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Sur Ré, convention de ruralité rime avec gel de la carte scolaire
Début février, Mahdi Tamene, DASEN 17, a convié à la Communauté de Communes de l’île de Ré tous les Maires de l’île afin de faire le point sur l’organisation des services de l’Education nationale sur le territoire.
Le Directeur académique des services de l’éducation nationale de Charente-Maritime a proposé aux élus de s’engager dans l’élaboration collective d’un projet de territoire, devant aboutir à une convention, ayant pour objectif de « lutter contre les fragilités de l’école rurale…et d’offrir aux élèves de ces territoires une école de proximité et de qualité ».
Un courrier signé des 10 Maires
Dans un courrier commun daté du 28 février 2023, les dix Maires confirment leur intérêt pour cette approche, tout en réaffirmant quelques principes fondamentaux pour eux. Ils y soulignent l’esprit constructif du DASEN, ainsi que sa « réelle volonté d’associer étroitement les élus locaux à l’évolution de l’organisation de l’Education nationale sur notre territoire tout en maintenant le principe de la présence d’une école dans chacun de nos dix villages… La condition que vous avez posée comme préalable à cette construction partenariale, à savoir le gel de la carte scolaire à compter de ce jour et durant quelques années, nous paraît en effet constituer le prérequis à notre adhésion à cette démarche afin de travailler en toute sérénité et en toute confiance. »
« 1 village = 1 école »
Le président de la CdC et Maire de Loix, Lionel Quillet, salue cet état d’esprit, auquel l’île de Ré n’avait pas été vraiment habituée jusqu’ici, comme nombre de territoires ruraux. « Cette proposition est rare, lors de la réunion chaque commune a pris la parole, pour évoquer ses spécificités mais aussi celles du territoire. Nous avons tous exprimé notre attachement au principe « un village = une école » et notre souhait de gel de la carte scolaire, autrement dit pas de fermeture d’école ni de classe durant cette période de travail. »
Il peut être d’autant plus satisfait, qu’au-delà de cette approche très intéressante pour l’île de Ré, trois classes menacées de fermeture à la rentrée prochaine à Loix, Saint-Clément et Les Portes vont immédiatement bénéficier de ce moratoire. « Nous allons travailler sur le projet de territoire, les projets de logements attendus d’ici à 2026, les crèches, les projets pédagogiques comme par exemple à Loix l’école « tous dehors », les moyens mis en place par les communes et les efforts qualitatifs de tous, depuis les TPS (Très petite section) en maternelle jusqu’au collège. Toute la chaîne de l’Education nationale va être concernée par ce projet éducatif de territoire. La communication positive du collège ces dernières années a permis de contrebalancer en partie la concurrence d’établissements privés. »
L’approche est nouvelle, du moins sur l’île de Ré, car Mahdi Tamene l’a déjà éprouvée avec succès dans sa précédente affectation, dans le Jura. Ces « Conventions de ruralité », créées par l’Etat en 2016, concernent en effet les communes de Montagne et les territoires ruraux.
« Une carte scolaire du temps long »
« Entre fin février et début avril, nous sommes en période d’élaboration de la carte scolaire partout en France. Je souhaite, avec nos services, réfléchir à comment organiser l’offre scolaire de Charente-Maritime dans les années à venir. Si l’on s’en tenait au quantitatif, les problématiques démographiques sont encore plus importantes sur l’île de Ré (- 20 % d’effectifs scolaires du premier degré entre 2012 et 2022) que sur le département (- 8,9 % sur la même période). Nous souhaitons travailler la carte scolaire avec tous les maires du département sur un temps long, le temps de participer à l’aménagement du territoire, c’est ce que l’on appelle l’offre scolaire participative, l’Etat se veut plus en accompagnateur des Maires. », explique Mahdi Tamene.
