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Projections et débat sur le thème de l’agriculture locale et durable
Parmi les huit films sélectionnés par le jury national, la Biocoop et Ré Jouir avaient choisi deux documentaires qui ont séduit un public venu nombreux ce soir du 12 novembre.
Sous une pluie fine et par un froid quasi-hivernal, le public est accueilli par Johan Barrer de Ré Jouir et Geoffroy Maincent de la Biocoop, co-organisateurs, qui expliquent leur volonté de faire un travail de fond et d’interroger les problématiques de notre territoire. L’an passé, Johan était dans l’organisation de ce même festival avec Charline Attia sur Nantes.
Le public a répondu présent !
Une cinquantaine de personnes est présente. Parmi elles, des gens de différents horizons.
Jules, 20 ans, jeune surfeur rivedousais, étudiant à la fac de la Rochelle en licence de géographie aménagement. Il déplore le fait que le sujet de l’agriculture sur l’île de Ré ne soit pas abordé à la fac et se montre très intéressé par les sujets abordés ce soir concernant son territoire.
Joël, de l’association « Action environnement », s’intéresse au devenir des terres de l’île. Les sujets de préoccupation de son association sont notamment l’eau et la difficulté pour les maraîchers de s’installer. « On est là pour défendre l’environnement durable, l’installation d’un maraîchage vivrier diversifié ».
Léa, habitante de St Martin, travaille à La Rochelle dans différentes organisations sur des projets d’agriculture pour nourrir la ville. Elle est surprise et enchantée de constater que le festival Alimenterre a aussi lieu sur l’île. Elle déplore le manque de diversité dans l’agriculture rétaise et participe ce soir pour voir comment faire bouger les choses, comment aider les projets qui s’installent et les petits producteurs locaux. « Trouver du foncier avec des qualités agronomiques suffisantes, tout le matériel nécessaire, du logement… C’est un vrai projet de territoire sur lequel les élus doivent se prononcer et investir, il faut profiter de la dynamique locale actuelle ! »
Deux films sélectionnés
« Sur le champ » et « Au-delà des clôtures » tentent d’apporter des solutions, en partant à la rencontre d’acteurs de terrain, pour une transition vers des systèmes plus respectueux des hommes, de la nature et des animaux. Un modèle résilient est mis en avant : il replace l’humain au centre et cohabite de façon plus harmonieuse avec l’environnement dont les paysans dépendent pour produire. Tout cela dans l’optique de s’émanciper de l’agriculture industrielle au profit d’une agriculture durable.
Des invités impliqués sur le territoire
Jean-Baptiste Lacombe, chef d’exploitation et gérant du « Potager roi » au Bois-Plage, souhaite « échanger avec les gens intéressés pour faire avancer les choses sur l’île de Ré concernant la production agricole, notamment maraîchère ».
Louis Merlin, producteur de sel impliqué notamment dans « Charente maritime coopération », la coopération décentralisée du département 17, nous explique : « on retrouve dans le sel qui est une monoculture très spécifique beaucoup de sujets que l’on a vu dans les films, notamment la question des marchés, de l’économie d’exploitation, des petits producteurs dans un monde dominé par l’industrie de l’agriculture ».
Ivonig Caillaud, maraîcher aux « Jardins de Mouillebarbe », exploitation familiale située à Ars en Ré, travaille avec un mode de production responsable et une commercialisation locale et équitable.
Un débat riche et animé axé principalement sur le local
Après un beau repas offert et bien cuisiné par Matahari, très vite les échanges dépassent le débat consensuel et théorique. Dans le public on se demande si l’agriculture locale pourrait suffire à nourrir l’île, mais ne bénéficiant pas d’un arrière-pays cela semble compliqué au niveau des surfaces, des bâtiments agricoles, du climat océanique… On retrouve cette problématique sur toutes les îles. Pour l’instant la plupart des maraîchers se concentrent sur la saison où il y a le plus de monde pour des raisons économiques. Dans le public, une personne explique qu’au milieu du XIXe siècle, la population de l’île était la même mais sans tourisme et vivait quasiment en autarcie. Qu’aujourd’hui l’économie des deux monocultures que sont la pomme de terre et la vigne captent tellement l’attention qu’il est compliqué pour le maraîchage de s’exprimer. Cependant les exploitations restent de taille raisonnables, transmissibles et ne peuvent se développer autant que sur le continent. Certains en appellent à la vigilance car l’appellation « île de Ré » attire des investisseurs qui pourraient changer la donne par opportunisme financier.
Les aides publics
Sur la question des aides de l’État posée par un jeune dans la salle, l’aide à la conversion et l’aide au maintien de la PAC (politique agricole commune), en ce qui concerne le bio, représentent des sommes assez modestes et ne sont en aucun cas un moteur. L’analyse du site internet de la PAC qui recense toutes les aides accordées laisse à penser à plusieurs personnes de la salle qu’il existe un non-sens entre la volonté et la réalité dans la mesure où la plupart des aides vont à des exploitations qui ne prennent pas réellement en compte la dimension environnementale. Les « petits » du secteur ont du mal à se faire entendre pour changer les choses, y compris au niveau du ministère de l’agriculture qui par le biais du label HVE (haute valeur environnementale) dilue le label bio dans des normes beaucoup moins efficaces au niveau éthique. Pour M. Lacombe, le fait d’arriver à fonctionner sans aide démontre que le modèle est sain et ce sont plutôt les grosses exploitations qui devraient se poser la question de leur modèle. Mr Caillaud temporise sur la question des aides en parlant d’autres programmes financés par la Région et l’Europe, des aides à l’investissement et à l’installation avec des critères de points favorisant le bio, ces aides ne représentent pas grand-chose mais sont un petit coup de pouce.
