- Patrimoine
- Origine du musée Ernest Cognacq
Un musée ancré dans son histoire rétaise
À la charnière du XIXe et du XXe siècle, trois personnalités fort différentes furent à l’origine de la création à Saint-Martin de Ré d’un musée qui perdurera : Théodore Phelippot, maire du Bois-Plage et conseiller général durant vingt-deux ans, son médecin et ami Émile Atgier et bien sûr… Ernest Cognacq, fondateur de la Samaritaine.
Dans le difficile contexte économique de cette fin de XIXe, la vie culturelle qui se développe dans l’île doit beaucoup aux particuliers.
Théodore Phelippot, un érudit et collectionneur hors norme
C’est ainsi qu’aux environs des années 1870, le village du Bois possèdera grâce à Théodore Phelippot, un érudit atteint d’une frénésie de collectionneur, un musée ouvert au public : la Tour Malakoff. Installé dans la propriété de la Bénatière, ce musée-bibliothèque accueillera de nombreux objets : tableaux, estampes, faïences, vieux meubles, monnaies et ouvrages ancien ainsi que près de 3 000 livres, tous réunis par Théodore Phelippot. Marcel Delafosse écrira à propos de ce personnage hors norme à la vie riche et passionnante qu’il mériterait qu’on lui consacre une biographie. Franc-maçon, Phelippot appartint successivement à l’Union Parfaite de La Rochelle puis à l’Accord Parfait de Rochefort. Il n’est donc pas étonnant de le retrouver, avec d’autres notables rétais, dans les rangs d’une « société » aux idées très anticléricales et qui suscita bien des polémiques : la Libre Pensée de l’île de Ré. Très actif, il créé différentes sociétés de secours mutuels, sauveteurs en mer et comices agricoles. Auteur de publications d’histoire locale, archéologue à ses heures, il fonda également des sociétés savantes et archéologiques. Seul bémol à ce portait flatteur : le personnage avait la réputation de rechercher les récompenses officielles, un besoin de reconnaissance sans doute assez normal pour cet homme brillant et hyperactif. À sa mort, en 1905, ses héritiers se voient obligés de mettre en vente ses collections. Certains érudits locaux s’en émeuvent.
Émile Atgier, un ami bien avisé
C’est alors qu’entre en scène un personnage peu connu du grand public et ami du défunt : Émile Atgier, médecin militaire à la Rochelle, puis à Alger, il mourra au champ d’honneur lors de la bataille de Flandres en 1915. Ce lettré s’intéresse à l’histoire, publie des monographies dont celles sur les hôpitaux de la Rochelle et de Saint-Martin de Ré font encore référence. Archéologue, il est Président de la Société préhistorique française et vice-Président de la société d’Anthropologie de Paris. C’est dans le cadre de la Société des Rétais de Paris, fondée à son initiative qu’il côtoie Ernest Cognacq, président d’honneur. Navré à l’idée de la dispersion des trésors de Phelippot, Émile Atgier va s’adresser à Ernest Cognacq.
Le mécène Ernest Cognacq
Ernest Cognacq est l’archétype même du self-made man. Il débute petitement à Paris dans le commerce du drap et de la mercerie et galère une dizaine d’années, jusqu’au jour où, en 1870, il loue un emplacement au Pont-Neuf, à Paris, qu’il nomme La Samaritaine du nom d’une ancienne fontaine du quartier. Il ne s’agit alors que « d’une arrière-salle de huit mètres sur quatre »(1) à la façade peinte en bleue. Nous sommes loin des quatre magasins se style Art Nouveau qui investiront ultérieurement le quartier. Didier Jung raconte que « sa gouaille lui vaut le sobriquet de Napoléon du déballage ».(1) C’est un atout, certes, mais son sens commercial et son culot l’aideront tout autant. Il saura exploiter la guerre de 1870 pour faire avancer ses affaires, obtenant des marchés de confection d’uniformes. La paix revenue, il met tout en oeuvre pour que son magasin devienne la destination privilégiée des Parisiennes comme des provinciales.
C’est à cet homme-là qu’Émile Atgier va demander en 1915 de sauver les collections de Théodore Phelippot. Pourtant rien dans le parcours d’Ernest Cognacq ne le prédestinait à un devenir d’amateur d’art. Cet homme qui n’a jamais été au Louvre, « qui ne comprend rien à l’art »(1) finit par estimer qu’une collection de tableaux de valeur conviendrait à son statut social. Vers les années 1895, il commence à s’intéresser aux impressionnistes dont la cote ne cessera de grimper en cette fin XIXe, motivation première sans doute pour Ernest Cognacq qui n’apprécie pas particulièrement ce mouvement pictural. Il cherche désespérément, sans succès, les bleus et les verts de cette peinture audacieuse dans la nature du Bois de Boulogne ! Préférant la finesse de la peinture du XVIIIe, dix ans plus tard, il se tourne vers les peintres français de cette époque sans pour autant se départir de ses toiles impressionnistes. Mais il ne deviendra jamais ce qu’il est convenu d’appeler un collectionneur éclairé.
Le musée Ernest Cognacq
C’est donc sa fibre rétaise plutôt qu’artistique qui le fait répondre favorablement à la demande d’Atgier. Il lui remet 12 000 F pour l’achat des collections Phelippot offertes à la commune de Saint-Martin en vue de la création d’un musée municipal. Deux ans plus tard, en 1907, il fait un don de 25 000 F. afin d’acquérir la maison des Cadets-Gentilshommes pour abriter les précieuses collections. Une grande fête est donnée pur célébrer l’événement, mais les finances du musée se dégradent rapidement et ne permettent plus de l’entretenir. Informé de la situation, Ernest Cognacq créé une fondation qui bénéficiera d’une rente annuelle perpétuelle de 500 F. Il faudra attendre 1969 pour que les collections soient transférées dans l’Hôtel de Clerjotte où elles constituent, aujourd’hui encore, le coeur du fonds (2) même si le musée qui a fêté son premier centenaire en 2007 s’est beaucoup enrichi depuis.
Catherine Bréjat
(1) Les Cognacq-Jay : Samaritaine et Philantropie de Didier Jung, Ed Le Croît Vif
(2) Julia Dumoulin dans Histoire de l’île de Ré, Ed Le Croît Vif – GER
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