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Projet éolien marin : où en est-on ?
Six mois après l’annonce du projet d’Oléron, cette grappe de parcs éoliens qui s’étendrait du Sud d’Oléron aux Sables d’Olonne, nous faisons le point avec Dominique Chevillon, membre du collectif NEMO*
Ré à la Hune : Quel regard portez- vous sur cet énorme dossier ?
Dominique Chevillon : Un regard collectif, celui de NEMO qui réunit des parlementaires, des élus, des communes, des associations, des organisations diverses, des professionnels et des particuliers qui, ensemble, travaillent dur pour faire échouer ce projet d’un gigantesque parc éolien industriel marin dont l’incohérence et l’inadéquation a surpris et frappé les esprits.
NEMO est en ordre de marche pour ce projet ?
Le Collectif NEMO couvre cinq territoires littoraux concernés directement. Nous avons cinq équipes locales à pied d’oeuvre. Dans l’île d’Oléron, dans la presqu’île d’Arvert dans le pays Royannais, en Aunis, dans l’île de Ré, et dans le sud Vendée. Ce sont des représentants locaux qui connaissent parfaitement leur secteur, sur le plan professionnel pour la plupart. Et une représentation qui comprend des biologistes, des ingénieurs, des énergéticiens, des responsables de l’économie primaire qui vivent de la mer et des responsables associatifs…
Pourquoi avoir constitué le collectif NEMO ?
Pour deux raisons : D’abord NEMO a été créée en novembre 2016, après une réunion qui avait rassemblé presque 200 personnes aux Mathes, première commune à adhérer à l’idée d’un collectif contre ce projet éolien, qui a fait l’objet d’annonces puis de renoncements plusieurs fois. C’était une anticipation, pour être prêt le jour J à l’heure H. Nous ne le regrettons pas évidemment nous avons appris à travailler ensemble et acquis beaucoup de connaissances sur l’éolien offshore, sourcées auprès des promoteurs éoliens mêmes.
Enfin nous savions que l’Etat n’était pas transparent dans la conduite des projets éoliens en général, ne donnant aucune information y compris aux élus des collectivités qui aménagent au quotidien le territoire. Un Etat se réfugiant dans les hautes sphères d’une stratégie de Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) incompréhensible vue du commun des mortels. Un État déléguant à l’un des promoteurs potentiels, l’allemand WPD, quelques discussions (toujours sans écrits) avec les pêcheurs, les associations naturalistes, un État Maître d’Ouvrage absent comme cela a été le cas à Saint-Brieuc, avec l’espagnol Iberdrola celui qui vient de polluer pour la deuxième fois la baie de Saint-Brieuc au grand dam des pêcheurs et des élus locaux !
Alors nous avons pris la décision d’informer tout le monde de ce qui se « tramait » en douce. En surfant sur le fait qu’il y avait tromperie, car le projet d’aujourd’hui était fondamentalement différent du dernier annoncé. Par son gigantisme, sa nature, ses modalités, ses impacts environnementaux, économiques, sur les métiers de la mer et le tourisme notamment.
Ce qui a valu les Lettres de NEMO que vos journaux « à la Hune » publient depuis plusieurs mois.
Notre « genre de beauté » à ce stade du dossier, est de donner des informations sourcées donc crédibles, aux citoyens, aux élus, pour qu’ils se forgent une opinion.
NEMO fait un travail d’Intérêt Général voire d’Intérêt Public… La majorité des gens ne nous voient pas comme des opposants mais comme des informateurs. Ils ont raison nous sommes leurs informateurs. Même si très récemment (29 juillet) Sud-Ouest a fait plusieurs pages effleurant le sujet.
Il y a quand même le Débat Public prévu organisé par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) ?
Oui, nous avons le plus grand respect pour la CNDP et pour sa Présidente, Chantal Jouanno, avec qui certains d’entre nous ont déjà travaillé. Comme pour les membres de la commission qui ont été désignés et son Président, un homme d’un commerce agréable qui veut bien faire, je crois.
Mais la réponse sur la qualité et l’intérêt de leur mission demeure inconnue aujourd’hui. Surtout quand les deux Ministres Mesdames Pompili et Girardin se déplacent en Charente- Maritime pour dire que la décision des parcs éoliens est déjà prise et que ce n’est que la localisation du premier parc et celle de ses extensions qui seront approfondies par la commission du Débat Public. Nous verrons bien. Sereinement.
Quel bilan tirez-vous à ce jour du dossier de ce projet gigantesque ?
Le Débat Public devait commencer au 1er juin, puis au 1er juillet, maintenant au 30 septembre pour se terminer au 31 janvier. La commission de Débat Public devrait donner son avis dans les deux mois suivants. La décision du Gouvernement serait repoussée en juin 2022. L’Etat n’a toujours pas donné la synthèse sur laquelle repose le Débat Public. On ne sait toujours pas qu’elles sont les spécifications du dossier et dans la planification on ne connaîtra les incidences environnementales notamment qu’après le Débat Public. Expliquez-moi comment les citoyens vont se prononcer sans connaître les conséquences de ces chantiers ?
Ce qui est important c’est que ce projet arrive après les expériences difficiles, voire négatives, des parcs éoliens précédemment programmés, voir le parc de Saint-Brieuc qui défraie la chronique. Alors les avis se multiplient à l’aune de ces projets précédents. Le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN)** et la Commission Supérieure des Sites, Perspectives et Paysages (CSSPP) ont rendu respectivement le 6 juillet et le 16 juin 2021 deux avis publiés ce 29 juillet 2021 qui à notre sens feront dates tant ils précisent clairement les impacts potentiels très importants sur la biodiversité marine et sur les habitats marins que les impacts visuels sur les paysages marins d’une valeur artistique, touristique et mémorielle inestimable.
Venant après l’avis du Conseil Économique, Social et Environnemental de la Nouvelle Aquitaine (CESER NA), interrogé par la Commission Nationale du Débat Public, qui invite l’Etat et le Conseil Régional à un moratoire sur le dossier d’Oléron et ses extensions pour mieux cerner les enjeux territoriaux, démocratiques, techniques, technologiques, industriels, financiers, environnementaux et permettre une décision construite avec les citoyens pour renouer la confiance et s’approprier les enjeux au-delà des seuls riverains et des parties prenantes mobilisées.
Nous aurons sûrement l’occasion de revenir dans vos colonnes sur ces avis très récents qui nécessitent une analyse rigoureuse.
Des avis qui ne pourront pas rester sans réponses. Ce projet est très loin d’être décidé, des vents contraires se lèvent tous les jours. Nous avons confiance dans son abandon. Le Président Emmanuel Macron vient de défendre ce 26 juillet à Papeete « le pragmatisme au cas par cas pour éviter d’abîmer nos paysages, il y a des endroits où l’on pourra encore faire des projets d’éoliennes parce qu’ils sont adaptés et pertinents, il y a des endroits qui sont déjà bien dotés et où il n’y a pas de consensus et donc oui il faudra nous-mêmes construire des stratégies alternatives ».
La Charente-Maritime a bien entendu. Message reçu.
* Non à l’éolien marin à Oléron et à son extension
**Avis du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) à consulter sur : www.avis-biodiversite.developpement- durable.gouv.fr/IMG/pdf/2021-17_avis_autosaisine_cnpn_eolien_offshore_france_du_06_juillet_2021.pdf
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