Protection animale sur l’Île de Ré : une évolution indispensable
De l’amour à l’indifférence, de l’irresponsabilité jusqu’à la cruauté gratuite, que dire de la condition animale sur l’Île de Ré ?
Heureux membres de foyers aimants, nombre d’animaux dits « de compagnie » sont aussi, hélas, les victimes innocentes de comportements humains peu recommandables voire honteux. Abandons, maltraitances, derrière la carte postale rétaise, tout existe. Y compris le pire. Pour les nourrir, les soigner et les protéger, des associations se mobilisent sans relâche, oeuvrant autant pour la collectivité que pour les animaux.
De plus en plus d’abandons
D’un bout à l’autre du territoire, le constat est identique et soulève l’indignation des responsables d’associations. « Les gens se débarrassent de leur chat, ils connaissent les campements » constate Marie Gignoux de La Côte aux Chats à Sainte-Marie. « Ils pourraient au moins appeler. Les chats, on n’en a rien à faire », s’exclame-t-elle.
A La Flotte, Danielle Le Floch (Les Chats de La Flotte) constate amèrement que lors du décès d’une personne âgée ayant par exemple un chien et un chat, la famille prendra le soin d’amener le chien à l’APAR pour mettre tout simplement le chat dehors. « Un chien ça se voit plus et puis ils pensent que le chat va se débrouiller, mais c’est faux ! », explique-t-elle. « Un chat qui a vécu dix ans sur un canapé ne sait plus se nourrir ni se défendre ». Alors nombreux sont ceux, parfois âgés, qui se font écraser ou meurent de faim. Une situation inacceptable pour les associations.
A Saint-Martin, Michèle Rotbarti s’évertue à retrouver les propriétaires. « Si un chat est tatoué ou pucé, on parvient à des résultats », nous dit-elle, « mais sinon, abandonné ou perdu, il devient un chat errant ». Avec tous les problèmes que cela entraîne. Car nombre de ces animaux, mâles ou femelles, ne sont pas stérilisés. « On retrouve un peu plus tard des portées de chatons qu’il faut attraper et faire stériliser. Ça ne s’arrête jamais », insiste Michèle Rotbarti, dénonçant « une irresponsabilité insupportable et dramatique ».
Le problème des campings
Attention, il ne s’agit pas de les montrer du doigt. Mais force est de constater que de nombreux animaux y sont abandonnés chaque année par des vacanciers peu scrupuleux, voyant là l’occasion « d’oublier » un animal devenu encombrant. Ou encore, des chats déjà errants viennent y quêter nourriture et compagnie. Bref, c’est compliqué.
Dans certains campings, des points de nourrissage sont installés avec l’accord des propriétaires. C’est le cas au camping municipal de Saint-Martin ou encore à La Flotte, où Mme Le Floch a été contactée par une propriétaire de camping. Ensemble, elles ont trouvé des solutions et fait stériliser les animaux.
Sur d’autres sites en revanche, la situation est bien moins reluisante : « certains propriétaires ne veulent pas que l’on vienne dans leurs campings et n’hésitent pas à empoisonner les animaux », s’insurge Danielle Le Floch. « Or non seulement c’est inacceptable mais ça ne règle pas le problème car d’autres chats seront abandonnés etc. », répète-t-elle. Mme Le Floch doit faire face à de plus en plus de frais vétérinaires. « Jusqu’à présent je n’avais pas fait les campings », précise-t-elle. Alors bien sûr, considérant le taux de prolifération des félins, il y a un vrai problème.
Que se passe-t-il au nord de l’île ?
Si les associations du Sud sont globalement soutenues par leurs communes, le Nord fait jusqu’à présent figure de mauvais élève.
Aux Portes, Brigitte Devron et son association disposent d’une subvention, de points de nourrissage et son travail est bien accepté. En revanche, ça se gâte du côté de Saint-Clément, Ars et Loix, où n’existe aucune structure. « Il y beaucoup à dire », explique Mme Devron qui se sent très seule. Elle nourrit des chats à Saint-Clément « à titre personnel ». A noter qu’elle a souvent essuyé insultes voire menaces dans un climat délétère. Au nord, des chats disparaissent mystérieusement et Mme Devron dénonce l’attitude des gens vis-à-vis des chats « qu’il est normal de blesser ou tuer ».
