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Mission accomplie pour les Sauniers de l’île de Ré
Les Sauniers de l’île de Ré tenaient leur assemblée générale le 30 septembre dernier, à la salle des fêtes d’Ars-en-Ré. L’année 2019 s’avère très satisfaisante pour la Coopérative qui a atteint les objectifs qu’elle s’était fixés
« Globalement, nos objectifs ont été remplis pour l’exercice 2019 », résume Loïc Abisset, le président de la Coopérative des Sauniers de l’île de Ré. « Le Conseil d’administration s’est réuni quatorze fois au cours de cette année 2019, ce qui prouve que le fonctionnement démocratique est bon et que les administrateurs sont impliqués. Cependant ce rôle est épuisant, nous aurons besoin pour l’avenir de nouvelles énergies. La stabilité économique viendra d’une stabilité politique », ajoute-t-il. Le président rappelle que la Coopérative accueille désormais des adhérents non-coopérateurs, ce qui représente une force supplémentaire pour la structure. Il a également soulevé la « difficulté de recruter des sauniers sur le nord de l’île, à cause des difficultés à se loger ». En cette année 2019, la Coopérative comptait 60 « apporteurs » de gros sel et 52 pour la fleur de sel, pour 72 adhérents.
Des volumes en nette augmentation
« La Coopérative, après trois exercices déficitaires, sort enfin la tête de l’eau et arrive au-dessus de la ligne de flottaison ». En d’autres termes, les volumes récoltés et vendus sont en forte augmentation. « Il s’agit de la deuxième année consécutive exceptionnelle en termes de production », se réjouit Loïc. Cette remontée des stocks, associée à une gestion commerciale de plus en plus performante, offre de belles perspectives après plusieurs années difficiles. Ainsi, au 31 août 2019, la Coopérative disposait de près de 7 300 tonnes de gros sel (et autant restés sur les bosses puis rentrés au printemps 2020) et de 370 tonnes de fleur de sel. « Nous n’avons pas eu de stock comme cela depuis bien longtemps ! Ce stock nous permet de le sécuriser, pour les années à venir, en cas de mauvaise production ». Concernant la livraison de gros sel, elle s’élève à plus de 1 723 tonnes (en poids brut livré) et de plus de 37 tonnes pour la fleur de sel. Des chiffres satisfaisants, tout comme ceux du chiffre d’affaires de cette année-là. En effet, le chiffre d’affaires de la Coopérative est passé de 2 348 000 euros hors taxes en 2018 à 3 215 000 euros hors taxes en 2019, soit une augmentation de 36,9%. Dans le détail, le chiffre d’affaires sur le gros sel a augmenté de 28% et celui de la fleur de sel de 57% entre 2018 et 2019. « Cette belle augmentation est essentiellement dûe à un meilleur travail avec Leclerc et à notre nouveau client Lidl », souligne Gilles Charles, le responsable commercial.
Un nouveau client de poids
La Coopérative des Sauniers de l’île de Ré a en effet signé un contrat avec le distributeur de Saint-Martinde- Ré. « Après une longue période de négociation qui a duré plusieurs mois, Lidl est entré dans le marché de la Coopérative », se félicite Charles. « Le fait d’avoir de nouveaux clients nous permet d’être moins tributaires de Leclerc. Nous allons poursuivre le développement de notre portefeuille clients et la fidélisation de nos clients existants », complète-t-il. Les bonnes ventes peuvent aussi en partie s’expliquer par les actions de communication menées par la Coopérative : présence sur les marchés, opération « apéro marais » en partenariat avec Uniré, renfort de la visibilité nationale à travers la presse écrite et les radios ou encore le marketing digital (site internet, page Facebook). Les visites du grand public ont par ailleurs augmenté de 16% par rapport à l’année 2018, et ont représenté une hausse de 51% des ventes au sein de la boutique de la Coopérative.