Le caractère vital de l’eau
La question de l’eau sur l’île est également une problématique importante. Par exemple, le potager des 1000 fleurs ainsi que le Verger d’à côté se partagent l’eau qui arrive de la ville à 1.60€ le m3, ce qui rend l’exploitation très difficile. On connaît mal la quantité disponible sous nos pieds (contrairement à d’autres îles qui ont fait l’étude), certains forages s’épuisent au moment de l’été, d’autres donnent de l’eau saumâtre et l’eau propre de la station d’épuration ne permet d’arroser que certains types de plantation et n’est pas accessibles à tous…
La question est donc de savoir quelle est notre ressource en eau, comment l’utiliser de manière équitable (avec le problème des piscines et des pelouses notamment pour lesquelles les nappes phréatiques sont souvent utilisées), et surtout comment mieux la réutiliser. La question est renvoyée aux politiques mais aussi aux particuliers qui doivent prendre conscience du caractère vital de l’eau.
Certains déplorent l’absence de bâtiments publics vertueux sur l’île de Ré qui pourraient entre autres servir à mieux récupérer l’eau de pluie, contrairement à ce qui se passe majoritairement ailleurs en France (également avec des incitations pour les privés).
Patrick Salez, élu à La Flotte, explique le projet de la mairie de récupération des eaux usées servant déjà à des agriculteurs et maraîchers avec possibilité d’extension sur Ste Marie, ce à quoi certains lui rétorquent que cette irrigation est prévue surtout pour les monocultures et non pour du maraîchage diversifié.
L’arrivée du Projet Alimentaire territorial (PAT)
On continue avec le PAT qui vient d’être lancé par quatre Communautés de Communes du département dont l’île de Ré (ce dispositif existe en France depuis longtemps). Les PAT sont élaborés de manière concertée à l’initiative des acteurs d’un territoire. Ils visent à donner un cadre stratégique et opérationnel, à des actions partenariales répondant aux enjeux sociaux, environnementaux, économiques et de santé. L’idée est aussi de sensibiliser la population à une alimentation de transition. A ce sujet, des acteurs locaux expriment leur regret car par exemple, sur Oléron ou l’île de Bréhat, ce PAT existe à l’échelle de l’île, ce qui permet de le maîtriser localement. Pourquoi diluer ce PAT avec plusieurs autres Communautés de communes, le risque pourrait être notamment de globaliser et de se satisfaire de maraîchage diversifié sur le continent au détriment de l’île de Ré.
Questions aux politiques :
Plus généralement, c’est la volonté politique locale qui est donc questionnée. Quid de la diversité agricole ? Pourquoi ne pas être plus ambitieux ? Pourquoi ne pas ajouter dans le règlement d’urbanisme des zones avec des contraintes au niveau agricole (élevage, bio, diversité agricole…) ? Au niveau communal, pourquoi ne pas faire des baux ruraux à clauses environnementales sur les terres publiques, préempter des terres pour faire des régies en y installant des maraîchers ? Travailler à l’incitation pour les terres privées ? Pourquoi ne pas sanctuariser les terres agricoles au travers du PLUi ? Comment régler deux injonctions qui deviennent contradictoires au lieu d’être symbiotiques : l’une de faire de l‘agriculture agro-environnementale et l’autre de protéger l’environnement et le paysage (implantation de serres, de locaux, de haies…) ?
Il est prévu de nommer un représentant pour le dialogue entre la CdC et les agriculteurs, ce qui ravit beaucoup de monde dans la salle qui ne peut s’empêcher de comparer avec l’île d’Oléron. Là-bas, il y a trois représentants, un pour la politique agricole, un pour le foncier et l’équilibre dans l’utilisation des terres et un pour le PAT et les circuits courts.
Des solutions à la portée de tous
Pour continuer sur un terrain plus pragmatique, une spectatrice pose la question de ce qu’il est possible de faire à l’échelle du citoyen pour aider ces processus en dehors du terrain politique, ne pas rester avec un sentiment d’impuissance. Parmi les réponses, notons l’engagement associatif, le fait de chercher à comprendre et d’en discuter, considérer que chaque acte d’achat alimentaire est un vote (par exemple, la demande en vin bio n’augmente pas auprès de la coopérative). Léa nous explique le projet de « Fermes urbaines » de La Rochelle avec le programme « remmène ta fraise » ou chaque mois un chantier participatif est mis en place pour aider un petit producteur local. L’idée emballe les maraichers du fait que le chantier soit cadré mais aussi le public, Léa se propose de réfléchir à la mise en place de ce programme sur l’ile. Autre lueur d’espoir avec cette idée qui se pratique dans d’autres iles mais aussi par exemple à Guérande dans les marais salants, c’est la propriété collective foncière qui permet l’acquisition de terres par une multitude de petits porteurs avec par exemple des parts à 100 € chacun pour ensuite les louer ou les revendre à des porteurs de projets agricoles. Une manière de se réapproprier la notion de biens communs.
A noter que personne ne sera sorti de la salle avant la fin du débat, les échanges vont bon train après coup et l’enthousiasme fait plaisir à voir !
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