secteurs où les besoins sont les plus importants. « Il y aura des grincements de dents mais je veux libérer du foncier et je tiendrai bon », a t-il dit, sans plus de précision. Ces mesures ne répondent que partiellement aux demandes exprimées par les professionnels. Mais les volontés du premier ministre semblent difficilement applicables sur un territoire rétais bien spécifique à cet égard.
L’île de Ré et les logements sociaux. Les communes de l’île de Ré s’investissent dans des programmes nécessaires, en partenariat avec des bailleurs sociaux comme Atlantique Aménagement ou Habitat 17, pour atteindre les objectifs fixés. Mais les opérateurs rencontrent à ce stade plusieurs difficultés : le prix de l’immobilier, la forte tension du marché, la préférence des bailleurs privés pour une location saisonnière. Le SCoT prend en compte le besoin de construction de logements sociaux, nécessaire aux équilibres de l’île de Ré. Des programmes sont livrés à La Flotte, avec Atlantique Aménagement, l’opération Pass’foncier a permis la réalisation sur plan masse de 20 logements, dont 12 HLM et 8 accessions à la propriété pour des jeunes ménages dans des conditions avantageuses. D’autres se lancent dans d’autres communes : la construction de 14 logements débute le 1er novembre à Ars en Ré, sous convention avec Habitat 17. Il y a là des chantiers en perspective, mais il faut remarquer que les entreprises locales, faute de force commerciale, d’études ou de logistique, sont plus difficilement concernées par les appels d’offres, convoités par les grosses entreprises. Des groupements d’entreprises locales sur des opérations d’envergure, pourraient leur permettre de pétitionner.
La FFB interpelle les pouvoirs publics
Des propositions de sauvegarde de l’emploi et de survie des entreprises de la construction ont été co-signées par les quatre fédérations départementales du bâtiment de Poitou-Charentes
Si l’île de Ré fait encore bonne figure pour quelques mois, des situations difficiles se profilent début 2013 pour de nombreuses entreprises. Pour relancer au plus vite le secteur du bâtiment, les professionnels de la construction du Poitou-Charentes ont adressé une lettre ouverte aux pouvoirs publics, préconisant des mesures détaillées d’extrême urgence pour la sauvegarde de l’emploi et la survie des entreprises de la construction. Pour la Fédération Française du Bâtiment, il faut :
• soutenir l’offre du logement social et rapidement assurer l’accès au crédit en quantité et qualité pour les collectivités territoriales et les particuliers,
• mettre en place un régime fiscal adapté pour re-dynamiser l’investissement locatif privé,
• améliorer le financement des entreprises, en prévoyant l’application de délais légaux de paiement client, la mise en place d’une véritable politique d’assurance crédit et en facilitant l’accès au financement du cycle d’exploitation,
• lutter contre les offres anormalement basses par voie législative, pour assainir la concurrence,
• réduire le coût du travail, avec des réductions de charges.
Incontestablement, dès 2013, les professionnels de la construction dans l’île de Ré vont devoir s’adapter au ralentissement durable du rythme des constructions neuves, réglementairement et mécaniquement programmé. Selon les intentions relevées auprès des chefs d’entreprises, par réalisme économique, les PME et artisans rétais se re-déploieront sur le marché de la réhabilitation et des prestations de services en relation avec le parc de résidences secondaires, important dans l’économie rétaise. Mais une concurrence sévère et cruelle s’annonce dans ce secteur qui mettait jusqu’ici en exergue sur notre territoire l’entraide et la solidarité professionnelles.
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Lionel Quillet, président de la Communauté de Communes de l’île de Ré, est attentif à la situation
« En janvier 2013, le SCoT marquera notre volonté de freiner l’urbanisation, avec des périmètres et des zones constructibles limitées. Il y a une grosse attente sur le Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL), défini par l’État, avec la carte des aléas, qui enlèvera du foncier.
2012-2014 sera une période transitoire où nous entrerons dans la limitation de la constructibilité.
Je le constate déjà sur ma commune de Loix, où nous délivrerons 6 permis cette année, au lieu des 10 délivrés en moyenne les années précédentes. Nous observons déjà une nouvelle orientation du marché de la construction, avec la réhabilitation intérieure et extérieure de maisons, voire la démolition de bâtisses existantes au profi t d’une construction neuve. C’est la demande d’une clientèle exigeante et ce n’est plus le même travail !
Les entreprises vont devoir s’adapter à ce nouveau marché important de la réhabilitation, qui valorisera l’habitat existant, avec une haute qualité des prestations de tous les corps de métiers.
La Communauté de Communes a la volonté de rattraper le retard pris dans la construction du parc de logements sociaux, avec une commande de 450 logements. Il y a là un marché souvent pris par les grosses entreprises habituées aux réponses des marchés à appels d’offres, et aux moyens techniques développés. C’est un marché important, auquel nos entreprises locales pourraient s’intéresser. »
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