- Patrimoine
- Histoire de l'île de Ré
Un passionnant ouvrage historique sur l’île de Ré qui fera date
Près d’un siècle et demi après la publication de l’ouvrage du docteur Kemmerer : « Histoire de l’île de Ré, insula Rhéa » (1), Jacques Boucard, Pascal Even et Mickaël Augeron viennent de publier « L’Histoire de l’île de Ré, des origines à nos jours ».
Depuis la « Référence » écrite par le docteur Kemmerer, nombre de titres concernant l’histoire rétaise ont été publiés traitant des sujets bien précis. Le volume que nous présentons, dans nos colonnes, aborde l’histoire de l’île dans sa globalité respectant une chronologie minutieusement détaillée au fil de ses 765 pages.
Jacques Boucard est bien connu des Rétais. Natif de Sainte-Marie (village dont il a été maire de 1995 à 2007), il s’investit, depuis de nombreuses années dans des recherches sur le passé insulaire, en ayant notamment publié une foule d’articles dans Les Cahiers de la Mémoire. Il est également l’auteur d’une thèse de doctorat de troisième cycle sur les écluses à poisson.
Pascal Even, ancien élève de l’école des Chartes, a dirigé les Archives départementales de la Charente- Maritime, il est conservateur général du patrimoine et actuellement directeur des archives du ministère des Affaires étrangères.
Mickaël Augeron est maître de conférences à l’université de La Rochelle en histoire moderne et contemporaine et spécialiste de l’expansion maritime et coloniale. Les trois auteurs ont bénéficié de l’appui de plusieurs collaborateurs : Gérard Blier (ancien inspecteur d’Académie à La Rochelle), Jean Combes (ancien inspecteur départementale), José Gomez de Soto (directeur de recherches au CNRS, spécialiste de la préhistoire), Pierre-Philippe Robert (enseignant retraité, passionné d’Archéologie), enfin, Pierre Tardy érudit rétais qu’il n’est pas nécessaire de présenter. Décédé en 2008, il avait fourni un ensemble d’articles afin de participer au projet du livre.
L’ouvrage est publié aux éditions du Croît Vif et est préfacé par Lionel Quillet, président de la Communauté de Communes de l’île de Ré. Le musée Ernest Cognac est partenaire de cette initiative (le livre sera le premier à paraître avec le label « île de Ré, ville d’art et d’histoire »). La CdC a fait une précommande, ce qui a facilité son édition, des subventions ont été versées de la part du Conseil régional et un dossier est en cours au niveau du Conseil départemental.
Un partage du travail parfaitement structuré
Chacun des auteurs intervient dans sa spécialité. L’ouvrage présente, tout d’abord, une carte géologique de l’île et une étude sur le climat. José Gomez de Soto et Pierre-Philippe Robert se sont efforcés de traiter, en profondeur, la préhistoire et la protohistoire. On apprend, par exemple, que l’une des plus vieilles traces connues remonte au néolithique. Une fosse découverte aux « Gouillauds » (commune du Bois-Plage) datant de près de 5000 ans avant notre ère. Les deux collaborateurs en viennent ensuite à la période gallo-romaine. Les traces de la présence humaine sont nombreuses dans « l’ancien canton sud ». En effet, l’île de Ré était, à cette époque, constituée de plusieurs îlots et Ré était le plus grand de « l’archipel » avec un socle rocheux plus élevé. Les îlots d’Ars, des Portes et de Loix étaient des terres basses mal protégées. Les auteurs passent en revue un ensemble de vestiges : thermes, nécropoles, trésors… Jacques Boucard aborde le Moyen âge : « les fondements d’une communauté insulaire ».
Très peu de sources concernant le haut Moyen-âge. L’île est très peu peuplée du IVe au Xe siècle. C’est ensuite que l’on repère les embryons d’une organisation sociale, notamment avec l’édification de l’abbaye des Châteliers. Les seigneuries d’Ars et de Loix vont appartenir à l’abbaye de Saint-Michel en l’Herm… source d’un développement social et économique. Le chapitre donne une présentation détaillée des seigneurs de Ré (arbres généalogiques à l’appui). Jacques Boucard insiste ensuite sur les conséquences de la guerre de Cent Ans après avoir précisé que bien avant le conflit, Ré fut aux mains de la couronne d’Angleterre de 1154 à 1243. Des paragraphes passionnants traitent de la défense insulaire (fortification des églises d’Ars, de Saint-Martin et de Sainte-Marie). Enfin, l’activité des ports participe en grande partie à l’essor économique dès le XVe siècle. Pascal Even prend le relai pour traiter de l’Ancien Régime et de ses temps forts : l’implantation de la Réforme (essentiellement sur Saint-Martin et La Flotte) puis son développement sur l’île. La période des guerres de religion. Ré, plongée dans le chaudron bouillonnant de l’Histoire : l’affrontement entre les troupes royales et les Anglais. L’échec de Buckingham et le départ de sa flotte à l’issue de la bataille du Feneau en 1627.
