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« L’huîtrière de Ré » dans le viseur des élus et de l’État
Depuis mercredi 19 juillet, les élus de l’île de Ré et les Services de l’État sont montés au créneau contre l’Huîtrière de Ré, dont le fonds de commerce a été racheté par Sébastien Henry.
Celui-ci s’est lancé dans des aménagements au Martray, en Espace remarquable site classé, en vue d’ouvrir un espace de dégustation. Le Maire de La Flotte a de son côté demandé à la Maison Henry par voie de lettre recommandée des explications au sujet de la terrasse de l’espace de dégustation dans la zone ostréicole de La Flotte, pour laquelle il n’a pas délivré d’autorisation.
La Mairie d’Ars-en-Ré, les associations Ré Nature Environnement/Nature Environnement 17, la Communauté de Communes de l’île de Ré et les Services de l’État se disent extrêmement surpris d’avoir découvert les installations qui ont été faites ces derniers jours sur l’exploitation ostréicole située au Martray : palmiers, arbres plantés, buttes de terre, dépôt de sable, baies vitrées sur l’arrière du bâtiment donnant sur les marais, matériel et nombreuses tables et chaises… Après le constat d’huissier fait ce vendredi 21 juillet au matin par les deux associations comme nous en a informé Dominique Chevillon, président de la 1ère et vice-président de la 2ème, le PV dressé par la Police municipale à la demande de la Maire d’Ars-en-Ré « qui va partir », d’après Danièle Pétiniaud-Gros, une « descente » des Services de l’Etat (DDTM et DREAL*) serait imminente, qui pourrait conduire à l’interdiction d’ouvrir, selon le président de la Communauté de Communes qui a échangé longuement avec le Secrétaire Général de la Préfecture, tout comme la Maire d’Ars-en-Ré.
Espace remarquable classé
Certes l’établissement se situe en zone ostréicole, mais aussi et avant tout en espace remarquable site classé, dont les contraintes réglementaires priment évidemment sur le règlement de la ZO. Or ni les Services de l’Etat ni la Mairie n’auraient reçu la moindre demande de permis d’aménager ni de demande d’autorisation de dégustation.
Les infractions à la réglementation concerneraient en l’occurrence à la fois la protection environnementale, le changement de destination et l’urbanisme.
Au plan environnemental, les protagonistes interrogés doutent très sérieusement que la moindre autorisation puisse être délivrée en espace remarquable classé. Même si elle avait été demandée au préalable auprès de la Commission des Sites – ce qui n’est pas le cas – , peu de chance donc qu’elle puisse être obtenue. Côté lancement d’une activité de restauration, celle-ci relèverait d’une autorisation de changement de destination, donnée par la Préfecture et signée par la Mairie. Là encore, ni la Préfecture ni la Mairie n’auraient trace de la moindre demande. Enfin, aucune demande de permis d’aménager n’a été faite en Mairie, ni d’ailleurs d’installation d’enseigne.
Impasse sur les différentes réglementations ?
Comment justifier de ces infractions ? Par la méconnaissance de la réglementation ? Pour différentes raisons personnelles qui l’ont empêché de se pencher vraiment sur ces questions ? Ou va-tout pour ouvrir rapidement, afin de profiter de la saison pour écouler un important stock d’huîtres ?
Dans tous les cas, d’après nos informations, la venue imminente des Services de l’État pourrait se traduire par une interdiction d’ouverture (l’ouverture au public serait prévue mercredi 26 juillet) et la demande de remise en état immédiate du site : suppression des buttes de terre, du bateau installé sur une butte, enlèvement du sable emmené sur site, retrait des palmiers et autres plantes exotiques, etc.
Autre étonnement émis par la maire d’Ars qui nous a précisé n’avoir vu passer aucune DIA (Déclaration d’intention d’aliéner). Cela aurait pu s’expliquer soit parce que le site est en zone de préemption du Conservatoire ou du Département, soit si le foncier est détenu par une société et que les parts de cette société ont été rachetées, alors le Tribunal de Commerce en est informé, mais pas les collectivités territoriales. A moins que tout simplement la transaction de vente n’ait pas encore été réalisée. Le propriétaire actuel du site, Tony Berthelot (ex L’Huîtrière de Ré) nous le confirme : « La vente est en cours mais non finalisée, le dossier est en cours de traitement par les Notaires ». Et La Maison Henry exploite donc en tant que bailleur, avant que la transaction ne soit finalisée. Pour Tony Berthelot, qui dit que Sébastien Henry lui a affirmé avoir reçu l’autorisation de dégustation de la Préfecture, « tout cela me paraît beaucoup de bruit pour pas grand-chose. »
Sébastien Henry se défend