« Un travail coopératif »
« Nous voulons une politique publique partagée en matière d’école en France, ce qui est d’autant plus justifié que les Maires mettent à disposition les locaux des écoles, des ATSEM, l’entretien et des investissements, cela représente un budget fort. Nous ne voulons pas de rapports de force. Les élus sont très mobilisés, nous voulons apporter cette ingénierie de territoire aux Maires et aux intercommunalités. »
Car certaines Communautés de Communes ou d’Agglomération prennent la compétence scolaire, qui est optionnelle, comme par exemple la CdA de Saintes. Cela n’est pas le cas sur l’île de Ré et Lionel Quillet est catégorique : « La CdC de l’île de Ré ne prendra pas cette compétence, les Maires sont très attachés à leurs écoles et cela doit rester une compétence communale. » La CdC peut jouer en la matière un rôle de coordinateur, facilitateur, elle porte l’aménagement du territoire, notamment au travers du financement des programmes de plus de vingt logements sociaux, mais l’école reste avant tout l’affaire de chaque commune.
« L’Education nationale n’a pas à se positionner ni inciter à la prise de compétence ou non par les intercommunalités. Sur l’île de Ré, le fait d’être en insularité, avec des spécificités fortes, et d’avoir une Communauté de Communes qui permet de rencontrer d’un coup tous les maires, facilite grandement l’approche. », nous explique le DASEN.
« Notre démarche concerne l’école, mais aussi le périscolaire et plus largement tout ce qui touche à l’éducation, à la jeunesse et au sport, notre démarche partagée concerne l’ensemble de ces domaines. »
Quid du collège ?
Le collège est-il concerné ? « Il sera nécessairement lié à ce projet. Il ne sera pas forcément dans la Convention de ruralité, du moins en termes de moyens mais évidemment au plan pédagogique il constitue la suite logique de la réflexion, d’autant que le cycle 3 du primaire concerne aussi la 6ème. La Convention aura donc forcément des déclinaisons au niveau du Collège, d’autant que la décroissance va y arriver aussi, dans quelques années cela va s’accélérer… », estime Mahdi Tamene.
« Nous allons réfléchir pour les trois… quatre, cinq années à venir, tout reste à faire ensemble. Notre sujet n’est pas forcément de parler d’ouverture ou de fermeture de classes mais davantage de conforter une école de qualité. L’Education nationale a une vision, c’est à chaque territoire de s’en emparer. Nous souhaitons travailler sur un projet pluriannuel d’au moins trois ans. En identifiant les points à développer sur les aspects pédagogiques, de ressources humaines, de bâtiments, nous allons passer au crible les besoins scolaires et périscolaires. Le gel de la carte scolaire peut être une des propositions de la convention ruralité. »
Rivedoux et La Flotte rencontrent le DASEN
Patrice Raffarin, Maire de Rivedoux et Conseiller départemental et Jean-Paul Héraudeau, Maire de La Flotte, ont souhaité rencontrer le DASEN quelques jours après la réunion à la CdC pour préciser certains points. Si le premier n’était pas présent à la réunion commune, mais y était représenté par son adjointe Julie Foulquier, le second, absent de l’île, ne s’y était pas fait représenter. Or le lancement de la démarche d’élaboration d’une Convention de ruralité nécessite l’accord des dix Maires de l’île, concrétisé par la signature d’un courrier commun rédigé par la CdC de l’île de Ré. Sans quoi il aurait été compliqué pour le DASEN de la justifier.
« J’ai souhaité le rencontrer à la fois avec ma casquette départementale et celle de Maire », nous explique Patrice Raffarin. « Jean-Paul Héraudeau et moi-même avons bien compris qu’aujourd’hui nos écoles de La Flotte et de Rivedoux-Plage ne sont pas menacées de fermeture de classe, mais dans un esprit de solidarité nous avons signé le courrier. Une fermeture de classe dans un village fragilise tout le territoire L’unanimité des Maires donne du sens à ce contrat. Toutefois, d’un point de vue départemental, je m’inquiétais du principe d’équité. L’île de Ré est souvent vue du reste du département comme un territoire riche et je me demandais comment justifier que nous n’aurions pas de fermeture de classe, sachant qu’à l’échelle du département il y a vingt postes budgétaires à rendre. Le Directeur académique m’a rassuré : cette démarche est proposée sur d’autres territoires et j’invite ainsi tous les territoires ruraux de Charente-Maritime à s’engager dans ce sens avec l’Education nationale. »
Autre réserve cette fois-ci du Maire de Rivedoux, le fait que le terme de trois ans coïncide avec la fin du mandat en cours. « J’espère que l’on réussira, mais si ce n’était pas le cas, si le couperet tombait à la fin du mandat/début du suivant nous refilerions la patate chaude aux élus suivants. J’ai demandé à ce que l’on travaille sur une échéance de quatre années. En plus, cela nous donnera une année de plus pour concrétiser de nouveaux logements. Le DASEN m’a entendu ». Interrogé par Ré à la Hune, celui-ci n’exclue pas la prolongation de la réflexion au-delà des trois ans, mais estime plus prudent de partir déjà sur ce tempo triennal… « Nous partirons sur une convention de trois ans, avec possibilité éventuelle d’un avenant pour une 4ème voire une 5è année. », précise-t-il.
