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Michel Pelletier
Né le 3 avril 1939, rue des Tuileries à La Couarde, Michel Pelletier est issu d’une vieille famille rétaise. Son arbre généalogique le rattache au début du 17e siècle à un certain Pierre Pelletier, vigneron de son état ; et de façon beaucoup moins certaine, durant le règne de Louis XIV, à un corsaire nommé Pelletier. De même, le nom de deux autres Pelletier est mentionné dans les comptes de la seigneurie de Louis II de la Trémoïlle entre 408 et 410.
« Je voulais être paysan »
C’est à La Couarde que Michel Pelletier a fait sa primaire et obtenu son Certificat d’études. Voulant être paysan comme son père et son grand-père, Michel a commencé de travailler dans l’exploitation familiale dès l’âge de 14 ans.
« Je voudrais préciser que la vision qu’avait Eugène Fromentin des paysans rétais est à peu près la même que celle d’une catégorie de touristes qui déclarent avoir découvert un pays sans même sortir de l’enceinte d’un Club Med ! Mon père était un lettré, un homme cultivé qui pour l’époque possédait une bibliothèque incroyable. De même, il faut savoir que c’est mon grand-père qui au début du siècle dernier a créé la bibliothèque coopérative de La Couarde, devenue par la suite municipale ».
À son retour d’Algérie en 1964, Michel Pelletier intègre la 10e session de l’IFOCAP (institut de formation des cadres paysans) pour y suivre une formation universitaire, où il aura notamment comme enseignants Jean Boissonnat, René Rémond, Jean Conilh, etc.
« L’évènement rétais d’après-guerre »
« Ce qui m’a très certainement le plus marqué dans ma vie professionnelle, c’est la création en 1950 de la cave coopérative et les grandes discussions qui l’ont précédée. Mon père était à fond dedans. D’entrée il y a mis toute sa récolte. Au départ, nous n’étions que 27 souscripteurs. Sans avoir les mêmes idées sur tout nous étions tous copains avec la volonté commune de tout mettre ensemble. Résultat, aujourd’hui, il n’y a plus un seul viticulteur indépendant dans l’île. Pour moi, la coopérative c’était le meilleur moyen de se regrouper afin de défendre nos intérêts financiers, afin d’être au fait des progrès et des nouvelles technologies. Un moyen également idéal pour avancer à condition bien sûr que la politique de la coopérative soit dynamique, avec comme impératif que le président et le directeur marchent ensemble et dans le même sens. Aujourd’hui, avec du recul, cette coopérative c’est l’évènement rétais de l’après-guerre. Elle traduit l’esprit de l’insularité : se regrouper devant l’adversité. Par ailleurs, la coopérative a permis de gommer non seulement l’esprit de clocher qui pouvait exister parmi les viticulteurs, mais également de mettre fi n à 7 siècles de viticulture indépendante. Enfin, cela nous a donné la possibilité de faire appel à des personnes compétentes pour assumer les fonctions de président et de directeur ».
Ensuite, à l’initiative des jeunes, avec pour leader Louis Gaudin, tous désireux de rassembler encore plus, fut créée en 1966 UNIRÉ dont la finalité était « l’Union des services ».
En dehors de l’île, Michel Pelletier fut…
…durant 25 ans au bureau national du Cognac en tant que vice-président, président de la Famille de l’Agriculture et président du CRINAO (comité régional de l’institut national des appellations d’origine) du cognac et du pineau des Charentes.
Il fut également membre de l’INAO (institut national des appellations d’origine et de la qualité). On le retrouve pendant 25 années à la Chambre d’Agriculture de La Rochelle où il est en charge des questions d’aménagement et d’environnement.
« Il faut dire que je suis tombé tout jeune dans la marmite de la formation agricole. Aujourd’hui, je constate que les jeunes ont certes la formation technique, mais aucunement la formation syndicale pour se rassembler efficacement sur ce qui divise. C’est fi ni, on ne travaille plus seulement pour soi, on travaille aussi pour le futur ».
…et aujourd’hui ?
Michel Pelletier est désormais un paysan à la retraite, un paysan qui a cédé toutes ses terres en fermage, à des jeunes : les vignes à Paul-Eugène Brullon, les marais à Nicolas Decis et Jérôme Bertin.
« J’ai toutefois conservé ma parcelle de subsistance (1,6 ha) et mes 60 pieds de Chauché (un ancien cépage que Michel Pelletier a réhabilité). Ainsi, en laissant mes terres à des jeunes, en louant mes deux maisons à l’année à de jeunes couples, je participe à mon échelle au maintien d’une vie permanente dans l’île.
…je serais contre le classement des zones agricoles
Ça peut surprendre, mais aujourd’hui, je serais contre le classement de l’île, du moins de ses zones agricoles. Avec cette surimposition de classement on est en train de tuer l’agriculture dans l’île. On ne va quand même pas faire des écomusées de tout ce que le Conservatoire du littoral et le Département rachètent. Jadis vice-président des AIR [amis de l’île de Ré], j’ai démissionné. C’est un truc de Parisiens qui n’ont rien compris à notre territoire insulaire. Le 16e, c’est pas pour moi !
Ma grand-mère avait une expression pour exprimer son ras le bol : “Il faut tous les foutre dans le grand vasais” ! Je souscris, car en 20 ans, à cause de gens comme ça, l’île a perdu son âme paysanne. Ce sont 7 siècles d’histoire paysanne qui viennent d’être gommés avec 16 % des sols « nationalisés » et bientôt 50 %. À croire que certains préfèrent les friches aux cultures. Aux friches succèdent ensuite les bois. C’est pourquoi je demande que soit réalisée une étude d’impact sur le boisement, lequel modifi e l’état des lieux et le climat de l’île. »
Président des Anciens Exploitants (une section du syndicat agricole FNSEA), avec des collègues, Michel Pelletier se bat « pour défendre l’équité, contre tous ceux qui viennent nous faire la morale, nous donner des leçons, alors qu’ils ne savent même pas comment dépenser leur fric. Sûr qu’on les foutra dans le grand vasais » !
« Aujourd’hui, on met en place une protection passive, réglementaire, et non une protection active au service de la vie permanente. Ma grande crainte, c’est de voir l’île devenir, si elle ne l’est pas déjà partiellement, une île pour gens friqués. »
Pour tous ceux qui adhèrent aux idées de Michel Pelletier, ils pourront le retrouver le 12 octobre prochain à Rivedoux à l’occasion de « La veillée des conteurs » et lors des Journées du Patrimoine sur le thème de « La pêche à pied, de jour et de nuit ».
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