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Mathieu Latour ou l’émotion animalière à l’état pur
Nous avons connu un adolescent passionné par le règne animal et la photographie, nous retrouvons un jeune homme de 27 ans engagé, dont la vie est vouée à sensibiliser le grand public à « la 6ème extinction de masse, causée par l’homme ». Avec toujours une note d’espoir, autour de toutes les actions de protection des animaux menées par les ONG. Et un travail d’une beauté époustouflante. Rencontre.

Né à Paris, Mathieu rejoint dès l’âge de 3 ans l’île de Ré avec ses parents et son petit frère. Ses grands-parents maternels y habitent déjà. Il y passe toute son enfance et son adolescence, élève en primaire à La Flotte, il déménage au Bois-Plage et devient collégien et lycéen à Fénelon Notre-Dame à La Rochelle. Dès son plus jeune âge, il est passionné par le monde animal, dévore les livres sur les animaux, les documentaires à la télé. Garçon solitaire, très timide, il est fasciné par « ce monde irréel peuplé de créatures fantastiques », il a envie de toutes les voir, s’intéresse à tous les animaux, collectionne des fiches, fait des voyages avec ses parents et son stage de 3ème au Muséum de La Rochelle, où il a pris l’habitude d’aller se réfugier à la pause méridienne durant ses années de collège et de lycée.
« J’aime tout de cette nature à l’état sauvage »
Ses parents ont une passion pour les voyages, toujours centrés sur la Nature, et son père adore les animaux. La petite famille part à la découverte des animaux sauvages dans les forêts tropicales ou les savanes, fait des voyages-safaris, des sorties « birdwatching », du snorkeling… Asie et pays tropicaux, Seychelles, Costa Rica, île de La réunion, Kenya, Tanzanie, Afrique du Sud… Mathieu ne se sent jamais aussi bien que dans la forêt tropicale ou la savane : « La végétation, les couleurs, les senteurs… j’aime tout de cette nature à l’état sauvage. », explique-t-il.
Son père faisant beaucoup de photos d’animaux, c’est en l’observant durant ces voyages que Mathieu se dit qu’il peut aussi s’y essayer et y prend très vite goût. « Pour se souvenir, savoir parfois de quelles espèces il s’agit, alimenter mon travail de collection animalière, mais aussi pour les montrer à mes proches et les émerveiller. ». A 7 ans, il reçoit son premier appareil et photographie les animaux lors de ses voyages, mais aussi sur l’île de Ré. A 11 ans, il se demande ce qu’il va faire plus tard. Il n’est pas tenté par le métier de vétérinaire, qui comporte trop de médecine scientifique à son goût et concerne souvent les animaux domestiques. Soigneur animalier pourrait le tenter. Mais il a envie de côtoyer les animaux sauvages dans leur milieu naturel et aime tellement faire des photos qu’il pense plutôt à la photo animalière.
Trois rencontres décisives
A l’âge de 15 ans, sa rencontre avec François Blanchard, ancien reporter de guerre à la retraite, qui passe une bonne partie de ses loisirs à photographier notamment les oiseaux de l’île de Ré, sera décisive. François prend le jeune Mathieu sous son aile, l’emmène admirer le Harfang des Neiges qu’il a découvert le premier lors de ses pérégrinations dans la nature rétaise et – touché par la motivation sans faille du jeune adolescent – lui propose de l’accompagner lors de ses sorties à travers les marais. « François a été mon mentor dans la photographie animalière, il m’a enseigné beaucoup de choses, appris à utiliser au mieux la lumière matinale ou de fin de journée. Il m’a inculqué la plus grande des vertus en photographie animalière, la patience ! Cela a été une super rencontre. C’est lui aussi qui m’a poussé à faire de la vidéo quand j’ai terminé le lycée. »
Mathieu estime qu’il a suffisamment de connaissance sur les animaux, n’a pas forcément envie de faire des études trop scientifiques, et choisit ainsi la photographie. Durant ses trois années à l’Ecole de Condé à Paris, il découvre la technique, la retouche, la prise de photos en studio, l’utilisation de la lumière en intérieur, ainsi que le montage d’expos photos, la réalisation d’affiches, de livres, etc. La photo animalière n’étant pas une spécialité de l’école, il sort ainsi de sa zone de confort. Ce sera ses « meilleures années d’études ». Avec beaucoup de rigueur et de détermination.
Nouvelle rencontre importante pour Mathieu, qui mène son stage de 2ème année de Condé au sein de notre journal Ré à la Hune, pour lequel il réalise des photoreportages animaliers, sur l’île de Ré. Il y apprend à concevoir des articles, rédiger, mais aussi la rigueur d’un travail récurrent. « Cela a été mon meilleur stage ! » se rappelle-t-il. Ses pages « Photos à la Hune » sont tellement réussies et plaisent tellement à nos lecteurs que ce stage se transformera en collaboration régulière pendant près de cinq ans !
