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Un Plan Local d’Urbanisme Intercommunal « choisi » pour l’île de Ré ?
Lors du conseil communautaire du 24 septembre les élus communautaires ont voté à l’unanimité le transfert de la compétence en matière de PLU, ce qui était très loin d’être acquis au début de l’été.
Cette unanimité, malgré un mouvement de mauvaise humeur du Maire de Saint- Clément, Gilles Duval, et quelques commentaires de celui de La Flotte, Léon Gendre, fait suite au gros travail de sensibilisation et de concertation mené fin août et en septembre, auprès de l’ensemble des délégués communautaires puis des conseillers municipaux, tous consultés lors du séminaire de travail qui s’est tenu le mardi 15 septembre. Ré à la Hune a publié sur son Site www.realahune.fr dès le 18 septembre une première version de cet article complet sur les enjeux et les modalités de ce dossier essentiel pour l’avenir de l’île de Ré.
A la suite de l’annulation du SCOT de l’île de Ré par décision du Tribunal Administratif de Poitiers du 9 juillet dernier, les élus communautaires se sont donnés le temps de la réflexion. Malgré une phase de relatif découragement durant l’été, les Maires se sont rencontrés au mois d’août pour échanger sur ce dossier. Une nouvelle rencontre début septembre des vice-présidents de la CdC a entériné leur volonté politique de se lancer dans une démarche choisie d’élaboration d’un PLUI pour l’île de Ré.
Le Président de la Communauté de Communes, Lionel Quillet, a ensuite réuni dans la première quinzaine de septembre les 26 délégués communautaires, qui se sont montrés également favorables à cette démarche « accélérée ». Mardi 15 septembre les élus municipaux des dix communes rétaises auxquels se sont joints des directions générales des services des communes ont été à leur tour réunis en séminaire (120 personnes présentes), afin de se voir expliquer les enjeux d’un PLUI et présenter les deux hypothèses possibles : choix de se lancer dans son élaboration avant la fin de cette année, ou obligation de le faire avant le 27 mars 2017.
Une annulation du SCOT lourde de conséquences
Après avoir rappelé que le SCOT a été annulé pour seuls vices de forme malgré sa validation sur le fond, le Président de la CdC a présenté les conséquences de cette annulation (lire son interview à ce sujet dans Ré à la Hune N° 125). Les PLU en cours d’élaboration dans les communes ont désormais pour seul encadrement juridique les dispositions du code de l’urbanisme et les principes de densification des zones urbaines, fixés notamment par la loi ALUR, s’imposent aux PLU. Si le principe d’urbanisation limitée de l’île de Ré continue de s’appliquer, les zones à urbaniser des POS peuvent désormais être urbanisées pour n’importe quelle vocation, soit 21,10 hectares de zones urbanisables supplémentaires par rapport aux 23 hectares prévus au SCOT.
Qu’est-ce qu’un PLUI ?
Il s’agit d’un « document d’urbanisme qui, à l’échelle d’un groupement de communes, établit un projet global d’urbanisme et d’aménagement et fixe en conséquence les règles générales d’utilisation du sol sur ce territoire ». Un PLUI doit permettre l’émergence d’un projet de territoire partagé prenant à la fois en compte les politiques nationales et territoriales d’aménagement et les spécificités locales. Il vise à réaliser un projet commun tout en identifiant les enjeux spécifiques des communes et ceux relevant de l’intercommunalité. Contrairement au SCOT qui reste un schéma d’ensemble, un PLUI rentre dans les aspects réglementaires et architecturaux de la gestion de l’urbanisme.
La procédure d’élaboration d’un PLUI est semblable et toute aussi longue et lourde que celle d’un SCOT, même si leurs contenus sont tout à fait différents. En effet, conférence intercommunale sur les modalités de collaboration, prescription et modalités de concertation par délibération communautaire, élaboration du projet suivie d’un débat sur les orientations du Plan d’aménagement et de développement durable (délibération communautaire), arrêt du projet (délibération communautaire), enquête publique d’au moins un mois, rapport du commissaire enquêteur, puis approbation du projet (délibération communautaire) en constituent les différentes étapes incontournables, soient 3 ans de procédure.
Les élus avaient deux possibilités, entre choix et obligation
La première pour laquelle viennent d’opter les élus communautaires est de choisir de se lancer dès ce mois de septembre 2015 dans l’élaboration du PLUI, avec un timing extrêmement serré puisque l’arrêté préfectoral doit intervenir avant fin décembre 2015.