Objectif fleur de sel
Si les résultats concernant le gros sel sont très satisfaisants, une amélioration est à envisager autour de la fleur de sel. « L’objectif, au final, est de devenir également des représentants de la fleur de sel, et pas uniquement du gros sel pour lequel nous sommes systématiquement associés. Mais le marché de la fleur de sel est un marché compliqué, il va falloir investir ». En ce qui concerne les investissements justement, la Coopérative en a réalisé plusieurs au cours de cette année 2019 : escabeau avec plateforme sécurisée, scotcheuses, tire-palettes avec assistance électrique ou encore chariots électriques. « Cela peut paraître anecdotique mais ces outils sont très importants pour le travail au quotidien », résume Dorothée Ossude-Kendall, la directrice de la Coopérative. « Nous ne lésinons pas avec la sécurité », poursuit- elle. La directrice explique par ailleurs que la Coopérative, est toujours certifiée par l’IFS à un niveau supérieur (la certification « International Featured Standard » est un prérequis essentiel pour accéder à la grande distribution, NDLR). Par ailleurs, la Coopérative n’a eu aucun rappel de produit et a su gérer la crise du Grand America, naufragé en avril 2019.
Le projet industriel se poursuit
Afin de poursuivre son projet industriel (modernisation et mise à niveau des process de transformation du sel, NDLR), les Sauniers de l’île de Ré peuvent compter sur une subvention de la région Nouvelle-Aquitaine ainsi que sur la confiance renouvelée de son partenaire bancaire le Crédit Agricole qui a donné son accord de principe au financement du projet. Par ailleurs, les producteurs de la Coopérative ont réalisé des travaux de réhabilitation et d’entretien pour un montant global de 47 660 euros, dont 35% ont été financés par le Département et 45% par la Communauté de communes de l’île de Ré. Le président de la CdC a d’ailleurs tenu à s’exprimer au cours de cette assemblée générale en dénonçant notamment les « dérives d’activité » et la problématique du foncier (lire notre encadré).
Le début d’une nouvelle ère
En 2019, la Coopérative a bien sûr continué à avancer sur son « Plan Coop 2021 », avec notamment le maintien d’un stock de gros sel sur 3 ans et de fleur de sel sur 5 ans ainsi qu’un chiffre d’affaires de la cabane au-dessus des objectifs fixés. « Pour résumer, la consigne de progression programmée pour 2019 a été respectée, la mission est accomplie. La restructuration que nous avons engagée depuis plusieurs années nous a permis un retour à l’équilibre et une bonne gestion du stock. C’est la fin d’une période difficile, mais c’est surtout le début d’une nouvelle ère. Il faut maintenant se projeter sur un nouveau schéma directeur à partir de 2021 et réfléchir à ce que sera notre avenir à moyen terme », conclut Loïc Abisset.
« Protéger le foncier de la loi économique »
Lionel Quillet, président de la CDC, lors de l’assemblée générale des Sauniers de l’île de Ré :
« Dans cette situation de crise du Covid, la saison entre juin et août a été exceptionnelle. Concernant les récoltes, elles ont été moyennes mais en termes de valorisation des produits, nous sommes au top. Maintenant le problème, c’est le foncier, et ce pour tous les agriculteurs, y compris les sauniers. Quand une chèvrerie qui vaut 250 000 euros se vend 1 million, ça s’appelle un placement d’affaires. C’est légal, oui, mais ce n’est pas du tout ma tasse de thé. Nous avons des agriculteurs, des ostréiculteurs, des sauniers et si l’on continue comme ça, nous n’aurons plus que des hommes d’affaires sur l’île.
Créer une carte des zones humides
Lorsque la génération future voudra s’installer, il n’y aura plus de terrain. C’est la loi économique bien sûr, mais il faut protéger le foncier. Il faut nous mettre autour de la table et réaliser une carte définitive des zones humides sur laquelle sera clairement établi ce qu’est un terrain agricole, un terrain ostréicole, un terrain saunier. Je propose donc au conseil d’administration de la Coopérative de réaliser ce travail avant le début de l’année prochaine. Si votre profession n’est pas encore touchée, nous ne pouvons pas attendre que la loi économique prenne le dessus. Nous sommes déjà dans une situation où les ostréiculteurs ne transmettront pas des cabanes ostréicoles, mais des restaurants. Il faut que les sauniers transmettent des cabanes de saunier ».
Lionel Quillet a par ailleurs affirmé « recevoir beaucoup de pression » sur ce sujet du foncier et avoir « peur de ce que va devenir notre territoire ».