Sur ce vaste territoire, la prolifération des animaux errants empire. Y compris dans les campings, faisant écho aux propos de Mme Le Floch. Et même si un travail collectif de l’ensemble des associations rétaises se met en place, il reste qu’elles ne peuvent pas tout faire à elles seules.
Maltraitances et lâcheté
Les histoires évoquées par Mme Devron, trouvent un triste écho à l’APAR, où Natacha Cantat ne mâche pas ses mots. Il faut dire que depuis 1988 (année de création de l’association), elle et le Président Michel Bariou en ont vu. « J’ai commencé avec trois cages sur un terrain privé pour accueillir les animaux trouvés », raconte Natacha. Aujourd’hui « 30 chiens et 110 chats » sont à demeure et plus de 500 animaux passent chaque année par l’APAR.
Et si l’abandon est massivement au menu, les mauvais traitements aussi. Que dire de ce chien qui a vécu un an dans le noir d’une cave ou de celui abandonné sur place après une journée de chasse car trop vieux, il n’avait pas été « efficace », ou encore de ce chat, mis à tourner dans la machine à laver pour distraire les enfants ? Sans oublier les boulettes empoisonnées, ou encore les pièges à mâchoire, pourtant interdits par la loi.
Natacha dénonce avec force l’animal objet, évoquant l’après Noël et les vacances (fortes périodes d’abandon), avec quelques (lamentables) anecdotes comme ce chat que l’on vient « changer car sa couleur ne plaît pas » ou encore « la demande de location d’un chien ou d’un chat pour les vacances ». On croit rêver… Alors oui Natacha est devenue méfiante et se montre très vigilante lors des adoptions. Et si l’APAR est la fourrière officielle de l’Ile de Ré, elle refuse de « laisser mourir les animaux ». Ici pas d’euthanasie. Ils sont identifiés et stérilisés quand nécessaire mais aussi soignés, et aimés, le plus sûr moyen de les réconcilier avec l’homme. Même si certains « ne peuvent plus avoir de relations normales, souligne Natacha, « en raison des traumatismes qu’ils ont subis ». Alors ils vivent ici, dans le respect de ce qu’ils sont devenus. Dans le vaste jardin de 6 000m², certains chiens vivent en semi-liberté, pour d’autres c’est impossible car ils peuvent être agressifs. La peur leur colle à la peau, même celle de leurs congénères. Quant à la chatterie, elle est devenue le seul foyer de nombreux félins.
Ce que demandent les associations
Si de nombreuses communes soutiennent, y compris financièrement, les associations d’ailleurs reconnaissantes, reste qu’une situation très inégale sur le territoire soulève de vraies questions
. Souvent en manque de bénévoles, la protection animale associative rétaise fait ce qu’elle peut. Mais comment endiguer seules le phénomène de prolifération, issu d’un héritage touristique ou de l’inconscience de propriétaires persuadés « qu’il est bon pour une chatte de faire des petits » ? « C’est absurde. Tout ce qu’il en résulte, ce sont des chattes épuisées par des portées continues, des chatons malheureux et malades, quand ils ne finissent pas noyés dans une baignoire ou encore déposés dans un carton près d’une poubelle », s’insurge Natacha Cantat et avec elles toutes les responsables d’associations.
Des animaux errants qui sont parfois nourris par des particuliers attentifs « dont on ne peut exiger qu’ils assument les stérilisations » précise Mme Le Floch
. Les associations plaident donc pour une plus grande prise de conscience du problème des chats errants et d’une politique de stérilisation. Les mesures légales récentes et à venir devraient répondre à certains sujets (voir encadrés). Encore faudrait-t-il contrôler et donner, à tout le moins « une information sur les obligations légales à destination des touristes dans les campings », suggère Mme Le Floch, et ce « dès le pont » ajoute-t-elle, argumentant, comme ses partenaires, pour une démarche plus fédératrice.
Justement, à qui va la compétence en la matière ? A chaque commune. Qui ont pour la plupart une convention avec l’APAR au titre de la fourrière. Reste la gestion des chats errants et leur stérilisation, surtout au Nord comme nous l’avons vu. Là encore, des solutions existent puisque les grandes associations de protection animale françaises fournissent pas exemple des bons de vaccination à présenter en règlement des frais vétérinaires. Charge aux communes de faire preuve de bonne volonté et d’en faire la demande.
