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Petites vacances d’hiver
Vous y êtes, vous en revenez, vous les préparez ? Mais que fait-on de ce temps (du latin vacare, par le biais de son participe présent vacans) qui se veut par définition vide ?
La vacance, c’est le manque, l’absence, l’inoccupation, l’oisiveté. Dès le XIIIème siècle, le mot se rabat sur le terrain administratif pour désigner les biens, postes ou fonctions laissés sans titulaire, responsable ni propriétaire. On parle ainsi de la vacance des tribunaux ou pire, de celle du pouvoir, quand personne n’est en mesure de remplir les fonctions de dirigeant (ça vous parle ?).
Mais le vrai coup de chance de vacance, son accession à la gloire, c’est son passage au pluriel, grâce à l’école qui se développe à partir du XVIIème siècle, qui occupe peu à peu l’essentiel de l’année et définit une nouvelle organisation du temps, un nouveau rythme, libérant les élèves de leur obligation d’apprendre durant les mois d’été, puis les adultes de leurs charges professionnelles depuis l’avènement des congés payés.
Alors comment remplit-on cet espace vide soudainement vaste ? Avec un autre « v » et des velléités de voyage ? Si la mode rétaise est à la Thaïlande, celui que j’ai choisi est intérieur. Le silence et le recueillement dans un havre de paix, un lieu consacré à la méditation spirituelle, une immersion dans les profondeurs de l’âme, une pause contemplative aux sources de l’être pour décider du sens à donner à sa vie en tentant de se réapproprier les paramètres qui la conditionnent.
Une semaine au Monastère de Bricquebec
Le 13 juillet 1824, l’abbé Onfroy, curé de Digosville, paroisse importante des environs de Cherbourg, s’installe dans un vallon à Bricquebec où, avec quelques compagnons il bâtit une chaumière, premier jalon d’une longue histoire fondée sur la foi en Dieu et l’obéissance à la règle de saint Benoît : ora et labora (« prie et travaille »). En 1925, le prieuré est officiellement reconnu par l’Église et confié à la protection de Notre Dame de Grâce.
Construit à partir de rien dans un chaos de souches, de roches et de fondrières, les moines cisterciens « de la Stricte Observance », qu’on appelle trappistes, ont asséché les marécages, créé une ferme de vaches laitières, des moulins, une fromagerie, un élevage avicole, un élevage porcin et un laboratoire de charcuterie qui fait aujourd’hui encore sa renommée ! La congrégation, plantée au centre de la presqu’île du Cotentin rayonne aujourd’hui jusqu’au pays du soleil levant avec la fondation de sept Abbayes « filles » au Japon : cinq de moniales et deux de moines. L’abbé Dom Charles (le supérieur actuel) en assure toujours la charge de « Père immédiat », au rythme de visites régulières.
Dans ces murs, ils ont été jusqu’à quatre-vingts : tunique blanche, scapulaire noir et ceinture de cuir, ayant fait voeu de stabilité, d’obéissance, de chasteté et de pauvreté. Ils étaient encore une cinquantaine après-guerre…
Les dix frères qui y subsistent aujourd’hui, dont la plupart est octogénaire, ont malheureusement dû abandonner le travail aux champs et à la ferme. Seul perdure l’atelier de Charcuterie, fer de lance de l’économie qui grâce à l’excellence des produits (dont certains portent l’étiquette « Le cochon du Père Marc ») assure un revenu qui a permis de redonner un coup de jeune aux bâtiments conventuels.
La vie des moines au quotidien
Si les moines veillent au silence, ils ne se soustraient pas à la relation, dans le travail ou les gestes quotidiens partagés dans la joie et la convivialité. Ainsi que le voulait le fondateur de la vie monastique en Occident au VIe siècle, la règle du travail est un art de vivre, la paresse étant « l’ennemie de l’âme » (saint Benoît, « Règle » 48,1). Bien que confrontés au vieillissement de la communauté, les obligeant à abandonner les pôles d’activités manuelles liés à leur production artisanale ; les Cisterciens de Bricquebec continuent d’assurer l’animation et l’entretien du lieu, dans la fraternité selon les qualités et le désir de chacun. Tout au long de sa vie, chacun exercera différentes responsabilités, les unes à destination des visiteurs (Porterie, hôtellerie, tenue de la bibliothèque et du magasin, mission d’écoute et de disponibilité) les autres liées à leur besoins propres (cuisine, approvisionnement et dépenses sous la charge du moine cellérier, buanderie, travaux intellectuels et liturgie notamment par le biais du chantre).
La journée des moines de Bricquebec commence à quatre heures du matin. Sitôt levés, ils se dirigent vers l’Église où débute la prière de la nuit appelée vigiles (autrefois les matines de frère Jacques). Se succèderont jusqu’au coucher : Laudes, Tierce, Eucharistie, Sexte, None, Vêpres et Complies selon la liturgie des heures voulue par Saint-Benoît, le tout entrecoupé de prières privées. À cela, il faut ajouter les réunions tenues quotidiennement dans la salle du chapitre. Si le rythme de ces séances destinées aux décisions communautaires est laissé au libre arbitre de chaque monastère, le père Charles a souhaité qu’elles aient lieu tous les matins afin que tous puissent s’exprimer, aussi bien sur les affaires courantes que pour solliciter le pardon de la communauté ou d’un frère en particulier quand son comportement a pu les offenser.
Et demain ?
En septembre prochain aura lieu à Assise en Italie le « Chapitre Général », c’est à dire la réunion de tous les supérieurs des monastères cisterciens du monde. Dom Charles me confiait craindre qu’à cette occasion l’avenir de Bricquebec ne soit remis en cause. Si la plupart des monastères de France compte entre vingt et trente ascètes, le petit nombre de ces hommes dévoués et bienveillants les met en danger.
C’est pourtant bien grâce à l’histoire du monachisme que l’on doit l’essor intellectuel, spirituel et matériel, fondateur de nos sociétés occidentales. Naissance des universités, arts, architecture, gastronomie : la présence des moines est partout jusque dans nos paysages qu’ils sont les premiers à avoir façonnés. Leur intervention au fil des siècles constitue les piliers de notre patrimoine et il est fondamental de garder à l’esprit que sans ces structures, toute la transmission de l’héritage antique et biblique sur lesquels l’Occident s’est construit n’aurait pas existé.
Après deux mille ans d’histoire chrétienne le monachisme est toujours là, en interaction avec la culture. On compte dans le monde 3000 Cisterciens dont 600 en France repartis dans seize communautés, ils sont aujourd’hui encore l’âme de l’occident.
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