- Environnement & Patrimoine
- Nature
- Affaire des pommes de pin
Un pillage industriel des ressources naturelles de l’île de Ré !
C’est une véritable enquête qu’ont effectuée des membres de Ré Nature Environnement et notamment Dominique Chevillon, Pierre Le Gall, Gilles Brullon, mais aussi des chasseurs et agriculteurs sympathisants aux causes de la protection de la nature. Après le « déferlement médiatique » de début janvier, ils ont souhaité faire un point de fond avec Ré à la Hune.
Le pin parasol (Pinus pinea) est connu sous le nom de pin pignon et pour cause car ses cônes mûrs en 3 ans (pommes de pins de 7 à 15 cm) contiennent des graines d’environ 2 cm aux amandes comestibles très appréciées en pâtisserie mais aussi pour agrémenter les salades et autres friandises.
En Charente-Maritime il est peu présent à l’exception de l’île de Ré ou il existe depuis environ un siècle et demi dans les forêts domaniales en arrière-dunes. Il a été planté en abondance notamment après 1945 comme bel arbre d’ornementation dans les jardins puis dans les espaces publics, pour la belle forme ronde de sa ramure…Trouvant un terrain et un climat favorables, le pin parasol s’est ensuite développé naturellement par ses graines. Aujourd’hui il participe à la beauté des paysages de l’île et vit jusqu’à 250 ans pour une hauteur allant jusqu’à 25 mètres.
Une activité illégale et lucrative estimée à 100 000 € la cargaison
Depuis cinq ans une cueillette des cônes était pratiquée d’octobre à mars par des ramasseurs espagnols. Cette activité, certes interdite, restait pratiquée à petite échelle. Depuis octobre 2014, c’est une activité industrielle qui a été mise en place puisque chaque semaine c’est un camion semi-remorque de 25 tonnes de pommes de pins brutes qui part pour la Catalogne où elles sont séchées pour en extraire les graines puis les amandes… Au moins quatre ou cinq équipes de deux cueilleurs travaillent au pillage des pins, sept jours sur sept pendant qu’il fait jour, se déplaçant avec des fourgons type transit. Ils grimpent dans les arbres, cassant des branches, pour cueillir les cônes de deux ans qui sont systématiquement récoltés.
Ainsi depuis début octobre ce sont une quinzaine de camions de 25 tonnes qui sont partis en Espagne, tandis que les ramasseurs couchent dans leurs fourgons, font des feux pour manger très souvent sur le petit parking de la DDE en face de la zone artisanale de Sainte Marie… Les zones de ramassage concernent toute l’île, en particulier les endroits de forte présence des pins parasols du Bois, de La Flotte, de Rivedoux, de Sainte-Marie ainsi que les forêts domaniales du nord de l’île.
Ce commerce pratiqué sans autorisation, illégal, sur propriété d’autrui, est lucratif. Une tonne de pommes brutes donnent 40 kg de pignons vendus en moyenne 100 euros le kg au détail, soit pour un camion de 25 tonnes environ 100 000 euros la cargaison de vente au détail ! D’octobre à mars, 24 semaines de 100 000 euros font la coquette somme de 2 400 000 €.
Cette activité s’exonère, on peut le supposer, du paiement de toutes les taxes (charges sociales et autres taxations et impôts…) et elle s’accompagne de nuisances diverses sur les espaces naturels telles que les bris des branches, les circulations de véhicules sur des terrains fragiles, les piétinements et perturbations des équilibres naturels et alimentations de la faune, etc.
Des plaintes contre X
Ceci a amené le Conseil général de Charente Maritime, par son conseiller général, Léon Gendre, à porter plainte contre X, plainte qui sera sûrement suivie par le Conservatoire du littoral pour les terrains dont il est propriétaire. Les associations naturalistes Ré Nature Environnement et Nature Environnement 17 conformément à leur objet naturaliste ont également déposé une plainte contre X et des propriétaires privés l’auraient fait, selon nos informations.
« Ré Nature Environnement et Nature Environnement 17 avaient déjà annoncé l’essor d’un pillage des plantes sauvages sans autorisation (immortelles des dunes, onagres, criste marine et autres plantes) craignant la destruction de certaines stations de la flore rétaise si appréciées de nos visiteurs et de ses habitants pour leur beauté et leur rareté en France… comme cela s’est passé dans les Alpes de Provence. Si rien n’est fait pour arrêter ce pillage, c’est pourtant ce qui va se produire dans l’île… C’est pourquoi après avoir instruit à leur niveau le dossier, les naturalistes et propriétaires fonciers passent à la vitesse supérieure en saisissant la gendarmerie dans le cadre d’une plainte contre X… aux fins que cessent ces activités illégales et destructrices » nous a précisé Dominique Chevillon, président de Ré Nature Environnement.
