Olivier Falorni, l’homme des combats de société majeurs
Dans la continuité des combats qu’il mène depuis longtemps, qui avancent mais ne sont pas tous aboutis, loin s’en faut, Olivier Falorni sollicitera en juin prochain* un 3e mandat de député de la circonscription La Rochelle-île de Ré. Il est revenu, au cours d’un long entretien avec LR à la Hune, sur le fond de ses sujets de prédilection
LR à la Hune : Dès votre 1er mandat vous avez fait du « droit à une fin de vie libre et choisie » un combat essentiel. Dans de précédentes interviews, vous disiez votre déception quant à des postures politiciennes. Depuis, l’article premier de la proposition de loi a été adopté par les parlementaires, après amendement, jeudi 8 avril 2021, à quelques minutes de la fin des débats, par 240 voix contre 48.
Olivier Falorni : Pour la première fois en France la Représentation Nationale a voté ce droit à une fin de vie libre et choisie. C’était un moment particulièrement fort. Malheureusement la niche parlementaire d’une journée dont a disposé mon groupe « Libertés et territoires » n’a pas suffi pour aller au bout, surtout face à l’obstruction de cinq députés Les Républicains qui ont déposé à eux seuls 2500 amendements.
Aujourd’hui le texte sur la fin de vie a été adopté par la Commission des affaires sociales et son article 1 l’a été par l’hémicycle, ce texte est suspendu et peut revenir à tout moment. Ce fut un combat homérique pour faire adopter cet article 1, qui est l’article essentiel, à 23h50 !
Que prévoit cet article 1 de la proposition de Loi ?
Cet article reconnaît le droit à une assistance médicalisée active à mourir à toute personne majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne pourrait être apaisée ou qu’elle jugerait insupportable. En commission, cet article a été complété afin d’y définir cette assistance médicalisée comme « la prescription à une personne par un médecin, à la demande expresse de celle-ci, d’un produit létal et l’assistance à l’administration de ce produit par un médecin ». Et la clause de conscience spécifique à cette assistance médicalisée, applicable aux professionnels de santé, figurant initialement à l’article 5, a été insérée dans l’article 1er.
Pensez-vous que le sujet est aujourd’hui mûr et aboutira prochainement ?
Ce droit s’inscrit dans un cadre juridique très précis, il est ouvert aux personnes majeures et souffrant de maladie incurable, la décision doit être prise par le malade et validée par un collège médical, toutes ces règles permettront de sortir de l’hypocrisie absolue qui règne autour de la fin de vie en France, sous le sceau du secret, dans le silence. Le film « Tout s’est bien passé » joué par André Dussolier et Sophie Marceau pose bien le sujet à la fois avec gravité et humour. « Mais comment font les pauvres pour pouvoir partir mourir en Suisse » ? » demande André Dussolier à sa fille, qui répond : « Ils sont obligés de mourir ici, les pauvres ».
La fin de vie en France est marquée d’une inégalité sociale et les choses se passent souvent dans la clandestinité, en cas de départ vers la Belgique ou la Suisse, ou l’opacité, avec la pratique d’euthanasies clandestines. Il est nécessaire de sortir de la situation actuelle. La Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg ont légiféré depuis vingt ans, l’Espagne a récemment légalisé l’euthanasie et le suicide assisté, demain ce sera au tour du Portugal, qui est dans la même démarche. L’Irlande a engagé un processus législatif pour légaliser le suicide assisté. En Italie, un référendum est prévu en 2022 à la suite d’une pétition citoyenne demandant que le texte soit soumis à la population par cette voie. En Europe Occidentale, nous sommes parmi les derniers à légiférer. Plus loin de chez nous, plusieurs pays anglo-saxons (Canada en 2016, Nouvelle-Zélande en 2020) ainsi que des états fédérés australiens et américains ont légalisé l’aide active à mourir ou sont sur le point de le faire.
« Le droit à une fin de vie libre et choisie, l’ultime liberté à conquérir »
En France, le vote du mois d’avril nous engage dans un processus i r r é v e r s i b l e . Je ne comprends pas que le Gouvernement, qui se définit comme réformiste et progressiste, ne se saisisse pas d’une telle réforme. Depuis plusieurs années les enquêtes d’opinion montrent avec constance que l’immense majorité des Français – 96 % d’après un sondage Ipsos en 2019 – est favorable à la légalisation de l’euthanasie, toutes sensibilités politiques et catégories d’âge ou socioprofessionnelles confondues.
Soit la proposition de Loi est à nouveau inscrite à l’ordre du jour par le Gouvernement ou un Groupe parlementaire avant la fin de la session parlementaire, soit je suis convaincu que ce sujet sera au coeur de la campagne présidentielle. Il s’agit d’une grande réforme de société, de l’ultime liberté à conquérir.
« Rien n’est plus fort qu’une idée dont l’heure est venue » (citation de Victor Hugo), d’autant que ce droit n’empiète pas sur la liberté des autres, il ne leur retire aucun droit, chacun a sa liberté de choix. Le Président et le Premier Ministre ne veulent pourtant pas que cette Loi soit adoptée. Emmanuel Macron a annoncé la création d’une Convention citoyenne sur le sujet, c’est une manoeuvre de diversion, comme disait Clémenceau : « Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission ».
