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« Si le PLUI tombait ce serait la Loi nationale d’urbanisme, avec sa logique de densification, qui s’appliquerait »
En ce début d’été, Ré à la Hune et NA Radio 104.1 FM ont interrogé Lionel Quillet sur les grands sujets d’actualité de l’île de Ré.
Ré à la Hune et NA Radio : Dans votre rôle multiple, de maire de Loix, de président de la CdC, de 1er vice-président du Département, ou encore de Chef d’Entreprise comment faites-vous face à toutes ces responsabilités et qu’est-ce qui change quant à la gestion d’un dossier ?
Lionel Quillet : C’est beaucoup de travail avec passion du lundi au dimanche midi. Je suis aussi entouré de personnes très importantes et délègue beaucoup. Je reste dans l’état d’esprit de Chef d’Entreprise dans mon fonctionnement, je souhaite des validations et mises en oeuvre rapides.
La grande différence est qu’en Entreprise on est dans l’objectif de production et de rendement, tandis que dans la collectivité c’est l’intérêt général qui nous guide, plus difficile à gérer car on ne peut donner d’ordres, il faut rendre compte aux citoyens, etc. Les problèmes sont aussi plus difficiles et les réactions souvent plus injustes une bonne idée peut partir très mal juste du fait d’une opposition.
En politique il faut savoir attendre, patienter, ne pas prendre de risque, je suis tout le contraire ! Je reste dans l’esprit de réaliser et ce qui m’anime est la bienveillance, l’affectif, l’humain. Ce qui m’intéresse ce sont les projets, les réalisations, pas les titres et rien ne me fait plus plaisir que d’inaugurer une crèche, des logements, etc.
J’aurai peut-être des choix à faire à l’avenir.
D’ici à la fin de l’année, quelles sont vos dossiers prioritaires pour l’île de Ré ?
Le PLUI qui est un exercice difficile puisque pour la première fois les maires ne sont plus confrontés à un POS par commune mais à un plan pour l’ensemble de l’île de Ré. Je crois qu’on va y arriver, il faut beaucoup de liant, respecter les sensibilités de tous mais au final il conviendra d’arbitrer. En outre, la discussion avec l’Etat est très bonne, le préfet est de grande qualité, c’est un homme pragmatique, qui exerce certes son autorité, tout n’est pas facile, mais le dialogue est constructif.
Le PLUI ne va pas être une grande révolution, l’urbanisme est terminé sur l’île, il faut travailler sur la définition de l’intérieur des 20 % et garder un équilibre. Le dossier mobilité sera déterminant, ainsi que celui du logement encore insuffisant.
Il n’y a pas de bataille entre les maires mais il faudra arbitrer au final sur les projets, sachant que sur Ré existe une vraie unité des dix communes, 95 % des votes se font à l’unanimité, même s’il existe certaines postures.
Vous attendez-vous à des recours à l’encontre du PLUI comme ce fut le cas contre le SCoT ?
Oui bien sûr on l’entend et cela se prépare déjà, cela permet d’exister pour certains, et je sais à peu près d’où cela va venir.
Le SCoT, annulé pour une raison de forme et non de fond, était très restrictif, en le faisant tomber on a perdu le numerus clausus sur les hôtels et campings.
Bien qu’extrêmement cadré, le PLUI sera attaqué, mais ce sera plus difficile et ceux qui jouent à cela font risquer gros à l’île de Ré. Si le PLUI tombe, il n’y aura plus de POS, il n’y a plus de SCoT, et ce sera la Loi nationale qui s’appliquera dans sa logique de densification urbaine. Hier le SCoT et aujourd’hui le PLUI de l’île de Ré vont à l’encontre de ce courant national.
L’Île de Ré est-elle un exemple quant à la gestion des flux touristiques de masse quand on sait qu’il y a quelques jours encore, une délégation Indonésienne est venue voir ce que vous saviez faire sur l’île ?
Le Département est lié à l’Asie, l’Agglomération rochelaise à l’Indonésie, et la délégation a été étonnée de voir comment une île soumise à une telle pression a pu rendre 80 % de son territoire inconstructible. Il est vrai que nous bénéficions de l’atout fort qu’est l’écotaxe, qui ne peut être appliquée partout. Nous menons aussi avec Destination Île de Ré un travail axé sur la qualité et non sur la quantité du tourisme.
Malheureusement la « marque » île de Ré est tellement forte que la location individuelle explose contribuant à ce que j’appelle le « taux d’étouffement ».
Faire des choix s’impose dans le cadre de notre projet mobilité qui sera le projet phare de fin de mandat. Nous avons prévu avec Dominique Bussereau une visite en Corée à l’automne. Il nous faut mettre en place un projet de transport électrique autonome, en site propre pour faciliter la cadence du transport collectif et encourager ce mode de déplacement.
