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Nicolas Herpin : un précurseur de la géopolitique
Grâce à Jacques Boucard qui a publié le mémorial de Nicolas Herpin, notaire des seigneuries d’Ars, de Loix et des Portes, accompagné de ses commentaires dans la revue les Archives historiques de l’Aunis et de la Saintonge(1), le grand public a accès en toute compréhension à ce document couvrant la période 1581 à début 1604. Ce mémorial fourmille d’informations d’autant plus importantes que les archives de cette époque n’ont pas résisté aux guerres de religion et se font rares.
Écrit à la fin des guerres de religion, ce document trace un tableau assez précis de ce que coûteront aux catholiques, comme aux protestants, les différentes opérations militaires destinées à prendre ou reprendre le contrôle de l’île. Il évoque également les dégâts collatéraux qu’engendre le conflit entre l’Angleterre d’Élisabeth 1ère et la très catholique Espagne de Philippe II pour la maîtrise des mers, si bien que les Rétais dont l’île est une véritable tête de pont sur la côte atlantique, vivent dans l’angoisse permanente d’une attaque de leurs armées navales ou de celle des pirates. En 1598, l’édit de Nantes met un terme provisoire aux guerres ravageant le royaume.
Mais il existe d’autres maux frappant l’île et, parmi ceux-ci, Nicolas Herpin met l’accent sur la vulnérabilité de la population face à la maladie. Il s’attarde sur l’épidémie de 1583 durant laquelle 4 000 Rétais décèderont en moins d’une année, soit pratiquement la moitié de la population de l’île !
Les variations climatiques sont un autre souci majeur affectant la vigne et la saliculture. Les bonnes années pour le sel ne sont pas forcément favorables à la vigne. La chaleur et la sécheresse excessives de 1597 lui seront néfastes, alors que la production de sel explosera. Année après année, Nicolas Herpin étudie l’impact du climat, des tempêtes et vimers (24 février 1591, 4 octobre 1591 et la très grosse tempête assimilable à un vimer du 31 décembre 1598) sur ces deux productions vitales pour l’île de Ré. Les gelées spectaculaires de 1590, de l’hiver 1594-1595 ou de 1603 lorsque la mer avait gelé dans le port de Saint-Martin empêchant le départ des navires, seront tout aussi funestes à l’agriculture et entraineront une grande pauvreté.
Les tremblements de terre de 1591 et 1593, la découverte des bancs de Terre-Neuve, les fraudes sur les contenances des futailles… rien n’échappe à la vigilance de notre notaire.
Un géopoliticien avant l’heure
Mais ce qui frappe chez Nicolas Herpin, c’est sa manière de faire de la géopolitique avant l’heure. Il suit attentivement ce qui se passe à l’est, au nord et au sud et en particulier « les différends entre l’Espagne et l’Angleterre qui est menace pour la souveraineté de l’Espagne sur les territoires des Pays-Bas » (1). Il raconte comment en octobre 1603, 3 000 juifs sont chassés de Lisbonne et vont prendre la direction de Bordeaux, de La Rochelle et de Saint-Martin de Ré. Diaspora qui viendra compléter celle issue du décret de l’Alhambra pris par l’Espagne le 31 mars 1492. Le choix est simple : la conversion ou l’exil. On en tuera quelques uns à l’occasion. Nombreux sont ceux qui se convertissent et prennent le temps de régler leurs affaires avant de partir, beaucoup s’enfuient et c’est ainsi que le commerce mondial se déplace à la fin du XVIe siècle vers le nord de l’Europe, la communauté juive fournissant à la Hollande les capitaux permettant d’enlever au Portugal, allié de l’Espagne, le commerce des Indes !
On ne sait ce qu’est devenu Nicolas Herpin, qui a si bien restitué l’atmosphère et les mentalités de son époque, car il s’intéressait véritablement aux gens. Il aurait écrit une suite à ce premier ouvrage dont personne à ce jour n’a retrouvé la trace.
Catherine Bréjat
(1) Archives Historiques de la Saintonge et de l’Aunis – Tome LXVII – 25 €
En vente à la boutique du Musée Ernest Cognacq à Saint-Martin de Ré
Devant le succès de la première soirée, le Musée Ernest Cognacq propose une nouvelle date de conférence de Jacques Boucard sur le même thème le 22 mars à 18h.
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