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Musée Ernest Cognacq-Jay : toujours fermé mais bien présent
Derrière sa porte close, le Musée Ernest Cognacq-Jay semble en léthargie. Il n’en est rien. Rencontre avec sa Directrice, Christelle Rivalland
Après de longs mois d’abstinence culturelle, qu’il est bon d’entrer dans un musée ! Même s’il ne s’agit pas ici de déambuler au fil d’une exposition. Dans son vaste bureau ouvrant sur la sérénité du jardin de Clerjotte, nous attend Christelle Rivalland. Venue pour évoquer les derniers résultats des fouilles de l’épave mystérieuse, notre conversation va nous mener bien au-delà, sur la vie intérieure du musée confiné et la saison qui se prépare… dans l’espoir de la réouverture.
Une énigme à résoudre
Voilà déjà trois ans qu’Eric Le Gall, qui a découvert les traces de l’épave en 2015, plonge chaque été avec les membres de l’AREPMAREF (Association de Recherche et d’Etude du Patrimoine Maritime et Fluvial). L’objectif ? Résoudre le mystère de ce mystérieux navire qui a sombré au large du Phare des Baleines il y a plus de deux siècles.
Toujours rien sur son identité. D’où venait-il, où allait-il ? Le mystère reste entier. La présence de nombreux canons (seize au total), disséminés sur le fond de l’océan, en dit long sur son armement et laisse présager qu’il s’agissait d’un navire corsaire. « A ne pas confondre avec un bateau pirate », explique Christelle Rivalland. Car là où ce dernier agit dans l’illégalité, le corsaire le fait avec autorisation, par « lettre de course du Roi ». « Il n’était pas forcément français », ajoute-t-elle, en référence aux deux réals espagnols qui ont été remontées.
Rien n’a pu être trouvé dans les archives « lacunaires sur la période », précise Christelle Rivalland, évoquant la quête du responsable des archives publiques et privées à La Rochelle Pierre Emmanuel Augé qui « de temps en temps fouille les archives familiales ». Pour l’heure sans résultat.
Vers une « vraie » campagne de fouille ?
Outre les pièces espagnoles ont été amenés cette année au Musée un écu Louis XV, un pontet de mousquet (pièce qui se situe au-dessus de la gâchette) et les pointes métalliques du compas du capitaine. Un élément « émouvant » pour Christelle car il tisse « un lien intime avec les hommes qui étaient à bord ». Sur le pontet du mousquet, la Directrice du Musée évoque un poinçon, un R couronné. « Qu’est-ce cela signifie ? » s’interroge- t-elle. « Les analyses nous en apprendront peut-être plus. Il faut explorer toutes les hypothèses possibles ».
Pour Eric Le Gall et l’AREPMAREF, l’été 2020 aura surtout été celui de la photographie. Il s’agissait de réaliser une photogrammétrie précise de l’épave. Pour cela, il aura fallu prendre plus de 40 000 images dont (seulement) 6 000 seront utilisées et assemblées comme un gigantesque puzzle grâce à un logiciel. Christelle espère bien pouvoir la présenter au public à l’aide d’une tablette.
Aujourd’hui la DRASSM (Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines) a dans les mains un dossier de demande pour une vraie campagne de fouilles là où il ne s’agissait jusqu’alors que d’autorisations renouvelées chaque année. Si le dossier est accepté, ce sera reparti pour trois ans cette fois, avec le soutien technique de la DRASSM et l’autorisation de fouiller intégralement le site même si, précise Christelle Rivalland, il s’agira de « se concentrer sur là où devait se trouver le logement du capitaine ». Un endroit susceptible de livrer de précieuses informations. L’énigme du navire englouti n’a pas fini de nous faire rêver…
De retour sur terre
Une fois refermé ce chapitre digne des légendes de notre enfance, revenons à l’ici et maintenant. Bien que fermé, le Musée reste très actif. « Le seul mérite de la Covid19 est de nous avoir obligé à mobiliser des compétences et des moyens que nous n’aurions pas été chercher », explique Christelle Rivalland « Le contexte sanitaire nous a poussé à sortir de nos retranchements », résume-t-elle.
Résultat : la possibilité de proposer aujourd’hui deux expositions temporaires en virtuel 3D. Une démarche qui a « fait bouger les lignes » et que le musée entend poursuivre pour les expositions phares. Pour Christelle, c’est une « alternative pour des publics hors de l’île mais aussi les personnes handicapées ou âgées ne pouvant se déplacer ».
Le musée s’est également attaché à valoriser les collections ou un aspect de l’une d’entre elles mais aussi ses actions et son personnel, avec un déploiement de l’information sur le site du musée mais aussi sur les réseaux sociaux, sous la houlette de Léa Humphry, chargée de communication. Bref, le musée Ernest Cognacq a su s’adapter.
De beaux projets pour 2021
Même si rien n’est encore certain sur le déroulement de la saison, Christelle Rivalland et son équipe s’activent à la préparer.
De la fin mai à octobre, temps fort annoncé avec l’exposition dédiée au plasticien allemand Klaus Pinter. Un artiste d’envergure internationale marié à une française depuis 1977 et installé à Oléron. « C’est un pionnier du lien entre architecture ancienne et art contemporain » explique Christelle et il se trouve qu’il est « tombé en amour pour l’Hôtel de Clerjotte ». Une chance pour l’Ile de Ré et le musée martinais puisqu’il a conçu pour lui une oeuvre monumentale qui prendra place dans la cour.
Cette installation sera accompagnée d’une exposition autour d’une vingtaine de dessins et d’oeuvres de taille plus modestes. Un grand rendez-vous en perspective instituant un dialogue « l’une des fonctions de l’Art », précise Christelle.
Dans un tout autre registre, le musée accueillera du 10 avril au 9 mai le fruit d’une collaboration artistique entre la maison centrale de Saint- Martin, une réalisatrice, un photographe et une enseignante, autour d’un thème riche de sens : « Un autre regard sur l’aventure ». L’exposition se composera de portraits photographiques de neuf détenus et d’un film d’une vingtaine de minutes tourné l’été dernier. Une exposition chère au coeur de Christelle Rivalland, qui donne par ailleurs des conférences à la maison centrale, et une démarche « hors les murs » à laquelle le musée s’est intéressé très tôt.
Bien sûr, la programmation 2021 ne s’arrête pas là. Concerts, spectacles, lectures et théâtre seront aussi de la partie et prendront place dans le cadre bucolique du jardin. « Les retours du public sur l’année dernière sont favorables et le protocole sanitaire validé par la Préfecture » se réjouit Christelle RIvalland. Une promesse artistique pleine d’espérance…
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