Patrice Raffarin et Jean-Paul Héraudeau souhaitaient aussi s’assurer que le collège est inclus dans la démarche. « Le collège est fragilisé pour le niveau de la 5ème. A un élève près nous pourrions n’avoir plus que quatre classes de 5ème au lieu de cinq à la rentrée prochaine, les classes seraient surchargées avec trente élèves. Mahdi Tamene nous a répondu favorablement, il va reconsidérer le nombre de classes. L’intérêt d’intégrer le collège dans ce travail de concertation dans le cadre d’une convention de ruralité permettrait de figer le nombre de classes », estime Patrice Raffarin. Si Mahdi Tamene confirme l’intégration du collège dans la réflexion en termes pédagogiques, le collège étant le prolongement immédiat de l’école (lire ci-dessus), le DASEN reste là aussi prudent : « On va approcher le collège pour qu’il soit intégré dans notre démarche pédagogique, mais ce ne sera pas le cas en termes de moyens. Je réfléchis déjà comment inclure dans une réflexion globale écoles et collège, mais je ne voudrais pas générer une déception en faisant des promesses non réalisables. »
« Enfance inadaptée »
Un autre souhait des deux élus est que soit lancée une réflexion d’intégration des enfants en difficulté, au travers la création d’une classe ULIS au collège. « Il s’agit pour moi d’un engagement politique de campagne, faisant suite à la dissolution de « La Tête dans les nuages » qui n’avait pas reçu l’agrément, à l’issue de cinq ans d’existence. Je souhaite que nous ayons sur l’île de Ré un vrai projet pour accueillir au collège les enfants inadaptés, avec aussi la possibilité d’en accueillir certains en internat. Y accueillir d’autres profils d’élèves serait bénéfique à la fois pour les collégiens et pour mieux remplir l’internat. Le DASEN nous a confirmé qu’il partage cet objectif et que nous allons y travailler. » conclue Patrice Raffarin.
Un projet motivant dans un contexte tendu
L’accord formalisé par une lettre signée des dix Maires de l’île de Ré ayant été envoyé ce 28 février par la Communauté de Communes de l’île de Ré au DASEN, la démarche reste à être validée ces jours-ci par les structures de consultation : le CTSD (Comité technique départemental), puis le CDEN (Conseil départemental de l’éducation nationale) qui travaille sur la carte scolaire et doit notamment se réunir ce 8 mars 2023.
En attendant, Lionel Quillet se réjouit de la signature par les dix Maires rétais d’un courrier commun au DASEN. « L’initiative de Monsieur Tamene est positive pour notre territoire et je suis particulièrement heureux que les dix Maires de l’île aient su saisir cette opportunité. Tout reste à écrire et je suis certain que l’Education nationale saura entendre la voix des élus locaux et prendre en compte dans son organisation nos spécificités insulaires. Nous avons tous un seul et même objectif : la qualité de l’enseignement conjuguée à l’épanouissement de nos enfants. »
Tout le monde est bien conscient que « la décroissance démographique » – observée partout en France rurale -, qui touche déjà nos écoles et commence à affecter le collège, entraînera dans les années à venir une réorganisation scolaire. Dans ce contexte, une telle démarche d’anticipation et de concertation, visant à privilégier le qualitatif plutôt que la seule lecture « comptable » des effectifs, qui prévalait jusqu’ici et que dénonçait chaque année les élus, est à applaudir des deux mains. Tout comme l’unanimité trouvée parmi les Maires, devenue plus rare ces derniers temps.
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