L’hypothèse alternative consistait à laisser les communes finir d’élaborer leur PLU et d’attendre la date limite du 27 mars 2017 pour remplir l’obligation légale : en effet à cette date les dix communes devront avoir approuvé leur PLU et l’intercommunalité avoir initié un processus d’élaboration d’un PLUI.
Les conséquences positives du choix des élus sont de plusieurs ordres. Les POS sont maintenus, sans retour au RNU (Règlement national d’urbanisme). Un PLUI favorise une cohérence dans l’aménagement du territoire, en adéquation avec les dispositifs réglementaires et induit une économie de moyens. Substitut du SCOT, il peutlaisser présager un travail commun avec les Services de l’Etat sur le PPRL. La Préfecture était très favorable à l’élaboration d’un PLUI dès maintenant pour l’île de Ré. Politiquement opter pour cette première hypothèse est très habile – et cela n’a manifestement pas été bien perçu en amont par tous – puisque à ce stade une seule majorité dite qualifiée (moitié des conseillers représentant 2/3 de la population ou 2/3 des conseillers représentant la moitié de la population) suffisaitt alors qu’en 2017 une minorité de blocage (au moins 25 % des communes ou représentant 20 % de la population) aurait pu faire échouer le projet de lancement d’un PLUI…
Ce qui change…
La gestion de l’urbanisme de l’île de Ré reste identique pour ce qui concerne l’instruction des permis de construire et autres documents d’urbanisme réalisée depuis octobre 2014 par la CdC, les Maires conservant leur pouvoir « régalien » de signature des actes, et le personnel dédié à l’instruction restera communal. Côté planification de l’urbanisme, cette compétence est transférée à la CdC.
Un Comité technique composé de la CdC, des agents en charge de l’urbanisme dans les communes et d’un bureau d’études, un Comité de pilotage auquel siègeront les délégués communautaires et les adjoints à l’urbanisme des communes, et enfin bien sûr le conseil communautaire seront les acteurs du projet, les phases de concertation y associant les « personnes publiques associées », les conseils municipaux. Les élus devront décider si les acteurs professionnels, certaines associations, etc seront conviés comme ce fut le cas dans le cadre du SCOT… A Léon Gendre lui conseillant vivement d’associer les acteurs, le président Quillet a répondu vertement qu’il n’avait pas de leçon de démocratie à recevoir…
Les prochaines étapes
Lors du Conseil communautaire du 24 septembre les élus ont ainsi délibéré sur « le transfert de la compétence en matière de PLU, de document d’urbanisme en tenant lieu et de carte communale ». En octobre les conseils municipaux devront chacun délibérer sur ce transfert. Lors du Conseil communautaire du 29 octobre sera délibérée la « prescription » du PLUI et se tiendra « la Conférence intercommunale fixant les modalités de collaboration entre les communes, pour l’élaboration du PLUI ». A la suite de cela, l’arrêté préfectoral pourrait intervenir en novembre et en tout état de cause avant le 31 décembre 2015, suivi d’une délibération du conseil communautaire le 17 décembre qui donnerait le « la » du lancement officiel de la démarche de PLUI.
Si les élus municipaux confirment leur position favorable, la prescription d’un PLUI avant le 31 décembre 2015 permettra de suspendre les délais et contraintes qui s’imposent à court terme aux POS et aux PLU, à savoir la « grenellisation » des documents d’urbanisme avant le 1er janvier 2017 et la caducité des POS de l’île de Ré au 27 mars 2017, avec en corollaire le retour au RNU.
La démarche se déroulera sur l’ensemble de l’année 2016 avec une date butoir pour le débat du PADD fixée au 27 mars 2017 et une approbation du PLUI espérée avant fin 2018, la date butoir d’approbation du PLUI étant toutefois le 31 décembre 2019.
