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MAT-Ré maintient la pression du lanceur d’alerte
Samedi 28 octobre, le Président de l’association MAT-Ré Frédéric Jacq entouré de son équipe a reçu les adhérents pour l’AG annuelle.
Se succèdent au micro deux hommes, lui-même et Michel Lardeux, ayant chacun leur sujet de prédilection. Au premier, la cimenterie Eqiom et « une longue histoire parsemée de procédures », au second le développement du GPM* de La Rochelle. A la suite de l’AG, une réunion publique et l’intervention d’un invité de référence en la personne de M. René Barthe, ancien administrateur de l’association Nature Environnement 17 et spécialiste des risques industriels sur les ports. « Nous maintenons nos efforts avec constance pour protéger l’Île de Ré des nuisances du GPM », assure Frédéric Jacq. Le ton est donné.
Le dossier Eqiom en attente
Après avoir perdu « sans surprise » sur la seconde autorisation de construire, les avocats de l’association étudient les possibilités d’un recours sur le permis de construire initial (délivré en 2010), peut-être offertes par les jurisprudences du Conseil d’Etat. « Il n’y a pas eu de certificat de fin de travaux après leur arrêt pendant un an », explique Frédéric Jacq affirmant toutefois qu’il « n’y aura pas d’engagement de l’association s’il n’y a pas de grandes chances de gagner ».
Sur le volet pénal, il évoque la plainte déposée pour soupçons de corruption « bloquée au niveau du réquisitoire du parquet ». « Cela fait deux ans qu’on nous demande des documents parfois très accessibles », souligne Frédéric Jacq, rappelant l’importance de ce dossier, « la corruption dans l’industrie du ciment étant avérée. Nous sommes confrontés à une situation complexe », conclut-il.
Le GPM sous surveillance renforcée
Ne voulant pas empiéter sur l’intervention de M. Barthe, Michel Lardeux se contente de rappeler l’incendie du 10 août dernier débutant sur « une bande de transport de céréales » pour se propager rapidement à quatre silos de la société Sica Atlantique, qui a propulsé le GPM à la Une de médias nationaux et nécessité l’intervention de 96 pompiers. « Nous demandons toujours un moratoire sur le développement du port », intervient brièvement Frédéric Jacq, Michel Lardeux soulignant un danger accru par la proximité d’habitations.
Côté pollutions, l’association s’inquiète de la dégradation possible des eaux de mer. Aussi a-t-elle décidé de lancer une analyse d’échantillons. « Il s’agit de mesurer la teneur de certains produits en lien avec les activités portuaires tel métaux lourds et sulfates sur des secteurs de pêche et de baignade », explique Michel Lardeux.
Dangereux le GPM de La Rochelle ? A ce stade de la réunion, nous n’en sommes qu’aux prémices. Avant d’ouvrir la réunion publique, notons encore les remerciements de Frédéric Jacq aux associations amies, avocats et bien sûr adhérents, sympathisants et donateurs soutenant fidèlement MAT-Ré.
Huit sites Seveso rassemblés
« Le GPM est la plus grosse concentration de sites dangereux du département », affirme René Barthe après avoir expliqué que le risque industriel existe depuis que le port existe mais que l’information publique est, elle, plutôt récente, avec « l’ouverture des instances existantes aux associations ». Expert en ce domaine, René Barthe explique à l’assistance la nomenclature des sites classés dangereux. Pour certains produits, une autorisation obligatoire, pour d’autres un enregistrement ou une simple déclaration et enfin certains non classés. Et côté GPM ils sont huit, hydrocarbures (le plus gros) mais aussi nitrates, ammonitrates ou encore acides nécessaires au travail des terres rares. En bref, le risque d’un incendie tel celui de l’été dernier, c’est tout simplement l’explosion par effet domino et il faut savoir que l’ensemble des produits stockés représente cinq fois ce qui a produit l’accident de Beyrouth.
Pratiques peu avouables
Selon René Barthe, il faut aussi surveiller les sites en autosurveillance car « certains jouent le jeu et d’autres moins tandis que la réforme du Code du Travail a enlevé au Comité Hygiène et Sécurité son pouvoir d’alerte », souligne-t-il, tandis que Michel Lardeux se dit « personnellement très inquiet » sur une entreprise ayant selon lui bénéficié de complaisances car tout d’abord classée Seveso seuil bas pour être finalement déclassée. Les exemples de transgressions se succèdent alors, René Barthe évoquant une entreprise condamnée en 2022 suite à une plainte de Nature Environnement 17 pour rejet de résidus de colorants dans les eaux pluviales de La Rochelle, « et qui vient de recommencer » « C’est grave que ce soit les associations qui doivent faire respecter la justice », estime René Barthe. On l’a bien compris, le dossier GPM est semé d’exemples sulfureux.
Quels outils face aux risques ?
« Suite à l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001, il existe les Plans de Prévention des Risques Technologiques selon la loi de 2003 », explique René Barthe avant d’ajouter qu’ils ont été « modifiés pour soulager les industriels de leurs obligations » et se révèlent donc insuffisants, tout comme les contrôles, pourtant assez fréquents, effectués par ATMO* sur la qualité de l’air. « Nous demandons des contrôles sur la totalité de La Rochelle à l’exception des quartiers Ouest », précise René Barthe. Car il y a deux types de dangers, le risque accidentel et le risque chronique. Pollutions de l’air mais aussi de l’eau potable, elle aussi impactée sur La Rochelle car « filtrée avec des sels d’aluminium (augmentant les risques de maladie d’Alzheimer) au lieu de sels ferriques, ne présentant aucun danger mais plus cher », ironise René Barthe.
Améliorer l’information au public
« Il faut se bagarrer pour qu’elle soit meilleure », affirme René Barthe, évoquant la lecture des comptes-rendus du Comité de Suivi et d’Information des Sites, « de la poudre de perlimpinpin car réunissant Etat et industriels, même si les associations ne se gênent pas pour dire ce qu’elles pensent », estimet- il. « En cas d’accident, il faudra pouvoir mettre les entreprises face à leurs responsabilités et c’est aux associations locales d’exiger tous les résultats d’analyses ».
L’Ile de Ré dans tout ça ? Elle ne saurait échapper aux menaces potentielles, notamment du côté de Rivedoux, sur les pollutions de l’air et des eaux marines. Sans oublier qu’en cas d’accident majeur, le souffle d’une explosion se ferait sentir sur un rayon d’une vingtaine de kilomètres, estime René Barthe.
« La France avait auparavant l’un des systèmes les plus performants en matière de risques car fondé sur le déterminisme, avant de l’échanger pour celui de la probabilité », conclut-il. Autrement dit, nous avons accepté l’idée de vivre à côté d’un volcan. Mais le citoyen en est-il réellement informé ?
*GPM : Grand Port Maritime – ATMO : Fédération des Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air
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