Ostréiculture : l’adaptation, clé de la profession
Après une année économique particulièrement sombre en 2020, l’ostréiculture a enregistré un rebond de la commercialisation et de la valorisation des huîtres en 2021. Tout en restant vigilante sur l’évolution du contexte sanitaire ou climatique, la profession reste optimiste, « prête ou volontaire à s’adapter ».
En 2020, les confinements de fin d’année ayant bouleversé les secteurs d’emploi, l’ostréiculture était parvenue à embaucher du personnel saisonnier sans difficultés. Une piètre compensation du contexte sanitaire, au regard des pertes économiques accumulées au cours de l’année. C’est toutefois ce même effet qui semble avoir sauvé la profession un an plus tard, tandis que l’augmentation et la prolongation du tourisme intérieur ont rééquilibré les ventes. « Dès les beaux jours jusqu’à l’automne, le point positif de notre bilan 2021 c’est une augmentation de la consommation, qui s’explique par une saisonnalité prolongée et un apport de population plus important qu’auparavant », rapporte Daniel Coirier, président du comité régional de la conchyliculture de Charente- Maritime (CRC 17), avant de souligner que la période des fêtes de fin d’année a elle aussi affiché une progression de la distribution, malgré les pertes envisagées par la profession. « On est rentrés dans une année normale, on a retrouvé le volume d’avant crise, à savoir les quarante-cinq à cinquante mille tonnes commercialisées sur la Charente Maritime », poursuit- il, les chiffres semblant même plutôt indiquer une progression par rapport aux bilans de 2019.
Amélioration de la vente directe sur les marchés et des ventes aux établissements, retour à l’équilibre pour l’export autour de 10 %, l’état positif de la demande a préservé le marché ostréicole et de nombreux modèles d’exploitation. « On a encore une marge à franchir, mais on se rapproche des objectifs de consommation à l’année », confirme Daniel Coirier, tandis que cette perspective occupait tous les représentants de l’huître Marennes-Oléron avant l’irruption de la pandémie.
Prudence, volonté et résilience
Habituée aux remous et aux bouleversements d’ordre environnemental, économique ou sanitaire, la profession demeure toutefois prudente face à l’effet rebond. « On a envie d’être optimistes mais tout est à prendre avec modération. Car par exemple tout semble s’ouvrir et peut-être que les touristes étrangers vont venir sur notre territoire, mais ce ne sont pas forcément ceux qui consomment le plus nos produits, et dans le même temps les Français pourraient préférer repartir en voyage », jauge le représentant de la profession avant d’indiquer que seule la reprise d’une « vie normale » pourra éclairer la filière.
Dans cette attente, le comité régional réfléchit à de nouveaux formats d’adaptation, notamment en matière de recrutement et de valorisation du métier. Pendant les fêtes, l’allongement horaire prévu par la convention collective avait déjà permis aux ostréiculteurs de moduler leurs plannings de travail, en dépit des cas de Covid ou de a difficulté à l’embauche. Mais la priorité reste toutefois la mise en lumière de l’ostréiculture, auprès du personnel comme des consommateurs : « On cherche des solutions pour accueillir des saisonniers en amont et leur faire découvrir notre travail, un métier à la portée de tous et qui ne requiert pas de diplômes.
On accueille à bras ouverts toutes les bonnes volontés », rappelle Daniel Coirier, soulignant que les principales complications de la profession se nichent encore dans sa capacité de production, dépendante « des aléas climatiques et environnementaux ».
Un nouveau président du CRC fin mars
Avec une croissance un peu réduite en 2021, la production enregistre ainsi une légère baisse et le CRC constate en outre « un manque d’espace pour se développer ». Mais les ostréiculteurs expriment tous leur aptitude renouvelée à confronter les obstacles : « On a traversé différentes crises depuis fort longtemps, les tempêtes, les mortalités, et au final on a toujours réussi à s’adapter avec toutes les difficultés que ça engendre », conclut le président du comité régional de la conchyliculture, qui ne se représentera pas au poste qu’il occupait depuis quatre ans : « C’était très enrichissant et j’ai eu beaucoup de satisfaction à travailler avec l’équipe du CRC. Une page se tourne pour moi avec beaucoup d’émotion, mais j’encourage le maintien de ces élus qui représentent nos métiers et défendent les intérêts des conchyliculteurs de Charente- Maritime ». Son successeur sera élu le 29 mars prochain.