Ce sujet fait partie de ceux les plus débattus déjà au Parlement depuis 18 ans, avec des rapports depuis 2010 et une consultation citoyenne en 2013 organisée par le Comité Consultatif National d’Ethique ayant abouti à un avis positif, en 2018 Le Conseil Economique Social et Environnemental a aussi débattu et donné un avis favorable. Il est temps que le Parlement se prononce.
Je n’imagine pas que la France, République laïque, soit à la traîne en Europe sur ce sujet, alors que des pays à culture catholique ont ou vont légiférer. D’ailleurs la grande majorité des catholiques et des pratiquants est favorable à ce droit, qui apporte une réponse à une situation insupportable.
La protection animale constitue une autre grande cause que vous défendez, êtes-vous satisfait du Projet de loi en cours ?
Adopté en 1re lecture à l’Assemblée Nationale, le Projet de Loi est enfin étudié au Sénat et doit revenir devant l’Assemblée avant la fin de ce mandat. Je dirais que le verre est à moitié plein, il y a quelques avancées. Le premier constat abominable à faire est le record battu avec 17 000 abandons d’animaux recueillis par les SPA entre mai et août 2021. Il est difficile d’expliquer l’inacceptable. Il est révoltant de penser que l’animal soit un objet de consommation. Le Code civil a acté que l’animal est un être vivant doué de sensibilité, c’est la moindre des choses, il était avant considérée comme un « bien meuble ».
La Loi sur la maltraitance animale apporte certaines réponses, avec le renforcement des sanctions en cas de sévices et actes de cruauté. Aujourd’hui passibles de 45 000 euros d’amendes et jusqu’à 3 ans d’emprisonnement, demain ces sanctions seront portées à 75 000 euros et 5 ans pour des actes de cruauté ayant entraîné la mort d’un animal. Tuer un animal a des conséquences pénales.
Le second point intéressant est la volonté de ne pas faire de l’animal un objet de consommation sur Internet où désormais seuls les éleveurs professionnels et associations de protection animale pourront organiser des transactions. Les animaleries ne vendront plus de chiens et de chats non plus.
J’ai cependant plusieurs regrets, et c’est un combat que je veux mener durant le prochain mandat. En premier lieu, l’expérimentation animale sur des lapins, des singes et des chiens est un sujet dont on parle peu, la France n’est pas bon élève en la matière et n’a pas la volonté de travailler sur des expérimentations alternatives. Pourtant, depuis que le législateur a interdit l’expérimentation animale pour des cosmétiques, les laboratoires ont développé des méthodes alternatives. L’élevage en cage devrait aussi être interdit, à terme, et l’élevage en plein air valorisé, le consommateur a un rôle crucial à jouer. Il faut aussi qu’on aboutisse sur la question de la surveillance vidéo obligatoire dans les abattoirs en France, pour contrôler ce qu’il s’y passe. Ma proposition de Loi votée lors du précédent mandat (en janvier 2016) est freinée par la Loi Egalim qui s’y oppose. Le texte sera repris par le Sénat durant ce mandat. La demande citoyenne en la matière est importante et d’autres pays avancent sur ce sujet. Par exemple, en Grande-Bretagne les contrôles vidéos sont imposés dans les cahiers des charges.
Je suis aussi consterné par le renoncement très récent du Gouvernement sur des chasses traditionnelles cruelles et non sélectives, comme par exemple la chasse à la glue. Je ne suis pas opposé à la chasse, qui participe à la régulation de certaines espèces, il ne s’agit pas de l’interdire mais de supprimer des pratiques qui ne sont pas acceptables.
Concernant la corrida elle devrait au minimum être interdite aux enfants de moins de 15 ans. Dans certains endroits, il existe une éducation des enfants à la tauromachie…
Si ce projet de Loi apporte quelques avancées incontestables, il comporte aussi des insuffisances importantes. Je veux porter très fortement l’idée de Robert Badinter – avec qui j’en ai parlé récemment lors du 40e anniversaire de l’abolition de la peine de mort – de la création d’un Défenseur des droits de l’animal, à l’image du Défenseur des Droits créé en 2011 pour la défense des citoyens.
Il s’agirait d’une instance officielle, reconnue, qui s’assure de l’application des lois et règlements concernant les droits des animaux. Je trouve l’idée très intéressante qui permettrait de garantir le statut juridique de l’animal, il s’agirait d’une avancée importante pour la reconnaissance de l’animal. Tout comme le Défenseur des droits a un rôle politique et est souvent saisi, le Défenseur des droits de l’animal pourrait être saisi et/ou saisir lui-même autorités politiques et judiciaires.
Autre sujet qui vous mobilise, la politique pénitentiaire en France. Quels sont vos points d’attention particulière ?