« Ma troisième rencontre déterminante a été à peu près à la même époque avec Dominique Chevillon, vice-président de la LPO et président de Ré Nature Environnement, qui fut mon mentor naturaliste. Il m’a tant appris sur le fonctionnement des écosystèmes, la faune rétaise… » Mathieu rejoint Ré Nature Environnement, et se voit assez rapidement proposer d’en devenir administrateur, le plus jeune du Conseil.
Le cinéma animalier, bon complément à la photo
Mais il est difficile de vivre de la seule photo animalière, aussi le jeune homme se lance dans deux années d’études à l’IFFCAM (Institut Francophone de Formation au Cinéma Animalier de Ménigoute). « Cinéma et photo sont deux métiers qui se complètent. » Il fait des films sur les oiseaux de l’île de Ré et des animaux en France, puis sur la protection des animaux en voie de disparition. Il aura dès lors pour leitmotiv de toujours aller au-delà des belles images, pour sensibiliser le public aux espèces menacées, transmettre l’émotion qui émane de la beauté animalière et faire découvrir des espèces rares et méconnues. « Emouvoir, apprendre, sensibiliser » sont les trois points les plus importants de mon travail. »
A sa sortie de l’école de Ménigoute il a la chance de travailler six mois pour Yann Arthus-Bertrand qui le sollicite sur quatre tournages pour son grand film « Vivants », sur tous les animaux de France. Puis il travaille aussi en partenariat avec la LPO, réalise notamment le film « Les 4 saisons du Fier d’Ars » diffusé à la Maison du Fier.
« Regards d’Extinction », un magnifique projet
Son grand projet, qui a pris ses racines lors de sa dernière année d’études à Condé, s’intitule « Regards d’extinction ». Ce projet de fin d’études, avec trente animaux, a pris une telle ampleur qu’il y a consacré – et continue – trois années, avec l’objectif de faire trois cents portraits d’animaux menacés. Son fil rouge en matière d’esthétisme : des photos prises toujours en face à face, « droit dans les yeux ». De tous les groupes d’animaux, des mammifères aux invertébrés. « Jamais un projet n’a présenté autant d’espèces menacées, avec le même esthétisme, c’est Yann Arthus-Bertrand qui m’a conseillé de viser les trois cents photos, pour un projet vraiment marquant. Après la 5ème extinction de masse, celle des dinosaures, il y a 65 millions d’années, on parle aujourd’hui de 6ème extinction de masse, causée celle-ci par l’Homme. »
Pour ce projet, Mathieu travaille en partenariat avec une vingtaine de parcs zoologiques, dont il s’est assuré évidemment de la réelle éthique en matière de bien-être animal et de préservation des espèces : « Les parcs zoologiques financent des programmes dans le monde entier, pour protéger les animaux menacés, ce sont les premiers donateurs auprès des ONG partout dans le monde. Et cela n’aurait pas eu de sens au plan écologique de faire trois cents allers-retours en avion. J’ai juste fait quelques voyages dans des parcs en Europe pour photographier certaines espèces et ai aussi photographié quelques animaux en pleine nature, en France. Mon seul grand voyage hors de l’Europe pour ce projet je l’ai fait il y a deux mois, au Mexique, pour photographier un oeil de baleine. Dans un endroit où chaque année vers la fin mars les baleines grises se reproduisent et se laissent approcher par des bateaux à moteur. »
« Pour chaque photo de ce projet « Regards d’extinction », il faut énormément de temps pour que l’animal accepte de me regarder en face, parfois j’attends plus de trois heures, les soigneurs sont de précieux alliés, ils connaissent bien les animaux et savent attirer leur attention. »
Mathieu passe ensuite par un travail de retouche, « mais sans jamais dénaturer le réel, c’est ce que je vois de mes propres yeux, il n’y a pas de triche », tient-il à préciser.
Son projet prendra la forme d’un livre dont la sortie est prévue à l’automne 2026, comportant ces trois cents portraits – il en a déjà réalisé deux cents soixante-dix – et des textes d’explication sur chacune de ces espèces menacées. Avec toujours aussi une note d’espoir, en mettant en avant le formidable travail des ONG au service de la protection animalière et en expliquant comment protéger les espèces menacées.
Mathieu prévoit aussi de monter des expositions de photos extraites de ce livre, partout en France, en intérieur et en extérieur. Ce travail de longue haleine a été possible grâce à un mécène, le groupe ABC Arbitrage.
Il en a fait du chemin, le jeune Mathieu et il n’a pas fini de nous émouvoir, de nous émerveiller et – espérons-le – de réveiller les consciences…

« Regards d’extinction » sur l’île de Ré
Première de cette série d’expositions, depuis cette mi-avril 2025 et pour six mois, en partenariat avec la mairie de Sainte-Marie de Ré, l’exposition extérieure, cours des Tilleuls, de vingt tirages de « Regards d’extinction » sur vingt espèces menacées, dont certaines sur l’île de Ré.
Également le 22 mai à 18h Mathieu Latour interviendra à la Coopérative des vignerons pour expliquer son projet et son travail photographique sur l’île de Ré, à l’initiative du Rotary Club île de Ré.
Un autre projet devrait aussi prendre forme cet été, mais chut ! il est trop tôt pour en parler !
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