Olivier Falorni : « Trop d’hommes politiques sont pétris de certitudes, parfois la politique pêche par arrogance »
Ré à la Hune et NA Radio ont interviewé le député de la première circonscription La Rochelle-île de Ré, tant sur des sujets nationaux que des préoccupations locales.
Ré à la Hune et NA Radio : Monsieur le député Falorni, vous n’avez eu de cesse sous le précédent mandat de dénoncer les députés « godillots » les votes selon les consignes des partis politiques et non selon les convictions. Trouvez-vous qu’à cet égard le renouvellement de l’Assemblée Nationale, sous la présidence de Macron, a fait évoluer positivement les comportements ?
Olivier Falorni : Je pense que la grandeur d’un responsable politique est de se déterminer en fonction de sa conscience et non de la consigne. J’avais l’espoir avec ce nouveau monde politique de nouvelles pratiques à l’Assemblée Nationale. J’ai été particulièrement déçu. Je conçois que les députés de la majorité souhaitent permettre l’application du programme d’Emmanuel Macron. Mais là, le fonctionnement est déplorable car il ne permet pas de débat public, avec des députés qui votent selon l’avis du ministre sur le banc, lequel parfois donne des consignes différentes des engagements de campagne du président. La consigne prévaut sur la conscience. Avec 75 % de nouveaux députés, cela n’a pas changé et parfois cela s’est même aggravé avec un bloc monolithique aux réflexes pavloviens, alors que beaucoup de députés ont les capacités, les compétences et les convictions nécessaires à la fonction, qui parfois n’apparaissent pas au moment des votes.
Vous nous aviez expliqué que faute d’appartenir à un groupe politique à l’Assemblée, vos possibilités d’intervention étaient très limitées. Concernant votre Proposition de Loi sur la fin de Vie, pensez-vous avoir une fenêtre de tir sous votre mandat ?
Le statut de non-inscrit a ses avantages : offrir une liberté de parole et de vote. Certes, j’étais inscrit dans un groupe lors du précédent mandat, mais ma liberté n’y était pas remise en question, ce groupe étant particulier. Le souci majeur est qu’un non inscrit a une capacité d’intervention dans l’hémicycle beaucoup plus réduite. Ce sont les groupes politiques qui se répartissent les temps de paroles, les rapports, la présence en commission, les non-inscrits sont fortement pénalisés. C’est ce que je viens de vivre à travers le texte sur la Loi Alimentation-Agriculture. Les 20 députés non-inscrits ont eu une heure, tandis que les 17 députés du groupe GDR ont eu 4h30 et une heure attribuée au président du groupe.
Cette difficulté pour s’exprimer représente un vrai souci démocratique. Les groupes politiques ont le monopole de fonctionnement de l’Assemblée Nationale depuis très longtemps.
J’ai toutefois la chance d’être bien identifié dans le débat politique national ce qui me permet de m’exprimer largement dans les médias locaux et nationaux, tous mes collègues n’ont pas cette chance. Cela me permet de défendre des convictions que je ne peux porter dans l’hémicycle.
Pour la protection animale et notamment dans le cadre de l’encadrement des pratiques des abattoirs, pensez-vous revenir à la charge pour la vidéo-surveillance ?
Bien sûr je reviendrai à la charge et vous avez là une parfaite illustration de ma réponse à votre première question. Mes collègues de la majorité présidentielle qui avaient déposé des amendements similaires au mien sur la vidéo surveillance ne les ont pas défendus au moment où il fallait le faire et n’ont pas voté mon amendement.
Voilà toute la politique telle que je ne l’aime pas. On avait un engagement très clair du président Macron sur la mise en place de la vidéosurveillance dans les abattoirs, cette promesse de campagne n’a pas été tenue. Le Ministre de l’Agriculture, du début à la fin a refusé toute évolution sur la question du bien-être animal : l’interdiction du broyage des poussins vivants, celle de la castration à vif des porcelets, ou encore celle à terme 2022-2025 de l’élevage des poules et lapins en batterie et en cages, tout cela a été rejeté, tout comme la fin de l’utilisation du dioxyde de carbone pour étourdir les cochons. Il n’y a eu aucune évolution sensible, tout comme en matière phytosanitaire sur l’interdiction du glyphosate. Je pensais qu’avec le projet issu des Etats généraux de l’alimentation on pouvait avancer, j’ai été extrêmement déçu.