Je vais être très mobilisé jusqu’à la fin de ce mandat sur ce sujet avec la Commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française mise en place il y a quelques semaines, et dont je suis l’un des secrétaires. Le parc pénitentiaire est indigne, tout comme la surpopulation carcérale. Je pense être légitime et avoir une certaine expertise sur la question du prosélytisme de l’islamisme radical en prison, sur laquelle je vais travailler plus spécifiquement. Comment mieux lutter contre ce phénomène viral, qui représente une bombe à retardement, entre les détenus pour actes terroristes qui vont sortir dans les années à venir et les détenus de droit commun qui se sont radicalisés en prison.
Nous avions obtenu quelques avancées suite à la Commission d’enquête ayant fait suite aux attentats du Bataclan, comme la création d’un Service de Renseignement pénitentiaire avec la spécialisation d’agents de l’administration pénitentiaire, qui a permis d’avoir une vision plus précise de ces phénomènes, même si cela reste compliqué.
Ainsi on estime entre 600 et 700 le nombre de détenus de droit commun radicalisés ou en voie de radicalisation dans les prisons françaises. Il s’agit de faire des choix de protection des détenus contre cette radicalisation mais aussi de faire face à des phénomènes plus profonds et inquiétants. Et quid de la centaine de détenus pour terrorisme qui vont sortir de prison d’ici 2023 ? Pourquoi sortent-ils si vite ? Jusqu’en 2015 ce type d’actes relevait de la correctionnelle et était sanctionné par dix ans de prison au maximum. Depuis l’évolution législative post-attentats de 2015, les actes de terrorisme relèvent d’une Cour d’Assises et sont sanctionnés d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à trente ans.
« Maltraiter un animal aura des conséquences pénales alourdies »
L’enjeu est ainsi double : Comment contrer le phénomène viral en prison du prosélytisme radical, doit-on créer des établissements dédiés ? On n’échappera pas à des établissements de haute sécurité dédiés à ce type de détenus encadrés par des agents spécialisés et avec un accompagnement spécifique. Il s’agit d’une révolution culturelle pour l’administration pénitentiaire. Et comment assurer un suivi médico-judiciaire efficace des détenus après leur sortie via les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (les MICAS) ? Il faut renforcer le dispositif d’assignation à résidence quand c’est nécessaire, tout comme celui des perquisitions administratives, en relation avec le Juge d’Application des Peines.
Comment abordez-vous ces prochaines élections législatives ?
Quand on est un Député engagé, on souhaite aller au bout de ses combats, sans se disperser afin de ne pas faire les choses à moitié. Mes combats sont des sujets majeurs pour la société française. La violence animale en fait partie intégrante, car un homme qui torture un animal ne peut faire preuve d’humanité. Je m’intéresse à beaucoup d’autres sujets, comme la question de la psychiatrie en France, celle de la dépendance et du maintien à domicile des personnes âgées. J’ai fait le choix du mandat unique et je travaille avec les vingt communes de ma circonscription, quelles que soient mes affinités politiques ou personnelles, j’y mets un point d’honneur, car c’est le devoir d’un élu.
Je suis un laïc, républicain, universaliste, ma sensibilité politique est de centre gauche, un centre gauche ouvert, tout le monde sait que mon modèle est Georges Clémenceau et mon mentor Michel Crépeau, j’aime travailler avec les élus de toutes opinions pour avances sur des questions d’intérêt général.
« Les Français sont sensibles aux politiques qui se battent avec conviction »
Le terrain des élections législatives n’est pas celui d’une cour d’école, où on barre la route à un candidat juste parce qu’on ne l’aime pas. Les Français attendent des politiques qu’ils soient à la hauteur, et n’approuveraient pas des candidatures d’aigreur, de rancoeur et d’esprit revanchard. Je me place au-dessus de cela et je crois que les Français sont sensibles aux politiques qui se battent avec conviction car ils croient en leurs combats, j’essaie de donner de la dignité à la fonction.
Il faudrait être d’une extraordinaire mauvaise foi pour laisser entendre que je n’ai pas fait le job depuis presque dix ans et que je serais passé de très bon député à très mauvais député, ce ne serait pas crédible.
*Les élections législatives auront lieu les 12 et 19 juin, après l’élection présidentielle les 10 et 24 avril 2022
Le mot d’Allain Bougrain Dubourg
« Très proche de la protection animale, je suis évidemment favorable à cette idée d’un Défenseur des droits de l’animal, c’est une fonction qui aurait un rôle d’importance.
L’animal est transversal à l’éducation, la recherche, le sport, l’agriculture, l’alimentation, les loisirs, etc.
Le chantier est énorme, la seule chose indispensable, pour que ce soit viable, est qu’un tel poste soit rattaché au 1er Ministre, mais ne soit en aucun cas sous la tutelle des Ministères de l’Agriculture ou de l’Écologie, afin de bénéficier d’une autonomie totale, et de ne pas être soumis aux lobbyings, ni mis sous tutelle.
Pourquoi pas sinon un Secrétaire d’Etat aux animaux, car s’il était créé sous un Gouvernement, je vois mal le suivant supprimer ce portefeuille. Il s’agit d’une question sociétale, un Français sur deux a un animal de compagnie. »
Propos recueillis par NV
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