Sébastien Henry, jeune Rétais très entreprenant, que nous avons pu joindre au téléphone samedi 22 juillet, donne une toute autre version. « J’ai deux sociétés, indépendantes l’une de l’autre. La Maison Henry à La Flotte et l’Huitrière de Ré à Ars-en-Ré, dans laquelle je suis majoritaire à 90 % avec un associé minoritaire. J’ai racheté la SARL l’Huitrière de Ré à Tony Berthelot et son épouse le 24 avril dernier. Je dois racheter les bâtiments dès que la dégustation sera en route, je suis actuellement en bail commercial. J’ai repris la production des parcs ostréicoles, la vente au détail, à emporter, tout cela m’appartient. La promesse de vente des bâtiments devrait intervenir fin août/début septembre 2023. Pour ce qui concerne la dégustation, je suis en règle, j’ai déposé à la mairie mon permis d’exploitation, la démarche HACCP, déposé une demande ERP (Établissement recevant du public) le 5 juillet, j’ai reçu de la mairie la licence petite restauration et j’attends le délai légal de deux semaines. Concernant le permis d’aménager, je suis allé voir le service Urbanisme de la Mairie, dans la mesure où je rénovais sans rien modifier du bâtiment je n’avais pas à déposer de demande d’aménagement. Le bâtiment ostréicole était délabré, je l’ai simplement rénové, j’ai rénové les quatre ouvertures existantes et j’ai mis une belle enseigne. J’ai trois salles, l’une pour l’accueil, l’autre pour la vente et la troisième pour préparer les huîtres Si les palmiers les gêne, je les enlèverai. Je suis sur le plan cadastral en zone ostréicole, pas en espace remarquable sensible et pour une partie du terrain en zone agricole. J’ai nettoyé le site, ARC Environnement peut en témoigner, j’ai vidé l’équivalent de 14 bennes. J’ai demandé un rendez-vous à Madame Le Maire afin de travailler en bonne intelligence avec la mairie, je la rencontre début août. Nous souhaitons juste valoriser nos produits, faire découvrir l’huître, son histoire, je suis un jeune de l’île de Ré, je suis monté avec mon grand-père sur mon premier tracteur à l’âge de 4 ans, j’ai 33 ans, j’aime ce métier. » Le jeune entrepreneur, qui prévoit 150 couverts, ne comprend pas cette agitation soudaine autour de son activité, « alors qu’à Ars tout le monde est au courant depuis plusieurs semaines, les tables et chaises étaient déjà sur site et nous avons nettoyé et fait les travaux ces dernières semaines au vu de tous. J’ai même nettoyé le chenal qui appartient à tous les mareyeurs. J’emploie en tout sur mes deux entreprises 22 jeunes Rétais, 10 à la Maison Henry et 12 à l’Huitrière de Ré. Il y a une demande très forte pour de la dégustation, dès que j’ai affiché que nous allions en faire des dizaines de gens se sont arrêtés… Ma production est à 100 % sur l’île de Ré, à 80 % au Martray. »
Les élus maintiennent pour leur part que le site est en espace remarquable, avec une pastille en zone ostréicole pour la cabane comme cela a été fait partout sur l’île dans le cadre du PLUi, mais que sur un tel site hyperprotégé on n’a rien le droit de faire sans passer par la Commission des Sites, ne serait que creuser ou faire une butte. Il s’agit du même cas de figure que pour les sauniers, où le moindre creusement de marais demande un an de procédure. Quant à la licence accordée, que des élus peuvent difficilement refuser, il s’agirait bien d’une dégustation, dans le respect de la charte, et non pas d’une restauration. Enfin, ils rétorquent qu’un dossier de demande ERP ne vaut pas acceptation, que la démarche là aussi est longue. Mais à leurs yeux, l »infraction serait avant tout environnementale, s’agissant d’un espace remarquable classé.
A La Flotte, quid de la terrasse de dégustation ?
De son côté, le Maire de La Flotte aurait envoyé une lettre recommandée en début de semaine à la Maison Henry, afin qu’elle justifie de la construction de cette terrasse il y a environ un mois, pour laquelle aucune demande d’autorisation d’aménager n’aurait été reçue en Mairie. « Une demande d’autorisation de travaux doit être faite et les règles respectées même en zone ostréicole, on est en site classé, en secteur patrimonial remarquable, sur la bande littorale. L’Architecte doit délivrer un avis conforme**, Céline Triolet (DREAL) est au courant du dossier. J’ai fait dresser un PV de constatation par la Police municipale de La Flotte, on lui laisse le temps de répondre, mais il y a des procédures à respecter. On examinera ensuite si c’est régularisable ou non. Une cabane ostréicole peut avoir la possibilité d’ouvrir une dégustation, mais la surface autorisée est contrainte, un cahier des charges est à respecter… », explique Jean-Paul Héraudeau, le Maire de La Flotte.
« Pour mon établissement de la Maison Henry à La Flotte, le cabanon est sur roulettes, la terrasse est démontable, je vais aller prochainement en mairie déposer ma demande, j’entretiens de bonnes relations avec le Maire, je vais régulariser. »
Les contraintes sont importantes – pour ne pas dire drastiques – pour les activités économiques de l’île de Ré, a fortiori en site remarquable classé. Là où le bât peut blesser, c’est que certains les respectent à la lettre, tandis que d’autres les contournent plus ou moins… Et élus, associations environnementales et Services de l’État dénoncent des dérives régulières, qui au fil du temps dénaturent l’île de Ré. C’est l’éternel débat autour de la recherche d’un équilibre entre protection environnementale et développement économique… Comme souvent sur l’île de Ré, il reviendra aux Services de l’État puis au Procureur de la République de trancher…
Informations recueillies par Nathalie Vauchez
*DDTM : Direction départementale des territoires et de la mer / DREAL : Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.
** Trois communes de l’île de Ré relèvent d’un avis « conforme » de l’ABF : La Flotte, Sainte-Marie, Saint-Martin et rayon de 500 m autour de l’Eglise d’Ars-en-Ré, les autres communes relevant d’un avis « simple »
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