Avez-vous pu avancer sur les conditions de détention et la surveillance spécifiques que vous voulez faire instaurer en milieu carcéral pour les Djihadistes ?
Lorsque j’ai participé à trois commissions d’enquêtes, la question de la radicalisation en milieu carcéral est apparue comme un phénomène particulièrement préoccupant. Ce que j’ai d’ailleurs pu constater en me rendant inopinément à la maison centrale de Saint-Martin, qui tolérait les casinos depuis des décennies, véritables lieux de radicalisation.
Nous avons obtenu des évolutions très sensibles avec la disparition des casinos et la construction de nouveaux équipements, mais cela ne règle pas tous les problèmes.
La question majeure, qui est d’ailleurs d’actualité, est : Que faisons-nous des détenus incarcérés il y a quelques années pour terrorisme ou association de malfaiteurs à visée terroriste ? Certains vont sortir cette année et un nombre important dans les trois prochaines années. Je considère qu’il s’agit d’un devoir sacré de l’Etat d’assurer un suivi très précis de ces populations, tout comme il est de sa responsabilité d’éviter que les prisons soient des pépinières djihadistes, avec des détenus de droit commun qui se radicalisent au contact du caïdat. Il faudra bien se résoudre à avoir des quartiers de haute sécurité ou accepter le cloisonnement étanche entre les détenus les plus radicalisés et ceux de droit commun. Ce n’est pas une solution miracle certes, mais cela évitera le pire.
Quels sont les autres combats que vous souhaitez porter sous ce mandat ?
Le combat que je mène, je vais vous surprendre avec ce que j’ai dit plus haut, c’est un combat humaniste, je prête attention à tous les êtres vivants, les êtres humains et les animaux. Le combat sur la fin de vie est essentiel pour la dignité humaine.
Un autre combat me tient à coeur, il s’agit de la façon dont nous allons accompagner humainement nos aînés, car une société qui ne respecte pas ses aînés se délite. Dans certains établissements, faute de moyens, ceux qui y travaillent sont à bout et ceux qui y vivent ne connaissent pas toujours des conditions de dignité. Il faut y mettre des moyens.
On constate aussi quotidiennement dans nos villes et villages l’abandon de personnes âgées qui vivent seules, dans le dénuement le plus total. Dans quelle société vivons-nous ?
Où en est votre proposition de loi pour la saliculture ? On rappelle que les saliculteurs ne sont pas considérés comme des agriculteurs bien qu’ils cotisent à la MSA, et cela depuis le traité de Rome. Est-il temps d’évoluer ? Qu’allez-vous faire pour venir en aide à cette filière victime d’une incongruité ?
J’ai déposé comme vous le savez une proposition de loi, car ils relèvent du régime social et fiscal de l’Agriculture, sans ses avantages, sans possibilité d’aides européennes, ni exonération possible. L’équilibre n’est pas assuré et il faut acter ce principe. Dans la longue série du Ministre de l’Agriculture, ce fut encore un débat lamentable, on a considéré qu’il s’agissait d’un « cavalier législatif », c’est-à-dire d’un amendement pas en lien avec la Loi. Le Ministre est à côté de la plaque. Le combat continue et je suis convaincu que cela finira par être acté.
Pourquoi n’avoir pas rejoint le groupe des députés La République en Marche ?
J’ai refusé l’investiture de campagne tout comme d’adhérer au groupe à l’Assemblée, car je ne voulais pas être ligoté ni voter à l’inverse de ce que je pense et aussi parce que j’avais des désaccords entre autres sur la hausse de la CSG, excessive et aux seuils trop bas. De plus en 2012 j’ai été élu dans un contexte particulier, avec des électeurs qui ont voté pour moi par rejet de mon adversaire. J’avais envie en 2017 de savoir si les électeurs me faisaient confiance sur mon bilan et non pas sur une étiquette. Il s’agissait sans doute d’une prise de risque, et c’était orgueilleux, mais au moins j’ai su. Cette élection beaucoup plus forte m’a procuré encore plus de joie qu’en 2012 car j’ai été élu sur ce que j’ai fait et j’ai pu confirmer ma véritable légitimité.