Interview Loïc Abisset – Président de la Coopérative des Sauniers
Si 2019 a été une année exceptionnelle pour la Coopérative des Sauniers de l’île de Ré, 2020 sera un cru « moyen », du point de vue de la production. Cependant la solidarité entre salariés et producteurs s’est affirmée en ces temps de crise sanitaire. Bilan de cette saison salicole particulière avec Loïc Abisset, président de la Coopérative des sauniers de l’île de Ré
Ré à la Hune : Quel premier bilan tirez-vous de cette année 2020 ? Loïc Abisset : Sur le plan de la production en marais, 2020 sera une année très moyenne. L’année a forcément été mal engagée, mais elle aurait pu se terminer bien plus mal… Nous avons eu beaucoup de pluie à partir de la mi-juin, un mois de juillet satisfaisant où nous avons pu récolter sans discontinuer à partir du 10 juillet puis un mois d’août difficile avec de nombreux orages. Heureusement, nous avons ensuite pu reprendre la récolte en septembre. Lors du premier charroi début septembre, nous avons rentré 1 800 tonnes de gros sel. Nous pouvons nous attendre à en rentrer encore environ 300 tonnes mais compte-tenu de la météo de ce début octobre, nous ne sommes pas sûrs de pouvoir faire un nouveau charroi avant l’hiver.
Quel a été l’impact du Covid sur votre activité ? Cela a été compliqué pour tout le monde. Cependant pour nous, les producteurs, nous étions confinés dans nos marais … Il n’y a donc pas eu de réelle différence ! C’est pour les salariés de la Coopérative que la situation a été difficile, avec le respect de la distanciation et des gestes barrières et beaucoup de commandes de gros sel à assurer. Car si les consommateurs ont dévalisé les rayons de nouilles, ils ont aussi dévalisé les rayons de sel ! Nous produisons des produits essentiels à la population, et nous en sommes fiers. Nous n’avons jamais cessé de livrer nos clients, nous estimons que cela fait partie de notre devoir. Nous n’avons que très peu recouru au chômage partiel et le Conseil d’administration de la Coopérative a décidé d’accorder une prime aux salariés, pour laquelle les producteurs ont accepté de baisser leur rémunération. Cette solidarité entre producteurs et salariés s’est ainsi naturellement mise en place pendant cette période difficile.
Quels étaient vos objectifs pour 2020 et seront-ils atteints ? Nous sommes sur l’élan donné en 2019. Le fonds de commerce retrouve un niveau normal, voire en progression. Il s’agit de continuer à progresser en termes de valorisation de nos produits. Nous allons par ailleurs concrétiser le projet industriel de la Coopérative (modernisation et mise à niveau des process en termes de transformation du sel, NDLR), afin que les salariés en production travaillent dans de meilleures conditions mais aussi pour répondre au mieux aux demandes et aux besoins de nos clients. Initialement prévu pour être finalisé cette année, le projet a dû être repoussé à 2021, à cause de la crise sanitaire.
La Compagnie des salins du midi (qui commercialise notamment le sel « La Baleine » ND LR) a déposé deux marques : « Le Saunier de l’île de Ré » et « Les sauniers rétais ». Quel est le risque pour votre Coopérative et comment réagir ? Le risque est majeur ! Le marché des sels industriels se casse la figure et celui des sels d’origine progresse. Les industriels cherchent donc à récupérer notre sel. La Compagnie du midi a déjà acheté du sel à Noirmoutier et déposé des marques auprès de l’INPI (Institut national de la propriété industrielle). Ils ont fait la même démarche avec l’île de Ré en déposant l’année dernière « Le Saunier de l’île de Ré » et « Les sauniers rétais », avec en prime un logo triangulaire turquoise ! Il s’agit d’une stratégie de confusion à laquelle nous nous opposons évidemment. La démarche est en cours avec notre avocat. Cette compagnie cherche certainement à installer des sauniers sur l’île, c’est un risque de déstabilisation de la filière et de précarisation du métier. Il est important que nous soyons attentifs à ne pas laisser de foncier pour faire face à cette menace.
Propos recueillis par Aurélie Cornec
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