Une intensité médiatique exceptionnelle sur un sujet « naturaliste »
« Le pillage des pommes de pin a cessé dès la fin de la première semaine de janvier 2015, compte tenu de la pression médiatique TV, radio et presse écrite d’un même élan réuni les trois premiers jours de janvier 2015. Rarement une telle intensité médiatique a été constatée sur un sujet strictement naturaliste », explique-t-il. « Le retour sur investissement de nos déclarations nous a surpris tant il a été fort. Nous avons demandé à TF1, à France 2, à RTL etc pourquoi. Plusieurs raisons à cela : le choix de la période plutôt calme était volontaire de notre part, ensuite il n’y avait pas d’actualités majeures en concurrence, l’île de Ré est toujours attractive surtout quand on s’attaque à son environnement, les pommes de pins personne n’en avait jamais parlé, il s’agit en l’occurrence d’un trafic international, l’enquête a été menée efficacement par Ré Nature Environnement qui a apporté le dossier sur un plateau et enfin « le Soir 3 national » a fait un reportage très pro qui a lancé médiatiquement le dossier (photos, vidéos, témoignages, dossier écrit…) ».
Aujourd’hui l’enquête de gendarmerie est en cours. « Ré Nat » a saisi également la Direction du travail, l’Urssaf. Des entreprises espagnoles de Catalogne seraient en cause et une française de Perpignan. Le Buzz des médias sociaux énorme est toujours très sympathique avec l’association Re Nature Environnement, alors qu’elle pouvait craindre quelques critiques…
Et demain ?
Dominique Chevillon considère que l’objectif est largement atteint : avoir fait cesser le pillage et les destructions associées, ainsi qu’une certaine insécurité qui se développait (des témoignages éclairant de cavalières, d’agriculteurs et de commerçants ont été révélés par cette affaire), avec un réel soutien de la population rétaise. Il exprime deux regrets : « le canular d’un goût douteux dont a été victime la gendarmerie de Saint-Martin par un humoriste, et le constat que le contrôle de légalité est fait une fois de plus par les associations naturalistes sans lesquelles certains dossiers ne sortiraient jamais, comme la pollution du Grand Port Maritime de La Rochelle qui a été révélée et toujours combattue par les associations et les seuls conchyliculteurs ».
« Demain, il faut s’assurer que ces pillages illégaux ne se reproduisent pas, le Conseil général, le Conservatoire du littoral et les communes réfléchissent ou doivent réfléchir à éviter ce pillage illégal qui ne concerne pas que les pommes de pins mais les fleurs sauvages qui commencent à être ramassées industriellement sur les propriétés privées et publiques. Pourquoi ne pas autoriser un ou deux acteurs insulaires qui exploiteraient les pignons de pins parasols dans le cadre d’un cahier des charges bien réfléchi ? Nous n’y sommes pas opposés, cela peut être une solution intelligente ».
Ré Nature Environnement se positionne plus que jamais comme une vraie association naturaliste et environnementaliste, qui joue pleinement son rôle en tant que telle.
Lire aussi
-
Environnement & Patrimoine
L’île de Ré et La Rochelle, un destin lié… jusque dans les commémorations
Dans le cadre des 400 ans des guerres de religion, la Communauté de communes de l’île de Ré, la ville de La Rochelle et La Rochelle Université organisent un colloque scientifique, ouvert au grand public, du 27 au 29 novembre.
-
Environnement & Patrimoine
AlimenTerre, engagé pour une alimentation éthique
Les 25 et 26 novembre, le festival AlimenTerre se tiendra sur l’île de Ré. Trois projections documentaires suivies de temps d’échange sont programmées à La Maline. Présentation avec l’un des co-organisateurs sur l’île de Ré de ce festival international, Geoffroy Maincent.
-
Environnement & Patrimoine
Grand Port Maritime : MAT-Ré reste vigilante
Après avoir été longtemps isolée, l’association rétaise entretient désormais des relations avec la gouvernance portuaire, avec les autres associations et élargit ses sujets de vigilance.
Je souhaite réagir à cet article