D’autres sujets abordés : la construction, l’entretien des digues. L’essor économique (exportation du sel, culture de la vigne et dans une moindre mesure la pêche et ses ressources).
Le début de la franc-maçonnerie à la veille du siècle des Lumières
L’île, durant cette période, a été un enjeu non seulement stratégique mais économique. Son destin est de plus en plus étroitement lié à celui de la puissante cité voisine de La Rochelle.
Comme nous l’avons signalé plus haut, les documents rédigés par Pierre Tardy ont été utilisés pour la rédaction de deux chapitres :
– « La fin des privilèges fiscaux et commerciaux des Rétais » où il est question de l’analyse des cahiers de doléances, de l’organisation de la vie municipale, la vie des insulaires durant la période révolutionnaire.
– « Le Consulat et l’Empire » où Jacques Boucard reprend notamment les remarques et explications de Pierre Tardy concernant les difficultés rencontrées sur le plan économique dès le début du XIXe siècle. Mickaël Augeron étudie, ensuite, sur une longue période (de la Restauration à la fin de la troisième République : 1815-1939) la lente disparition d’une société rurale. De la chute de Napoléon 1er à la veille de la deuxième guerre mondiale, l’histoire de l’île est très riche en événements. L’auteur analyse, entre autre, le processus qui va conduire, petit à petit, à l’affaiblissement de cette société rurale. Il met également en avant la chute démographique repérée dès le milieu du XIXe siècle : 17500 habitants en 1851, 13500 au début du XXe siècle, légèrement plus de 7500 habitants à l’issue du second conflit mondial. L’universitaire rochelais dresse un bilan de l’économie rétaise de son apogée à son déclin (culture de la vigne, récolte du sel et pêche en mer…)
Mickaël Augeron poursuit et insiste sur les éléments qui vont favoriser un renouveau social et économique au cours du XIXe siècle : sécuriser la navigation (signalisation maritime), rénovation des infrastructures portuaires, amélioration des liaisons maritimes et terrestres (la ligne de tramway à vapeur est inaugurée le 15 Juillet 1898), dès le début du XXe siècle l’automobile fait son apparition et les autorités développent rapidement un réseau routier.
Le chapitre traite des effets et des conséquences de la « Grande Guerre ». Il est ensuite question de la nécessaire reconversion agricole puis de la naissance du secteur touristique.
Jacques Boucard consacre un chapitre entier à la seconde guerre mondiale et fournit avec précision une série d’informations sur la vie des Rétais du début de l’Occupation jusqu’à la Libération : mise en place du STO, organisation de la Résistance et les problèmes posés sur un territoire aussi restreint. Accueillir, sur l’île, 2500 soldats, pose évidemment de nombreux problèmes à la population. La milice, les SS sont présents. Ré fait partie du plan de construction du Mur de l’Atlantique et la batterie « Karola » en sera une pièce maîtresse.
Durant toute cette période, les Rétais ont craint les bombardements et leur inquiétude était avivée par la proximité de la rade de La Palice. Le 9 Mai 1944, l’île de Ré est officiellement libérée.
« Une identité insulaire entre deux mondes », l’île va devenir une presqu’île
Le onzième chapitre traite essentiellement des mutations que connaîtra la vie rétaise. Jacques Boucard analyse l’ « identité insulaire entre deux mondes » : celle d’une société encore profondément rurale et celle qui s’ouvre au développement touristique, source de la principale activité économique. Evolution du secteur agricole, du métier de saunier. En référence au traumatisme provoqué par la terrible tempête Xynthia, les différents vimaires qui ont sévi durant la période contemporaine, sont recensés. Un souci majeur : préserver l’âme de Ré en tenant compte de l’évolution du contexte territorial et des questions posées par le développement du tourisme.
Un ouvrage complet et passionnant, des références précises et argumentées, une bibliographie abondante (les titres se répartissent sur une douzaine de pages). Sa portée dépassera, sans aucun doute, l’espace d’une bibliothèque. Il offrira à des générations d’étudiants une multitude de pistes de recherches universitaires.
1) Première parution en 1868, réédition corrigée en 1888.
Histoire de l’île de Ré, des origines à nos jours.
750 pages, 520 illustrations
Prix de vente public : 45€ TTC
Éditions du Croît Vif
Parution : fin mars 2016
Lieux de vente : librairies et maisons de la presse de l’île de Ré, La Rochelle, Paris.
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