Témoignage
Peu de visibilité sur l’Île de Ré
En écho aux propos du Président du CRC 17, Daniel Coirier, il convenait d’interroger des professionnels rétais. Témoignages du Sud au Nord de l’Île de Ré.
2020, année noire, des deux côtés du pont le constat est bien sûr unanime. A Loix, l’ostréiculteur Frédéric Voisin, fournisseur de restaurants gastronomiques, a été sévèrement impacté par leur fermeture et une reprise à un rythme lent. Même son de cloche du côté de de la Cabane Océane à La Flotte, également en lien étroit avec le monde de la restauration.
La saison 2021 a-t-elle réellement compensé ? Ce n’est pas si simple.
Un été « froid »
Pour Angélique Rousseau la compensation par une forte affluence en 2021 a été tempérée par un « problème de pousse », conduisant la jeune femme à le dire tout net : « La Cabane océane n’a pas eu le rendement souhaité en 2021 », même si elle se réjouit par ailleurs de la « bonne consommation sur les marchés », malgré « des contraintes sanitaires drastiques qui n’ont pas facilité la vie des commerçants, ni celle des clients ! », précise- t-elle, évoquant de longues files d’attente notamment au Marché de La Rochelle les samedis.
Du côté de Loix, les caprices météorologiques de l’été 2021 ont sanctionné Frédéric Voisin qui a constaté 30% de crevettes en moins dans les marais. Pour lui, la compensation n’a pas été vraiment au rendez-vous et il n’y a guère de changement entre les chiffres d’affaires 2020 et 2021.
En cause, un autre problème le contraignant à refuser environ quarante personnes par jour sur « La Cabane du Grouin », son activité complémentaire de dégustation.
Problème de personnel endémique
Du Nord au Sud de l’île, les propos des deux professionnels se complètent et se répondent : la question du personnel saisonnier, de son recrutement à sa gestion est source de multiples embûches impactant leur vie professionnelle.
« Avec un tourisme très météo-dépendant et peu de visibilité sur la saison à venir, c’est compliqué », reconnaît Angélique Rousseau. « Combien prend-on de personnes, comment on les trouve ? »… l’équation n’est pas simple, d’autant que ce personnel volatile ne reste pas forcément. « Ca tourne beaucoup, résultat on est toujours en train de former les gens », regrette-t-elle.
A Loix, Frédéric Voisin n’est pas parvenu à recruter en 2021, « à croire que personne ne voulait travailler », commente-t-il sobrement. Mais au-delà de la motivation, il est une autre spécificité rétaise, tendant d’ailleurs à gagner le continent : le manque de logement à destination du personnel saisonnier. « Vous imaginez quelqu’un venir tous les jours à Loix depuis La Rochelle ? » interroge l’ostréiculteur rétais, connaissant déjà la réponse au regard des horaires et contraintes du métier.
A La Cabane océane, Angélique Rousseau avait jusqu’alors un accord avec un camping sur des mobil-home, « mais c’est fini aujourd’hui », préciset- elle, expliquant que le camping ayant investi dans des équipements neufs, il souhaite bien sûr les rentabiliser.
Compte tenu du manque de visibilité et avant de se lancer dans le recrutement 2022, Angélique Rousseau et son associé Sébastien Réglin ont lancé au préalable une étude comptable, « pour voir si on embauche ou pas cette année », précise la jeune femme.
Quant à Frédéric Voisin, il a décidé d’allonger la saison avec un besoin supplémentaire à hauteur de quatre ou cinq personnes. Et n’oublie pas de lancer un appel clair concernant d’ailleurs nombre de professionnels liés au tourisme : « Il faut vraiment une mobilisation générale sur le logement saisonnier ! », affirme l’ostréiculteur rétais.
Pauline Leriche Rouard
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