Enfin rappelons à toute fin utile que la gestion des animaux errants relève de la responsabilité légale des Maires. Il resterait beaucoup à écrire. Encore un article engagé. Et assumé. Sur l’île de Ré, la question des animaux errants (surtout des chats) est une conséquence (une mais pas toutes) de l’attractivité touristique. Un phénomène qui nécessite l’attention des pouvoirs publics et ne se règlera pas par l’assassinat.
Reste à saluer l’implication inlassable, la bienveillance, l’esprit collaboratif et les valeurs humaines que portent les associations existantes sur le territoire, qu’il faut surtout ne pas hésiter à contacter en cas de besoin et à aider aussi bien sûr, subventions et dons étant leurs seules ressources.
La condition animale dans son ensemble est l’un des enjeux sociétaux de notre époque. Rappelons que depuis 2015, l’animal bénéficie du statut « d’être vivant doué de sensibilité », au Code Civil. Une reconnaissance majeure qui prend peu à peu place, sous la pression des associations mais aussi de citoyens de plus en plus nombreux. Il faut dire que sans tomber dans des discours extrêmes, certains comportements questionnent, par-delà la condition animale elle-même.
Car finalement, quel type de relation sociale peut avoir un individu qui élève son chien à coup de poings ? Laissons à chacun le soin de la réflexion.
Ca bouge du côté des pouvoirs publics
En décembre dernier, le Ministre de l’Agriculture a présenté les grandes lignes d’un plan visant à lutter contre les abandons d’animaux de compagnie (100 000 chaque année en France, essentiellement chiens et chats).
« 750 000 chiens et chats sont officiellement vendus ou adoptés chaque année en France et l’on assiste malheureusement souvent à ce que l’on appelle des adoptions ou achats impulsifs », a expliqué Julien Denormandie dans les médias, ajoutant « qu’un animal n’est ni un produit consommable ni un jouet ».
La volonté gouvernementale devrait se traduire par différentes mesures dont « un certificat de sensibilisation obligatoire pour tout adoptant ou acheteur » et un meilleur encadrement des ventes d’animaux sur les plateformes type Leboncoin entre autres.
Un projet de loi déposé par des députés très investis et auquel ont participé les grandes associations de protection animale, doit être examiné prochainement. Il reprendra également la question des animaux sauvages dans les cirques et delphinariums et s’intéressera aux équidés.
Non au chat bashing !
Tout récemment, un article paru dans un grand quotidien a fait bondir les amis des chats, dont la Présidente de l’association L’Île aux Chats à Saint-Martin. Le chat y est présenté comme un prédateur implacable, véritable serial killer en matière de souris, mulots, arrivant en seconde position derrière la chasse concernant les oiseaux de jardins. Un discours qui scandalise Michel Rotbarti, rappelant que si les chats errants se comptent aujourd’hui en millions sur l’hexagone, la faute en est aux abandons d’animaux non stérilisés. Sachant qu’un couple de chats peut enfanter jusqu’à 20 000 rejetons en trois ans, il n’y a plus qu’à faire le calcul. D’où l’importance d’une stérilisation obligatoire qui devrait apparaître dans le projet de loi cité plus haut
Chat non identifié = 750 € d’amende
Le décret a été publié le 18 décembre dernier. Il y est stipulé que tout propriétaire d’un chat non identifié par tatouage ou puce électronique s’expose à une amende de 750 €. Auparavant, cette obligation ne valait que pour l’achat ou le don de chats âgés de plus de 7 mois.
Les chances de retrouver un animal pucé ou tatoué sont de 80%. Mais alors que 90% des chiens sont identifiés, ce pourcentage baisse de moitié pour les chats. Une négligence que le législateur espère ainsi corriger.
Une aide bienvenue
La jeune association Ré Ensemble Autrement a choisi de s’intéresser à ce dossier sensible. Au téléphone, sa Présidente Marie-Hélène Scotto, citée par les responsables d’associations animales, nous explique vouloir aider. A cet effet, l’association à vocation fédératrice travaille aujourd’hui à l’élaboration d’un diagnostic établi sur l’ensemble du territoire concernant les animaux errants. “Celui-ci pourrait ensuite être présenté aux élus”, préciset- elle.
Par ailleurs, un collectif de juristes spécialisées en droit des animaux s’est manifesté pour venir en soutien au travail des associations. Une prise de contact liée à la reconversion dans ce domaine d’un membre d’une association animale rétaise. Une initiative à laquelle nous ne manquerons pas de nous intéresser
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