Vous êtes un député à temps plein, 5ème parmi les 577 députés au rang de l’assiduité dans l’hémicycle, considérez-vous que vous remplissez pleinement votre tâche ? Quel mandat pourrait vous faire céder votre fauteuil de député ?
Je ne peux pas en juger. Il n’y a pas meilleure récompense d’un élu quand, au moment des élections, il rencontre l’adhésion des citoyens, et à cet égard mon score sur l’île de Ré fut émotionnellement très fort.
J’ai un principe : toujours être dans le doute cartésien, trop d’hommes politiques sont pétris de certitudes, parfois la politique pêche par arrogance.
Vous n’êtes pas découragé ?
J’ai le sentiment du soutien de mes concitoyens dans les combats que je mène, même si je me heurte à des murs, aux lobbies, à la frilosité et au manque de courage. Ainsi en est-il sur la question de fin de vie, les responsables politiques doivent avoir le courage de porter un certain nombre de grandes libertés, de réformes sociétales particulièrement importantes. Tout comme Simone Veil s’est battue pour l’autorisation de l’IVG en 1974, la question de l’aide médicalisée à mourir constitue l’ultime liberté à obtenir et pour sortir de l’hypocrisie actuelle.
C’est vrai que je n’ai pas choisi les combats les plus faciles.
Quels sont les futurs dossiers « locaux » que vous préparez et allez présenter et défendre à l’Assemblée Nationale ?
Il y en a beaucoup sur notre territoire, une préoccupation me tient particulièrement à coeur sur l’île de Ré, sur laquelle j’ai sollicité plusieurs fois Nicolas Hulot. Alors que l’île est un bijou environnemental, protégé par les élus, la Communauté de Communes, un certain nombre d’éléments exogènes sont préoccupants pour son avenir touristique et économique.
La prolifération des algues vertes amène à se poser la question de l’azote, des nitrates et des phosphates qui s’écoulent dans la mer, tout comme la forte augmentation des échouages de dauphins, la surmortalité extrêmement importante des huîtres dans notre golfe, doivent nous faire nous interroger sur la qualité des eaux. L’enjeu environnemental est très fort sur Ré mais la qualité des eaux aussi doit faire désormais l’objet de toutes les attentions.
Il faut également savoir comment concilier le poumon économique qu’est le Grand Port Maritime et la préservation des territoires proches. On m’annonce un déroctage dans les mois qui viennent, je serai particulièrement attentif, car les réponses ne sont pas toujours très claires. Il faut être vigilant sur les obligations que le GPM doit mener et sur la question de sa gouvernance. On parle de régionalisation. S’il y a une régionalisation avec Bordeaux, qui prendrait la main sur le GPM de La Rochelle, on perdrait encore un peu plus en termes d’attention à l’environnement. Plus on est près plus on est sensibilisé à ces questions.
Néanmoins Monsieur Puyrazat a pris conscience de cette problématique, qui doit être gérée en lien étroit avec les acteurs du territoire.
C’est un enjeu majeur que la cohabitation d’une activité économique liée au développement durable (politique nationale) et d’une politique environnementale. Le GPM a une double responsabilité de poumon économique qui ne doit pas fragiliser le poumon maritime de notre territoire.
Dans nos colonnes et à notre micro, Dominique Bussereau et Lionel Quillet nous annonçaient en avant-première il y a quelques semaines qu’ils étudiaient très sérieusement un projet de mobilité venant de Corée du Sud… Quels est le fond de votre pensée concernant cette problématique récurrente et du quotidien que l’on soit d’un côté ou de l’autre du pont ? Sont-ils trop précurseurs ?
On n’est jamais trop en avance, je ne connais pas le projet, même si j’ai lu son annonce dans votre journal, ce que je sais c’est qu’ils ont raison : c’est un enjeu majeur de faire en sorte que le transport collectif propre aient des facilités pour être rapide et accessible. Cela prendra de nombreuses années, c’est un dossier majeur pour Ré et La Rochelle. L’écotaxe est absolument nécessaire pour protéger l’île mais aussi développer un tel projet, son niveau d’été ne peut être abaissé, par contre je pense qu’en basse saison il pourrait être étudié un tarif plus attractif, pour que les Rochelais puissent venir plus facilement sur l’île et contribuer à sa vie économique.
Propos recueillis par Nicolas Coûte et Nathalie Vauchez
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