Les enjeux territoriaux… et politiques
Ainsi, à terme l’île de Ré sera dotée d’un document de planification conforme aux principes des lois Grenelle 2 et ALUR et intégrant le futur Plan de Prévention des Risques Littoraux. Un PLUI sera toutefois moins prescriptif que le SCOT approuvé en 2012…
La Communauté de Communes, qui n’a pas vocation à tout gérer, en sortira toutefois renforcée avec la possibilité d’élaborer un projet d’aménagement cohérent et équilibré pour l’île de Ré dans son ensemble, intégrant des spécificités communales. Léon Gendre et Gilles Duval ont voté on l’a bien senti à contre coeur cette nouvelle perte de compétence communale, qui s’inscrit dans le sens de l’histoire, les communes ayant de moins en moins les moyens de gérer à leur échelle les lourds dossiers. « Nous travaillons dans le total respect de chaque commune, j’entends votre inquiétude, mais il n’existerait plus de communes sans intercommunalité, pas de défense des côtes, de politique de logements, de crèches, sociale sur l’île de Ré et particulièrement à Saint-Clément où vous avez 23 contentieux, une perte de population et un PLU pas trop avancé si je ne me trompe… » a répondu glacial Lionel Quillet à Gilles Duval ayant évoqué l’ « enterrement des communes dans une fosse commune », tout en votant en faveur du PLUI. Gisèle Vergnon, Patrice Raffarin, Jean-Pierre Gaillard ont à leur tour enfoncé le clou de l’indispensable renforcement de l’intercommunalité, parlant de « confiance », de « partage » ou encore de « sagesse ».
Avec également « le transfert de la compétence tourisme » votée lors de ce même conseil et que nous annoncions dans nos colonnes dès juillet (lire notre article complet « Un office de tourisme de pôle « île de Ré » va voir le jour » sur Ré à la Hune N° 122), ce conseil fera date dans l’histoire du territoire rétais. Lionel Quillet a évoqué les trois moments forts de l’intercommunalité que furent à ses yeux le vote de la compétence communautaire en matière de logement en 2010, l’élaboration et la labellisation du PAPI le 20 septembre 2012, marquant une volonté politique forte non pas de repli stratégique mais de défense des côtes rétaises avec un programme de 45 millions de travaux, et donc la prise de compétence tourisme et PLUI, ce 24 septembre 2015.
Nathalie Vauchez
Une « leçon » de concertation qui passe mal
Léon Gendre s’est finalement rallié au vote en faveur du « PLUI choisi », un peu contraint et forcé par le sens de l’histoire, et a précisé à Patrice Raffarin qui le taclait au sujet de son « revirement de position » qu’ « il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ». Sa suggestion à Lionel Quillet d’ « associer tout le monde » à la démarche d’élaboration du PLUI, « l’île de Ré n’appartenant ni à Lionel Quillet, ni à Léon Gendre mais à l’humanité », qui sonnait il est vrai un peu comme une leçon du maître à l’élève, lui a valu les foudres froides de Lionel Quillet. Le président a rappelé que contrairement aux schémas directeurs de 1988 et de 2000, pas assez prestrictifs et « mort-nés », le SCOT très prestrictif avait reçu l’avis favorable de l’Etat, et avait fait l’objet d’une forte concertation rarement vue auparavant. « Le PLUI ne pourra être aussi prestrictif » a-t-il précisé, se disant persuadé que le PLUI sera attaqué de la même façon et précisant vertement : ce PLUI, tout comme ton PLU, n’appartiennent pas aux lobbies, immobiliers, des propriétaires, des associations environnementales, ou celui de certains de tes amis ».
A propos de concertation il a rappelé que le lobby des associatifs n’avait pas de mandat électif, que tous les Maires avaient été réélus avec des taux de 55 % à 75 %, et qu’il fixerait quelques règles. Il souhaite notamment que les associations « dites environnementales mais qui ne sont pas agréées en tant que telles par l’Etat » fassent « le même travail d’intercommunalité qu’ont fait les élus avec les logements, la TPU, les digues, le transport, le PLUI et le tourisme », autrement dit qu’elles soient capables de se mutualiser et se désigner un représentant commun. « Les élus font leur travail, c’est aujourd’hui aux associations de faire l’effort de se concerter, mais vues leurs divisions et les égos de certains je doute qu’elles y arrivent ». Les tentatives passées, la dernière en date étant celle du collectif EPIR (« Ensemble pour l’île de Ré ») ont en effet toutes échoué. « S’ils arrivent à avoir un message à peu près clair, à se regrouper et parler d’une seule voix, avec un minimum de valeur juridique et des votes dans les règles, alors leur représentant sera à la table des discussions, avec même deux délégués pour respecter la parité car ils sont extrêmement importants dans ce débat, tout comme les acteurs professionnels » a-t-il conclu en forme de défi, précisant « je ne suis pas et je n’ai jamais été un homme de lobby et je ne changerai pas de position, les lobbies sont partout, en Europe, au Gouvernement, dans les collectivités et cela ne fonctionne pas. Je suis favorable à la concertation oui, mais selon des règles démocratiques ».
Voir le dossier relatif à l’annulation du SCOT
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