Comment expliquez-vous que l’avant saison ait mis du temps à démarrer cette année d’après les professionnels ?
La météo difficile, les grèves n’y sont pas étrangères. Mais il faut aussi comprendre qu’il se crée actuellement en concurrence directe entre 500 et 700 hébergements par an, soit 3000 chambres depuis cinq ans, du fait des locations des particuliers.
Ces nouveaux hébergements livrent une concurrence fantastique aux professionnels qui supportent de plus des contraintes et normes élevées. Et contribuent largement à mettre des véhicules en plus sur les routes. C’est « chacun pour soi » et c’est très difficile de ramener à l’intérêt général. L’île est calibrée pour une population permanente qui passerait de 18 000 à 20 000 habitants, elle peut supporter un pic de 125 000 personnes l’été, pas davantage.
Les sauniers de l’île de Ré en association avec leurs homologues de Noirmoutier notamment ont tiré la sonnette d’alarme quant à l’AOP dont vont bénéficier leurs concurrents camarguais alors qu’il s’agirait d’un produit dont la qualité laisse à désirer… Comment comptez-vous les soutenir ?
Il s’agit d’un combat mené de longue date et perdu, du combat entre l’Agroalimentaire et de petits producteurs, reflet de notre société. C’est d’autant plus préoccupant que nos sauniers se donnent beaucoup de mal et sont les marqueurs de l’environnement.
Nous allons réunir les élus de Noirmoutier, Guérande, et des îles de Ré et d’Oléron, faire appel aussi à Dominique Bussereau, au député européen, aux sénateurs et députés français pour mener tous ensemble une action. Le Ministère de l’Agriculture n’a pas compris l’enjeu.
De plus en plus d’acteurs du territoire montent au créneau au sujet de la qualité des eaux littorales soulignant le paradoxe entre « le bijou environnemental » qu’est l’île de Ré et la détérioration de la qualité des eaux qui l’entourent (algues vertes, déroctages, autres pollutions marines…). Entendez-vous vous saisir du sujet et comment ? Avez-vous une latitude d’action en la matière ?
Il s’agit d’un sujet extrêmement difficile car on est sur le Domaine de l’Etat. La CdC de l’île de Ré intervient sur tout le territoire terrestre et sur l’estran jusque-là où on a pied…On a réussi l’opération certes symbolique mais forte de la réintroduction des homards. Mais dès que j’ai tenté des interventions en matière de pêche, on m’a rappelé que nous n’étions pas dans notre domaine de compétence.
Entre le Grand Port Maritime et l’Agriculture, avec les ostréiculteurs au milieu de tous ces enjeux, c’est compliqué. Ce débat va être relancé. Je me suis aussi investi dans le Parc Naturel Marin qui prend du pouvoir mais dont l’efficacité n’est pas là (cf dossier des granulats).
Un des plus grands enjeux de notre littoral est le lien entre les estuaires, extraordinaire point nourricier. On ne s’est pas donné les moyens cela va évoluer j’espère car l’on a perdu trop de temps.
Le logement des jeunes et des travailleurs saisonniers pose problème sur l’île de Ré. Vous avez évoqué un partenariat avec le Campus des Métiers de Lagord, des chambres au futur Internat du Collège de St Martin…Quelles sont les solutions que la Collectivité envisage et à quelle échéance, notamment en matière de logement saisonniers ?
Nous n’avons déjà plus de foncier pour les habitants permanents, le sujet n’est donc pas facile. Le logement des saisonniers est d’abord de la responsabilité des professionnels qui y mettent des moyens, du moins pour les plus importants d’entre eux. Pour les moyens et petits c’est difficile, nous sommes ainsi en train de discuter d’un partenariat avec le Campus des Métiers de Lagord, on me demande toutefois financièrement beaucoup au titre d’un « ticket d’entrée », les loyers eux d’un tarif raisonnable étant pris en charge par les saisonniers locataires, ce qui est normal. Je dois trouver un accord financier acceptable pour la Collectivité, qui doit aussi organiser le transport des travailleurs saisonniers depuis Lagord. Il s’agit d’une centaine de logements disponibles en juillet & août.
Cela fait dix ans qu’on est sur ce sujet, qui était déjà central aux préoccupations du club d’Entreprises que nous avions créé.
Hormis ce site de Lagord, la CdC ne pourra pas tout faire, il n’y a plus de foncier et mettre 3 à 4 millions d’euros pour loger vingt saisonniers serait exorbitant.
Le mot de la fin ?
Je suis passionné par ce que je fais et en accord avec moi-même, tant que ce sera le cas j’avancerai.
Propos recueillis par Nicolas Coûte et Nathalie Vauchez
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