Nathalie, une épicière passionnée au service des Villageois
« Amour, mon épicerie de campagne. Dans l’épicerie du village qui sent le savon, le sucre et la toile cirée propre, l’épicière écrit à son amoureux. Elle appuie son papier à lettre sur le plateau de la balance automatique et plus ses sentiments ont de chaleur, plus ils prennent du poids (…) » extrait d’un poème de Robert Mallet.
Le petit commerce dans le sang
Famille rétaise depuis au moins le XVIIIe siècle, c’est à La Couarde où elle fait ses premiers pas que dès l’âge de 6 ans, notre petite Nathalie jouait à la marchande avec ses poupées. Elle avait la caisse bien sûr et toujours des fausses pièces sous la main, un panier où elle pouvait mettre ses fruits et légumes en plastique mais aussi des boîtes miniatures de produits alimentaires… Cela pourrait ressembler à beaucoup d’histoires de petite fille mais celle-ci ne s’arrête jamais et devient réalité… « Être dans un magasin a toujours été pour moi une vocation », nous confie-t-elle entre deux clients.
A 14 ans, en 1978, elle rentre en préapprentissage au BRAVO du Bois Plage, plus connu aujourd’hui sous le nom de Carrefour contact, puis elle passe son CAP de vente. Le BRAVO c’est son nouveau terrain de jeu ver- sion adultes, alors elle essaie un peu tout : la vente de fromage à la coupe, la charcuterie, le poisson, la mise en rayon de produits frais… Jusqu’à ce que Bernard Marsollet rachète en 1987 le supermarché du Bois-Plage et lui propose de venir travailler dans celui des Portes en Ré au poste de responsable crèmerie.
Arrivée en terre villageoise
A cette époque, les beaux-parents de Mr Marsollet tiennent la supérette de Saint-Clément des Baleines, rue de la Boulangerie, sous l’enseigne CALI. Lorsqu’ils partent en vacances c’est Nathalie qui assure le rem- placement et c’est ainsi qu’elle fait ses débuts chez les Villageois. En 1992, son patron lui propose de la reprendre à son compte. En 1993, elle s’occupe aussi d’une seconde épicerie, certains s’en souviennent, avant d’être une brocante puis le bar/restaurant du Palace, il y a eu une épicerie au Gillieux mais cette histoire ne durera qu’une année pour des raisons économiques.
Un rôle d’épicière “sur mesure”
Voilà donc 32 ans que Nathalie réinvente son rôle d’épicière, elle n’hésite pas à rendre des services, à déposer les courses chez les gens gratuitement, à prendre des com- mandes spécifiques. Proche et à l’écoute, souvent avec un petit air de musette sur son poste de musique, elle voit se succéder les générations. Les enfants qui deviennent parents et disent à leurs enfants « Tiens tu vois quand Maman était petite, elle venait chercher ses bonbons chez Nathalie ». Mais aussi les résidents secondaires qui s’installent, les gens qui viennent se confier à elle… Elle voit s’opérer un changement dans la population du village : « Avant, l’hiver, on était plus sur une population de Rétais d’origine, aujourd’hui c’est davantage des rési- dents secondaires qui sont venus s’installer et qui ont pris le relais des locaux qui sont décédés ». Elle voit aussi plus de jeunes que dans les années 90 et le confinement a permis de faire redécouvrir l’esprit épicerie à des gens qui avait le réflexe supermarché, les prix ne sont pas aussi chers qu’ils pouvaient le penser.
Nostalgie
Son meilleur souvenir, c’est la fête qu’elle a organisée pour les 30 ans de l’épicerie. Elle avait invité l’orchestre Latino de son amoureux péruvien et tout le village, ses amis, avaient préparé à boire et à manger. A Saint-Clément on en parle encore comme d’un vrai moment de convivialité et de chaleur humaine.
30 ans plus tard, elle se rappelle de ses fidèles Villageois qui, aujourd’hui nous ont quittés. Elle pense à « Crispy », à Georgette qui avait fêté ses 100 ans ou à Lucien Massé avec du trémolo dans la voix : « On l’appelait « Cosak », tous les matins, il venait au magasin et me disait que même si parfois il allait faire ses courses ailleurs, le village mourrait sans mon épicerie… ». Avec « Cosak », elle avait le droit à sa blague journalière comme celle de ce jour d’automne sous forme de dialogue qui la fit « mourir de rire » : « Mais quel temps il fait ? …car il pleuvait à Torrent » ; Sourire en coin de Cosak, … « Il faut faire comme à Marans », « et qu’est-ce qu’ils font à Marans ? »… « Et bien ils laissent pleuvoir ! »
Un système viable
Blague à part, certains se demanderont comment on peut vivre d’une épicerie dans un village de 700 habi- tants perdu au nord de l’île avec un supermarché de chaque côté sur les communes voisines. Nathalie répond avec un grand sou- rire que c’est aussi grâce aux résidents secondaires et aux vacanciers de la saison haute qu’elle peut se permettre d’offrir ce service à l’an- née. Et que même si pour beaucoup elle n’est qu’une épicerie de dépannage, « ils viennent et c’est déjà bien. Il y a des hauts et des bas, des hivers de solitude mais dans les mauvais moments, j’ai toujours eu cette volonté de me battre pour que St Clément puisse garder son épicerie ».
Pour le futur, son rêve serait juste que cette épicerie continue de vivre quand elle sera à la retraite, qu’elle puisse passer le flambeau à quelqu’un qui aurait le même état d’esprit, que cela ne devienne surtout Son meilleur souvenir, c’est la fête qu’elle a organisée pour les 30 ans de l’épicerie. pas un commerce oppor- tuniste et élitiste dans le cliché du prestige rétais.
Son meilleur souvenir, c’est la fête qu’elle a organisée pour les 30 ans de l’épicerie.
L’authenticité se révèle dans la constance ?
Par ce jour glacé de novembre, les rues sont désertes, la porte s’ouvre et se ferme au son du clocher, il y a ce petit quelque chose qui semble appartenir à une autre époque, comme un petit cocon rassurant… On pour- rait presque penser à la citation de Mme de Staël « L’homme se sent tellement passager qu’il a toujours de l’émotion en présence de ce qui est immuable ».
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